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Cinquante ans après, le souvenir de l'exécution des Rosenberg reste douloureux pour beaucoup

dépêche de presse du 18 juin 2003 - Associated Press - AP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
OSSINING, New York (AP) - Le 19 juin 1953, Pete Seeger se trouvait sur Union Square avec quelque 5.000 personnes venues manifester leur soutien aux époux Rosenberg, à l'approche de l'heure de leur exécution.

"On attendait en espérant qu'Eisenhower accorderait un sursis à la dernière minute", se rappelle le musicien, aujourd'hui âgé de 84 ans. "On a appris que cela n'arriverait pas et quand l'heure est venue, un profond râle, un gémissement est monté de la foule, car nous savions qu'ils avaient été exécutés."

Cinquante ans après l'exécution de Julius et Ethel Rosenberg, Pete Seeger, Susan Sarandon, Harry Belafonte et plusieurs autres stars américaines engagées apparaîtront jeudi à un gala au profit du Fonds Rosenberg pour les enfants, qui aide ceux dont les parents ont été incarcérés, attaqués ou limogés pour avoir exprimé une opinion.

Robert Meeropol, le plus jeune fils des Rosenberg, qui gère le Fonds Rosenberg, parle de "vengeance constructive". Il avait six ans quand ses parents moururent.

"On regardait un match à la télévision quand des bandeaux ont traversé l'écran pour annoncer l'exécution", raconte-t-il. "Les adultes nous ont envoyés dehors pour que l'on ne voit pas les informations et nous avons joué jusqu'à ce qu'il fasse trop noir pour voir le ballon. Mes parents avaient été tués juste au coucher du soleil."

Les époux Rosenberg furent électrocutés à Sing Sing le 19 juin 1953, au terme de l'une des affaires les plus retentissantes de la sombre période McCarthy. C'est la première fois dans l'histoire des Etats-Unis que des civils étaient exécutés pour espionnage.

Accusés d'avoir transmis à l'Union soviétique des documents secrets sur la bombe atomique, les Rosenberg avaient été arrêtés en 1950. Ils étaient soupçonnés d'avoir utilisé le frère d'Ethel, David Greenglass, qui travaillait sur le site du premier test de la bombe A au Nouveau-Mexique. David Grenglass fut le témoin vedette du procès, affirmant qu'il avait vu sa soeur taper à la machine les mémos.

Lorsqu'il prononça la sentence, le juge Irving Kaufman dit au couple qu'il avait provoqué la guerre de Corée et toutes ses pertes humaines. "Des millions d'autres innocents risquent de payer le prix de votre trahison", lança-t-il aux accusés.

Les recours, les sursis, une campagne de mobilisation internationale et les demandes de grâce émanant du pape Pie XII et d'Albert Einstein, ne purent sauver les Rosenberg de la chaise électrique.

Morton Sobell, qui fut condamné avec le couple mais échappa à la peine capitale, était enfermé à la prison d'Alcatraz quand un garde lui appris leur mort. "Mais le gardien a fait preuve de sensibilité et même mes codétenus savaient que c'était comme si quelqu'un de ma famille avait été tué."

Un an et demi après, David Greenglass avoua qu'il avait menti sur la machine à écrire, entre autres, pour sauver sa peau et protéger son épouse. Si les messages soviétiques décodées qui ont été rendus publics ces dernières années semblent attester que Julius Rosenberg était bien un espion, ses partisans affirment qu'il n'avait rien transmis -et que son épouse n'avait certainement rien fait- qui puisse justifier la peine de mort.

Dans ses mémoires, "An Execution in the Family" (Une exécution dans la famille), dont la sortie coïncide avec l'anniversaire, Robert Meeropol évoque ses quelques souvenirs d'enfance avec ses parents, l'adoption de son frère et de lui-même par Abel and Anne Meeropol, et son enquête sur l'affaire qui le força à envisager que les Rosenberg aient pu être des espions.

Mais il se dit aussi très méfiant vis-à-vis des récentes preuves rendues publiques, évoquant la possibilité d'une "désinformation gouvernementale". "Ce serait horrible pour moi de l'accepter et de découvrir ensuite que j'ai contribué à diffuser leur propagande", dit-il. "Je ne pourrais plus me regarder en face."

Pour lui, "le gouvernement des Etats-Unis a exécuté deux personnes pour quelque chose dont il savait très bien qu'elles ne l'avaient pas fait".
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