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Des mineurs congolais dans le couloir de la mort

dépêche de presse du 27 avril 2006 - Inter Press Service (IPS)
peine de mort / République démocratique du Congo
Thème :
Anjan Sundaram

MBANDAKA, ouest de la RDC, 27 avr (IPS) - Dans un dortoir froid et humide illuminé seulement par des rayons solaires provenant des trous dans le toit, une centaine de prisonniers congolais sont étendus en silence sur des nattes en paille et des tapis sales, certains d'entre eux attendant de mourir.

La prison de Mbandaka, une capitale provinciale occidentale, est l'exemple type de la République démocratique du Congo (RDC). La moitié de ses prisonniers était gravement malade lorsqu'un journaliste de IPS leur a rendu visite en mars, mais il n'y avait aucun médecin ni médicament. Quarante prisonniers ont dit au journaliste qu'ils souffraient de la diarrhée. Les prisonniers déféquaient dans un seau en métal ouvert se trouvant dans un coin. La puanteur se répandait dans leur espace bondé de monde.

Parmi les détenus moisissant dans des prisons à travers le Congo, figurent au moins dix enfants, certains ayant à peine 15 ans, condamnés à mort et attendant d'être exécutés, selon une lettre de septembre 2005, des Nations Unies au gouvernement congolais.

IPS n'a pas été autorisée à leur rendre visite, mais un prisonnier dont le cas est suivi par l'ONU, est Mbeko Banza, âgé de 15 ans. Enfant soldat travaillant avec des troupes gouvernementales, il faisait partie des 33.000 enfants recrutés et armés durant la guerre congolaise de 1998 à 2002. En mai 2005, un tribunal militaire a condamné Banza à mort pour homicide, indique la lettre de l'ONU.

Des mineurs comme Banza sont dans le couloir de la mort en RDC souvent parce qu'ils ne peuvent pas prouver leur âge. Plus souvent, estiment les travailleurs de l'ONU, ces enfants manquent d'argent pour payer des conseils juridiques appropriés.

Les avocats commis d'office par le tribunal sont souvent trop surchargés de travail et sous-payés pour offrir plus qu'un travail superficiel et les juges congolais président des procès qui peuvent ne pas donner un niveau élevé de justice, ont ajouté les responsables de l'ONU.

''Les procès sont généralement expéditifs sans respect pour les garanties de jugement équitable pour les droits des accusés ou des victimes. Certains enfants condamnés n'avaient même pas d'avocats'', a dit à IPS, dans un entretien, Daniela Baro, un avocat de l'ONU enquêtant sur de jeunes criminels condamnés à mort.

''L'année dernière, quelqu'un a été condamné en une journée seulement''.

Jusqu'ici, les responsables onusiens affirment n'avoir reçu aucune réponse concrète du gouvernement.

La nouvelle constitution du Congo, approuvée pendant le premier vote démocratique du pays en 40 ans, en décembre 2005, considère comme sacrée la vie humaine, mais elle ne fait nullement mention de la peine de mort.

Toutefois, même si le code pénal du Congo l'autorise dans certaines circonstances, il est illégal de condamner une personne à mort pour des crimes commis lorsqu'elle avait moins de 18 ans.

Mais le système judiciaire affaibli du Congo manque de magistrats qualifiés, de fonds et d'infrastructures pour conduire des procès appropriés et protéger des témoins dans des affaires sensibles, comme celles traitant de mineurs, ont déclaré les travailleurs de l'ONU.

Une dictature corrompue de 32 ans sous Joseph Mobutu et une guerre civile de cinq ans ont laissé l'infrastructure du pays, y compris son système judiciaire, dans un fouillis sans nom. Les juges reçoivent actuellement un salaire aussi dérisoire que 10 dollars par mois et vivent en grande partie des paiements clandestins dans des affaires lucratives comme les litiges sur les propriétés, selon nombre de gens.

Peu de magistrats se donnent la peine de traiter convenablement des affaires impliquant des mineurs pauvres, ont ajouté les responsables de l'ONU, parce qu'il est peu probable qu'ils paient un pourboire pour leurs services.

Toutefois, il y a au moins cinq ans que personne n'a été exécuté au Congo, en partie à cause d'un moratoire sur la peine de mort imposé en 2003 et levé par la suite en 2004. Pour des mineurs condamnés à mort, cela signifie des attentes interminables dans des prisons délabrées au Congo - un emprisonnement à vie de facto.

Bien que les exécutions n'aient pas été accomplies, des gens continuent d'être condamnés à mort, la plupart par des tribunaux militaires du Congo. Les juges des tribunaux militaires, où la plupart des peines de mort sont prononcées, suivent rarement les directives du code pénal, ont indiqué des observateurs.

''La justice militaire est souvent expéditive à un degré inacceptable, même en condamnant des gens à mort'', a déclaré à IPS, Luc Henkinbrandt, un haut responsable de l'ONU pour les droits de l'Homme à Kinshasa, la capitale de la RDC.

Par ailleurs, les tribunaux militaires ne sont pas supposés juger des mineurs parce que la loi n'autorise pas les enfants à combattre dans l'armée. Cependant, dans la plupart des cas, les magistrats déclarent que nombre de prévenus, en particulier ceux qui sont maintenant des adultes, n'ont pas de papiers appropriés sur leur âge pour prouver qu'ils étaient mineurs au moment où ils auraient commis leurs délits.

Les Congolais, y compris les enfants, possèdent rarement de cartes d'identité ou la preuve de leur âge. Pour la plupart des citoyens, une campagne d'enrôlement des électeurs en 2005 leur a permis d'obtenir une identification officielle pour la première fois dans leurs vies.

''Certains avocats ne sont pas capables de prouver l'âge de l'enfant à cause d'un manque de ressources pour obtenir des preuves alternatives de l'âge et le juge les considère alors comme des adultes. Cela signifie qu'il peut imposer la peine de mort légalement'', a déclaré Baro.

Les enfants qui ont travaillé avec des groupes armés durant la guerre ont souvent été séparés de leurs familles pendant des années. Les avocats pourraient se rendre dans le village natal des enfants pour trouver la preuve de leur âge, mais cela signifie souvent qu'il faut se rendre à des centaines de kilomètres du lieu des audiences du tribunal - quelque chose que peu de gens sont prêts à faire.

Le principal problème auquel sont confrontés les abolitionnistes de la peine de mort au Congo, explique Henkinbrandt, est que le public congolais, las de la guerre, désire voir les criminels de leur pays passer devant la justice. Ils croient que les auteurs des massacres horribles du Congo méritent des procès médiocres, et que globalement ils devraient mourir pour cela.

''Même si la peine de mort n'est pas appliquée, la population est pour la justice expéditive et la peine de mort parfois. L'abolition de la peine de mort n'est pas très populaire au sein des populations'', a indiqué Henkinbrandt.

''Bien que des politiciens abolitionnistes aient réussi à arrêter les exécutions, ils n'ont pas le courage d'aller contre une opinion publique claire et de supprimer la peine de mort'', a-t-il ajouté.

La guerre du Congo a tué près de quatre millions de personnes, victimes pour la plupart de faim et de maladie, mais également au cours des nombreuses batailles et massacres à caractère politique. Des accords de paix ont mis fin à la guerre en 2002. Un nouveau gouvernement de transition a été formé et comprend d'anciens rebelles et seigneurs de guerre, dont certains auraient participé aux pires tueries de la guerre.

Toutefois, des douzaines de leaders de milice n'étaient pas impliqués dans les accords de paix de 2002, et ils continuent de violer, de tuer et de recruter des enfants, même après la fin de la guerre.

Amnesty International a dit dans un rapport ce mois-ci que des nombres alarmants d'enfants étaient toujours en train d'être enrôlés par des leaders de milice dans l'est agité du Congo. Se cachant dans les forêts du Congo hors de portée des militaires, ces seigneurs de guerre craignent de sévères représailles pour des crimes comme le meurtre de civils, la torture, et l'asservissement des enfants comme concubines, porteurs ou soldats.

Les efforts de la Mission de maintien de paix des Nations Unies au Congo, forte de 17.000 hommes, la plus grande au monde, et des troupes gouvernementales mal entraînées, ont réussi à arrêter certains militants sans foi ni loi comme Thomas Lubanga, un ancien seigneur de guerre de l'est, sur le territoire congolais de l'Ituri, en proie au conflit.

Lubanga est actuellement à La Haye comme la première affaire de la Cour pénale internationale (CPI), et sera jugé pour des charges au nombre desquelles figure le recrutement d'enfants comme soldats. La sentence maximum autorisée à la CPI est l'emprisonnement à vie.

Par conséquent, Lubanga, ne sera pas passible de la peine de mort s'il est reconnu coupable. Cependant, la plupart des complices de Lubanga pendant les années de guerre, y compris les enfants recrutés pour combattre avec lui, sont au Congo. Tragiquement, ils pourraient encourir une exécution.

Certains Congolais croient que Lubanga a échappé à la vraie justice.

''Lubanga est l'un des pires criminels du Congo, il est l'une des personnes les plus dangereuses, mais parce qu'il est allé à La Haye, il ne sera pas passible de la peine de mort. C'est dommage'', a déclaré Ken Ilunga, un technicien de maintenance, âgé de 28 ans, à Kinshasa. ''Mais les enfants ne devraient pas écoper de la peine de mort. Après tout, ils étaient jeunes et n'ont fait qu'obéir aux ordres''.
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