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Discours de Peter Schieder au 2e Congrès mondial contre la peine de mort

discours du 8 octobre 2004 - Conseil de l'Europe
Chers amis,


Nous avons tous été profondément choqués par les attentats effroyables commis récemment à Beslan. Au milieu du chagrin et de la colère incommensurables, des voix se sont fait entendre en Russie en faveur de la peine de mort et de la levée du moratoire actuel sur les exécutions.

Des voix semblables se font entendre chaque fois que des terroristes ou d'autres criminels s'attaquent avec une atrocité particulière à des innocents, qu'il s'agisse d'enfants, de femmes ou d'hommes.

Il n'est pas facile de plaider pour que soit épargnée la vie des meurtriers de sang-froid de Beslan, de Moscou, de Madrid et d'ailleurs, et l'on risque même en agissant ainsi de se rendre plutôt impopulaire. Mais le Conseil de l'Europe est opposé à la peine de mort sous toutes ses formes, même pour les criminels les plus abominables que l'on puisse trouver sur cette terre. Les droits de l'homme s'appliquent à chacun d'entre nous, sans exception.

Le premier Congrès mondial contre la peine de mort, organisé conjointement par notre Organisation, le Conseil de l'Europe, et par le Parlement européen, a été une grande réussite du point de vue de l'attitude adoptée à l'égard de ces questions-clés. Il a constitué un pas en avant important dans notre travail quotidien qui consiste à essayer de trouver de nouveaux « alliés » parmi les gouvernements et les populations dans notre lutte commune contre la peine de mort. Mais beaucoup de choses se sont produites depuis lors.

Un sentiment croissant d'insécurité risque de nous faire oublier les droits de l'homme. Du moins, il risque de nous faire faire de grandes concessions pour ce que nous pensons être dans notre propre intérêt. Il ne peut jamais être dans notre intérêt de torturer ou d'exécuter des êtres humains. Les sociétés civilisées ne devraient autoriser ni la peine de mort ni la torture, pour quelque raison que ce soit. La fin ne justifie pas les moyens. Aucune concession ne peut être faite en matière de lutte contre le terrorisme.
L'instauration de la peine de mort ne permettra pas de faire diminuer la violence ni d'apporter la paix et la stabilité. La peine de mort n'arrête pas la violence ; elle la perpétue.

La peine de mort viole les droits de l'homme de manière impitoyable, absolue et irréversible.

Elle n'aide pas non plus à rendre la justice, car la peine de mort constitue un déni de justice.

Ce n'est pas en transformant en martyrs les criminels les plus cruels et leurs acolytes que l'on favorisera la cause de la paix.

Ces dernières décennies, l'abolition de la peine de mort est devenue le signe distinctif des efforts déployés par le Conseil de l'Europe et ses 46 Etats membres pour promouvoir les droits de l'homme et la dignité de l'être humain. Le Protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui est entré en vigueur en 1985, est devenu – grâce à l'Assemblée – une condition officiellement indispensable à l'adhésion à l'Organisation. Une décennie plus tard, l'Europe de nos 46 Etats membres avec ses 800 millions d'habitants est devenue une zone presque entièrement exempt de la peine de mort. Nous attendons de la Russie qu'elle transforme sans plus attendre son moratoire sur les exécutions en une abolition en bonne et due forme.

La plupart de nos Etats membres ont déjà adhéré à notre récent Protocole 13 qui abolit la peine de mort même en temps de guerre.

Nous avons maintenant pour ambition de persuader, le Japon et les Etats-Unis d'Amérique, qui jouissent tous deux du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, de nous rejoindre. Le Japon et les Etats-Unis sont des démocraties de premier plan qui se sont largement exprimées sur l'importance qu'elles attachent aux droits de l'homme. Nous les invitons à se conformer à leurs propres normes en matière de comportement civilisé.
L'Europe a aussi son lot de terroristes, d'assassins d'enfants et de tueurs de policiers, mais nous sommes convaincus qu'ils doivent être traduits en justice. Le meurtre d'Etat ne rend pas une telle justice. Il ne rend pas la vie aux victimes et il n'efface pas non plus la douleur et la souffrance causées par les criminels. En outre, il ne rend pas justice à la dignité et à la mémoire des victimes.
Les victimes méritent que les coupables soient dûment poursuivis et sanctionnés d'une manière digne d'une société civilisée qui respecte la primauté du droit. En outre, il est indispensable que leur famille et leurs amis obtiennent la reconnaissance, le respect et le soutien de l'Etat. Cela s'applique à Beslan comme partout ailleurs.
C'est seulement ainsi que nous serons en mesure de construire une société meilleure pour les générations à venir et d'interrompre le cycle de la violence.
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