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Question de la peine de mort - Résolution de la Commission des droits de l'homme 2005/59

E/CN.4/RES/2005/59
résolution du 20 avril 2005 - Commission des droits de l'homme de l'ONU
La Commission des droits de l'homme,

Rappelant l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui affirme que tout individu a droit à la vie, convaincue que l'abolition de la peine de mort est indispensable à la protection de ce droit, et rappelant l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que l'article 6 et l'alinéa a de l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant,

Notant que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose qu'aucune personne relevant de la juridiction d'un État partie ne sera exécutée et que chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction,

Rappelant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2003, du Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme), relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances,

Rappelant également ses résolutions précédentes, dans lesquelles elle s'est déclarée convaincue que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et à l'élargissement progressif des droits de l'homme,

Se félicitant de ce que la peine de mort soit exclue des peines que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal international pour le Rwanda et la Cour pénale internationale sont habilités à prononcer,

Se félicitant également de ce que la peine de mort ait été abolie dans certains États depuis sa dernière session et que des décisions aient été prises dans d'autres États afin de limiter le recours à la peine de mort, notamment en excluant son application à certaines catégories de personnes ou d'infractions,

Louant les États qui ont adhéré récemment au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Se félicitant du fait que de nombreux pays qui conservent la peine de mort dans leur législation pénale appliquent un moratoire sur les exécutions et se félicitant aussi des initiatives régionales visant à instaurer un moratoire sur les exécutions et à abolir la peine de mort,

Réaffirmant les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, énoncées dans l'annexe de la résolution 1984/50 du Conseil économique et social, en date du 25 mai 1984, et les dispositions relatives à l'application des lignes directrices qui figurent dans les résolutions 1989/64 et 1996/15 du Conseil, en date des 24 mai 1989 et 23 juillet 1996, respectivement,

Réaffirmant également la résolution 2000/17 de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, en date du 17 août 2000, relative au droit international et à l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission de l'infraction,

Gravement préoccupée par le fait que les moratoires imposés aux exécutions capitales ont été récemment levés dans plusieurs pays,

Prenant note de l'examen, par le Comité des droits de l'homme, de questions ayant trait à la peine de mort,

Se félicitant des efforts que font divers secteurs de la société civile aux niveaux national et international pour faire abolir la peine de mort,


1. Note avec préoccupation que la peine capitale continue d'être appliquée dans le monde, et est alarmée en particulier de constater qu'il arrive qu'elle soit prononcée à l'issue de procès qui ne se sont pas déroulés dans le respect des normes internationales d'équité et que plusieurs pays l'appliquent sans tenir compte des limites établies dans le Pacte et dans la Convention relative aux droits de l'enfant ni des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort;

2. Condamne le fait que la peine capitale continue d'être appliquée en vertu de lois, de politiques ou de pratiques discriminatoires;

3. Condamne également le fait que la peine capitale est appliquée à des femmes en vertu de lois, de politiques ou de pratiques discriminatoires au détriment des femmes, et qu'elle est appliquée de façon disproportionnée à des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques;

4. Accueille avec satisfaction le septième rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (E/2005/3), que le Secrétaire général a présenté conformément aux résolutions 1745 (LIV) et 1995/57 du Conseil économique et social, en date des 16 mai 1973 et 28 juillet 1995, et à la décision 2004/242 du Conseil en date du 21 juillet 2004, et dans lequel il conclut qu'il existe une tendance encourageante à l'abolition et à la limitation de la peine de mort dans la plupart des pays, mais que beaucoup reste à faire en ce qui concerne la mise en œuvre des garanties mentionnées ci-dessus dans les pays qui maintiennent ce châtiment;

5. Engage tous les États qui maintiennent encore la peine de mort à:

a) Abolir définitivement la peine de mort et, en attendant, instituer un moratoire sur les exécutions;

b) Limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine et, pour le moins, ne pas en étendre l'application aux crimes auxquels elle ne s'applique pas aujourd'hui;

c) Rendre publics les renseignements concernant l'application de la peine de mort et toute exécution prévue;

d) Donner au Secrétaire général et aux organismes de l'Organisation des Nations Unies compétents des renseignements concernant l'application de la peine capitale et le respect des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort;

6. Engage tous les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui ne l'ont pas encore fait à envisager d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, ou de le ratifier;

7. Prie instamment tous les États qui maintiennent la peine de mort:

a) De ne pas l'appliquer à des personnes âgées de moins de 18 ans;

b) D'en exempter les femmes enceintes et les mères ayant des enfants en bas âge;

c) De ne pas l'appliquer à des personnes atteintes d'une quelconque forme de déficience mentale ou intellectuelle, ni d'exécuter un condamné atteint d'une telle déficience;

d) De ne prononcer la peine de mort que pour les crimes les plus graves et en vertu d'un jugement final rendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et de garantir le droit à un procès équitable et le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine;

e) De veiller à ce que toutes les procédures légales, notamment celles engagées devant des tribunaux ou des juridictions d'exception et en particulier les procédures relatives aux crimes emportant la peine capitale, soient conformes aux garanties de procédure minimales énoncées à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

f) De veiller à ce que la notion de "crimes les plus graves" ne s'entende que des crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou extrêmement graves et à ce que la peine de mort ne soit pas imposée pour des actes non violents comme les infractions financières, la pratique religieuse ou l'expression de convictions et les relations sexuelles entre adultes consentants, ou à titre de peine obligatoire;

g) De ne pas émettre, à l'égard de l'article 6 du Pacte, de nouvelles réserves qui puissent être contraires à l'objet et au but du Pacte et/ou de retirer toute réserve de ce type, étant donné que ledit article consacre les règles minimales pour la protection du droit à la vie et les normes généralement acceptées dans ce domaine;

h) D'observer les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort et de satisfaire intégralement à leurs obligations internationales, en particulier celles qu'ils ont contractées en vertu de l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, et plus particulièrement le droit de recevoir des informations sur l'assistance consulaire dans le contexte d'une procédure juridique, comme il ressort de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice et ainsi qu'il est confirmé dans des jugements pertinents récents;

i) De veiller à ce que, lorsque la peine capitale est appliquée, elle soit exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possible et ne soit pas exécutée en public ni de toute autre manière dégradante, et à ce qu'il soit mis immédiatement fin aux modes d'exécution particulièrement cruels ou inhumains, comme la lapidation;

j) De ne pas exécuter une personne tant qu'une procédure juridique la concernant est en cours, au niveau international ou national;

8. Engage les États qui n'appliquent plus la peine de mort, mais la maintiennent en vigueur dans leurs textes législatifs, à l'abolir;

9. Exhorte les États qui ont récemment levé les moratoires imposés aux exécutions capitales ou annoncé leur levée de facto ou de jure à s'engager de nouveau à suspendre ces exécutions;

10. Prie les États qui ont reçu une demande d'extradition concernant une personne qui encourt la peine de mort de se réserver explicitement le droit de refuser l'extradition, s'ils ne reçoivent pas des autorités compétentes de l'État requérant des assurances concrètes que la peine capitale ne sera pas appliquée, et engage les États à donner de telles assurances le cas échéant, et à les respecter;

11. Prie le Secrétaire général de lui présenter à sa soixante-deuxième session, après consultation des gouvernements, des institutions spécialisées et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission de l'infraction et à des personnes atteintes d'une déficience mentale ou intellectuelle quelle qu'elle soit;

12. Décide de poursuivre l'examen de la question à sa soixante-deuxième session, au titre du même point de l'ordre du jour.


58e séance
20 avril 2005
[Adoptée par 26 voix contre 17, avec 10 abstentions, à l'issue d'un vote enregistré. Voir chap. XVII.- E/CN.4/2005/L.10/Add.17]
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