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Etats-Unis: la Cour suprême suspend l'exécution d'un condamné à mort

dépêche de presse du 23 septembre 2008 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Géorgie
WASHINGTON (AFP) — Un Noir américain, Troy Davis, qui devait être exécuté mardi par l'Etat de Géorgie (sud-est) pour le meurtre d'un policier blanc, malgré de forts doutes sur sa culpabilité, a obtenu un sursis in extremis de la part de la Cour suprême.

La plus haute juridiction des Etats-Unis a souhaité repousser la date de la mise à mort, le temps pour elle de décider si elle se saisit ou non d'un appel déposé par les avocats de Troy Davis. Ceux-ci demandent l'organisation d'un nouveau procès car "il n'est pas constitutionnel d'exécuter un innocent" qui présente des éléments nouveaux et solides démontrant qu'il n'est pas coupable.

"Si cet appel est rejeté, la suspension prendra fin automatiquement", a précisé la Cour suprême.

Les neuf juges pourraient examiner cet appel dès lundi. S'ils décident de l'instruire, l'exécution sera suspendue jusqu'à ce qu'ils rendent leur décision finale.

"Nous espérons que (la Cour suprême) se saisisse de ce cas et le regarde avec des yeux neufs, en permettant pour la première fois que les preuves de l'innocence de Troy Davis soient entendues par un tribunal", a commenté dans un communiqué Amnesty International qui a rédigé un rapport en forme de contre-enquête sur Troy Davis.

Agé de 39 ans, celui-ci a été condamné à mort en 1991 pour le meurtre d'un jeune policier blanc, en l'absence de l'arme du crime, jamais retrouvée, sans preuve matérielle, empreinte ni traces d'ADN, mais sur la base de neuf témoignages dont sept se sont depuis dédits.

Ces témoins, cités par Amnesty international et dans les médias américains, ont assuré avoir agi sous la contrainte de la police.

Un homme, illettré, aurait signé une déposition rédigée par la police, sans bien sûr pouvoir la lire, une jeune femme en liberté conditionnelle a eu peur de dire aux policiers qu'elle n'avait pas vu le tireur et un adolescent a accusé Troy Davis sous la menace de poursuites pour complicité.

Depuis 17 ans dans le couloir de la mort, cet homme au regard triste et aux fines lunettes, dont la photo circule sur les blogs, a toujours clamé son innocence.

Le comité des grâces de Géorgie puis la Cour suprême de l'Etat ont rejeté ses recours, livrant le sort du condamné à l'instance fédérale qui s'est prononcée à peine plus de deux heures avant l'heure de l'injection léthale programmée pour 23h00 GMT.

Le pape Benoît XVI, le Conseil de l'Europe, l'ancien président Jimmy Carter et l'actrice Susan Sarandon avaient appelé à la clémence.

"Exécuter Troy Davis sans examiner vraiment si des preuves pourraient le disculper risque d'ôter la vie à un homme innocent et constituerait une grave erreur judiciaire", avait déclaré M. Carter.

Les observateurs restent pourtant pessimistes sur les chances d'obtenir un nouveau procès.

Aux Etats-Unis, "il est difficile de prouver que vous êtes innocent après votre procès", explique Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine de mort. "La seule chose dont Troy Davis dispose, ce sont des témoins qui ont déposé contre lui et qui ont maintenant modifié leur récit. Mais les tribunaux ne donnent pas grand crédit aux témoins qui changent leur récit, parce que s'ils ont menti une fois, ça peut être autant au procès qu'aujourd'hui", analyse-t-il.

"Quand l'accusé est noir et la victime blanche, la probabilité que la peine de mort soit imposée est plus grande. Quand la victime est un policier blanc, l'accusé n'a presque aucune chance", a commenté pour sa part Sarah Totonchi, présidente d'une association contre la peine capitale.
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