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Afrique du Sud: Appels en faveur du retour de la peine capitale en Afrique du Sud

dépêche de presse du 12 juin 2006 - Inter Press Service (IPS)
Pays :
peine de mort / Afrique du Sud
Inter Press Service (Johannesburg) - 12 Juin 2006

Moyiga Nduru
Johannesburg

Déçus par ce qu'ils considèrent comme une anarchie croissante en Afrique du Sud, des leaders de partis politiques comme le 'Freedom Front Plus', le 'Christian Democratic Party' et le 'Pro-Death Penalty Party' font cause commune : que la peine capitale soit rétablie.

Cependant, ceux qui ont travaillé dur pour abolir la peine de mort il y a 11 ans affirment qu'ils feront pression avec une force égale pour maintenir l'interdiction. Ils attirent l'attention sur une diminution du taux de criminalité dans le pays au cours des cinq dernières années, et disent que l'histoire de l'Afrique du Sud, faite d'un apartheid brutal, montre que trop souvent, des innocents peuvent être pendus par l'Etat.

L'Afrique du Sud a aboli la peine de mort en 1995, un an après la fin de l'apartheid. Mais Pieter Uys, porte-parole du Freedom Front Plus, basé à Pretoria, a déclaré à IPS que cela avait été une erreur d'abroger la loi.

"Il y a 18.000 assassinats par an en Afrique du Sud. Cela signifie qu'il y a 18.000 assassins dans les rues avec trop peu de policiers pour les surveiller", a affirmé Uys. "Ces criminels ne respectent aucune forme de vie. La seule solution est de ramener la peine de mort. Toutes les autres solutions ont échoué".

Le problème est particulièrement aigu pour les fermiers blancs, la base électorale de son parti, a indiqué Uys. "Au cours des cinq dernières années, nous avons eu 4.126 attaques contre des fermes; 562 fermiers (blancs) ont été tués...L'Afrique du Sud est le seul pays au monde où de tels meurtres surviennent".

La frustration, combinée avec ce que les gens perçoivent comme une inaction de l'administration, a conduit le Freedom Front Plus à demander un retour aux exécutions, a-t-il ajouté.

"C'est horrible. Les gens ne savent plus quoi faire. Les gens ont manifesté, ils ont écrit des pétitions et ont exposé leur situation dans les médias sans aucun résultat", a-t-il dit.

Avec des cas de crimes violents continuellement étalés à la 'Une' des journaux, le parti d'Uys n'est pas le seul à demander la peine de mort.

"Cela ne devrait pas être perçu comme un châtiment. C'est pour assurer la sécurité de la société", a déclaré Theunas Botha, le leader national du Christian Democratic Party.

Le parti de Botha a fait campagne pour le retour de la peine capitale depuis des années, jusqu'ici avec peu de résultat. Le gouvernement n'autorisera pas un référendum sur la peine de mort, a-t-il dit, parce que les autorités craignent que cela ne soit approuvé.

"Si vous organisez un référendum aujourd'hui, vous verrez qu'une majorité écrasante soutiendra le rétablissement de la peine de mort", a noté Botha.

Par ailleurs, Botha a indiqué que son parti croyait que la menace de la peine de mort pouvait réduire la criminalité : "J'ai vécu en Grande-Bretagne de 1960 à 1970 lorsque la peine de mort était en vigueur dans ce pays. Il y avait moins de crimes. Depuis qu'ils ont aboli la peine de mort, on entend parler de toutes sortes de crimes, y compris des meurtres. Les policiers aussi n'avaient pas l'habitude de porter des armes. Maintenant, ils portent des pistolets".

Botha n'a pas pu donner de statistiques pour appuyer les affirmations selon lesquelles la peine capitale a réduit la criminalité en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. En fait, des études n'ont pas pu prouver que la peine capitale décourage la criminalité, selon Amnesty International.

Le taux global de criminalité de l'Afrique du Sud est comparable à celui d'autres pays en développement, indiquent des statistiques d'Interpol. La nation a, toutefois, l'un des pourcentages de crimes violents par tête d'habitant les plus élevés au monde.

Le taux de criminalité en Afrique du Sud est monté en flèche au début de la démocratie il y a 11 ans; mais après avoir atteint son niveau le plus élevé autour de 2001, il a commencé par chuter.

Selon des statistiques de la police, alors que 21.405 homicides ont été enregistrés en 2002/2003 en Afrique du Sud, 18.793 ont été commis entre mars 2004 et avril 2005.

"(La) peine de mort est un meurtre prémédité. Il y a très peu de preuves pour soutenir que la peine de mort peut réduire la criminalité. C'est un argument trop faible et inconsistant", a déclaré Marjorie Dobson, présidente de 'Khulumani Support Group', qui a fait campagne pour l'abolition de la peine de mort il y a une décennie.

Une meilleure façon d'empêcher la criminalité, a suggéré Dobson, était de s'attaquer aux causes. "Nous avons étudié les gens qui sont dans le couloir de la mort et nous avons constaté que la plupart des assassinats surviennent par hasard quand (les auteurs) sont ivres", a-t-elle indiqué.

Pour Dobson, il n'y a aucune raison valable de rétablir la peine de mort. Pour elle, "Oter la vie est une punition cruelle et inhumaine", qui permet aux gens de "laver leurs mains et de laisser l'Etat accomplir la terrible besogne de la tuerie".

Malgré l'abolition de la peine capitale il y a presque 11 ans, quelque 63 prisonniers sont théoriquement dans le couloir de la mort. Lorsqu'elle rendait la décision qui a mis fin à cette pratique, la Cour constitutionnelle avait dit que les peines de ces prisonniers devraient soit être commuées en emprisonnement en vie soit réexaminées avec la possibilité d'une libération conditionnelle.

La haute cour a donné la possibilité d'une libération conditionnelle au motif que certains prisonniers pourraient avoir été emprisonnés à tort.

Dans son rapport de 1998, la Commission vérité et réconciliation, présidée par l'ancien archevêque anglican du Cap, Desmond Tutu, a identifié plus de 20.000 victimes de violations des droits de l'Homme, y compris des erreurs judiciaires, qui ont été commises entre 1960 et 1994.

Un porte-parole au ministère de la Justice a indiqué à IPS que les autorités traitaient des cas de peine de mort restants en les évaluant au cas par cas.

Botha a déclaré qu'il croyait qu'aucun innocent ne serait exécuté, si la peine capitale était rétablie.

"La peine de mort devrait être traitée d'une façon spéciale. Elle ne devrait jamais être appliquée sans des témoins et des procédures appropriés", a-t-il souligné. "Donner à la personne une chance et une opportunité de prouver son innocence".

Betty Kumalo, une enseignante d'école primaire basée non loin de Johannesburg, n'est pas convaincue par les assurances de Botha, affirmant qu'aucun système au monde n'est parfait.

Elle connaît les conséquences d'un système imparfait. Son mari, Duma, a été l'un des six hommes condamnés à mort pour avoir soi-disant tué l'adjoint au maire de Sharpeville, non loin de Johannesburg, suite aux manifestations provoquées par les augmentations des loyers dans le township en 1984.

Duma Kumalo a été libéré suite à l'abolition de la peine de mort, mais n'a jamais eu la possibilité de laver son nom. Il est décédé en février.

"Le problème est (que) des innocents pourraient être arrêtés et exécutés pour rien", a dit Betty Kumalo à IPS.

Elle a souligné que la honte de la condamnation à mort de Duma était toujours ressentie par sa famille.

"Son casier judiciaire nous affecte négativement. Cela nous a fermé toutes les portes, dans tous les domaines. Lorsqu'il était en vie, chaque fois qu'il demandait un visa, cela lui était refusé", a déclaré Kumalo. "Il est mort avec un passé de criminel. Je veux qu'il soit innocenté. Alors, je serai libre".

Kumalo s'est jointe à Dobson pour maintenir la pression sur le gouvernement afin que l'interdiction de la peine de mort reste en place.

"Nous devons être vigilants. L'abolition de la peine de mort peut toujours être abrogée", a indiqué Dobson.
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