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La Cour suprême interdit l'exécution des attardés mentaux

dépêche de presse du 20 juin 2002 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
La Cour suprême des Etats-Unis a interdit jeudi l'exécution d'attardés mentaux en la qualifiant de pratique cruelle et contraire à la Constitution américaine. Cette décision a été perçue par les abolitionnistes comme le reflet de l'évolution des mentalités aux Etats-Unis contre l'imposition de la peine capitale. La Cour suprême, qui a pris sa décision à une majorité de six contre trois juges, a invoqué le 8e amendement de la Constitution qui interdit "les châtiments cruels et inhabituels". "Désormais, aucun retardé mental dans le couloir de la mort ne pourra être exécuté", a expliqué à l'AFP Barry Weinstein, avocat et spécialiste de la peine de mort.

Selon lui, ces condamnés devraient pouvoir obtenir de voir leur sentence de mort commuée en peine de prison à vie.

Faute de chiffres précis, il est difficile de savoir combien de condamnés à mort seront concernés par cette mesure.

Le juge John Paul Stevens, qui a rédigé la décision au nom de la majorité des neuf juges de la Cour, a fait valoir qu'elle avait été prise "à la lumière du changement dramatique intervenu ces 13 dernières années dans le paysage législatif" américain.

En 1989, seuls deux Etats avaient interdit l'exécution des retardés mentaux, contre 18 aujourd'hui, sur les 38 Etats américains où existe la peine de mort.

A cette date, la Cour suprême avait estimé que l'exécution de handicapés mentaux, dont le QI est inférieur à 85 sur 150 selon l'échelle de Wechsler - ne constituait pas une violation de la Constitution américaine.

"La capacité limitée des délinquants attardés mentaux requiert une reconsidération de la loi pour les préserver d'une éventuelle condamnation à mort", a écrit jeudi le juge Stevens.

Selon lui, cette catégorie de criminels est moins en mesure de s'expliquer devant un juge ou d'aider ses avocats afin de bénéficier de la meilleure défense possible.

"Leur comportement peut créer l'impression qu'ils sont dénués de remords à l'égard de leur crime", a poursuivi le juge.

La Cour suprême avait décidé de se pencher sur la constitutionalité de l'application de la peine de mort aux attardés mentaux le 20 février dernier, en examinant le cas de Daryl Renard Atkins, 24 ans.

Atkins a été condamné à la peine capitale en Virginie (sud-est) pour avoir enlevé et tué de huit balles un militaire américain, Eric Nesbit, en 1996, alors qu'il retirait de l'argent à un distributeur.

Un médecin psychiatre, le docteur Evan Nelson, avait examiné Atkins avant de conclure qu'il était "moyennement retardé" et avait fixé son quotient intellectuel à 59.

Le juge Antonin Scalia, parmi les trois qui se sont opposés à la décision de la Cour suprême, a été particulièrement virulent.

Il est aisé de "feindre" les symptômes d'une maladie mentale. "Un accusé risquant la peine de mort qui feindra le retard mental ne risquera plus rien du tout", s'est-il indigné.

Pour Wayne Smith, directeur du Justice Project qui milite auprès du Congrès pour l'abolition de la peine de mort, la décision est importante mais insuffisante.

"Nous devons aller plus loin", a-t-il dit.

L'association du Barreau américain s'est lui aussi félicité de cette décision de la Cour suprême, affirmant qu'il fallait à présent "trouver de meilleurs moyens d'identifier des retardés mentaux condamnés à mort qui n'ont pas été diagnostiqués comme tels".
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