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Les recours sur la méthode de mise à mort se multiplient

dépêche de presse du 2 février 2006 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Michaëla Cancela-Kieffer

Washington - La Cour suprême américaine a suspendu mercredi soir une exécution par injection, la plus fréquente aux États-Unis, pour la troisième fois en huit jours, alors que de plus en plus de condamnés affirment que cette méthode est cruelle est inhumaine.

La plus haute instance judiciaire des États-Unis a validé l'arrêt d'une Cour d'appel qui avait suspendu l'exécution dans l'État du Missouri de Michael Taylor, 38 ans, condamné pour le viol et le meurtre avec un complice d'une jeune fille de 15 ans, en 1989.

Dans sa requête, Michael Taylor estime que cette injection pourrait violer la Constitution, qui prohibe les traitements «inhumains et cruels».

Son avocat John Simon a notamment indiqué à l'AFP que les substances employées pouvaient entraîner des souffrances pour son client.

«Je ne suis pas un abolitionniste. Nous ne contestons pas l'injection», a-t-il tenu à préciser.

Avant lui, Clarence Hill, 47 ans, qui devait être exécuté en Floride pour le meurtre d'un policier en 1982, a également obtenu une suspension, le 24 janvier, après avoir évoqué la cruauté de la méthode. La Cour a en outre annoncé le lendemain qu'elle acceptait de se pencher sur son affaire.

Mardi 31 janvier, elle a suspendu l'exécution dans le même État d'Arthur Rutherford, 56 ans, condamné pour avoir tué une femme qu'il a étranglée dans sa baignoire en 1985, dont l'avocat avait aussi eu recours à cet argument.

D'après le spécialiste de la peine de mort Stephen Harper, professeur à la faculté de droit de Miami, la multiplication de ces saisines s'explique notamment par la publication d'une étude en avril 2005 dans la revue scientifique britannique The Lancet, décrivant les souffrances infligées aux condamnés exécutés par injection.

Les injections mortelles se font par l'administration successive de sodium thiopental pour l'anesthésie, de pancuronium bromide pour induire une paralysie et finalement de chlorure de potassium pour provoquer un arrêt cardiaque et la mort.

Or, la substance anesthésiante n'agit parfois pas assez longtemps, selon l'étude présentée dans The Lancet par l'école de médecine de l'université de Miami.

«La personne peut de ce fait ressentir une douleur intense, sans pouvoir l'exprimer puisqu'elle est paralysée», explique M. Harper.

Or, la faille est large: sur les 38 États américains où la peine de mort est en vigueur, 20 emploient exclusivement la méthode de l'injection et la plupart des autres la privilégient. Qui plus est, selon le Centre d'information sur la peine de mort, la même combinaison de substances est utilisée.

Pour autant, si les suspensions pourraient se multiplier, elles n'indiquent en rien que la Cour pourrait, à ce stade, remettre directement en cause la méthode, selon les spécialistes.

«La Cour suprême ne va probablement pas décider sur le fait de savoir si l'injection est cruelle mais plutôt si ce débat peut être évoqué», a indiqué à l'AFP le directeur du Centre d'information sur la peine de mort, Richard Dieter.

«C'est un premier pas», a-t-il ajouté, avant de préciser que dans beaucoup d'États, les tribunaux ne jugent pas ces requêtes recevables.

Si la Cour suprême estimait que ces requêtes sont recevables, la question de la cruauté du traitement serait alors évoquée devant des juridictions inférieures, qui auraient «beaucoup d'avis différents» sur la question, avant de revenir devant elle sur le fond, a-t-il ajouté, en précisant que ce processus peut prendre des mois ou des années.
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