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Résolution sur la peine de mort : moratoire et perspectives d'abolition

AS (09) D 1 F
résolution du 3 juillet 2009 - Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
Thème :
DECLARATION DE VILNIUS DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DE L'OSCE ET RESOLUTIONS ADOPTEES A SA DIX-HUITIEME SESSION ANNUELLE

VILNIUS, 29 JUIN – 3 JUILLET 2009

PREAMBULE

En notre qualité de parlementaires des Etats participants de l'OSCE, nous nous sommes réunis en session annuelle à Vilnius du 29 juin au 3 juillet 2009 en tant que composante parlementaire de l'OSCE pour dresser un bilan des évolutions et des défis dans le domaine de la sécurité et de la coopération et en particulier des nouveaux défis sécuritaires, et nous communiquons aux ministres de l'OSCE les opinions exprimées ci-après.

Nous souhaitons un plein succès à la prochaine réunion du Conseil ministériel de l'OSCE prévue à Athènes les 1er et 2 décembre 2009 et lui soumettons la déclaration et les recommandations suivantes.

[...]

RESOLUTION SUR LA PEINE DE MORT : MORATOIRE ET PERSPECTIVES D'ABOLITION

1. Rappelant la résolution sur l'abolition de la peine de mort adoptée à Paris au cours de la dixième session annuelle, en juillet 2001,

2. Rappelant la résolution sur les prisonniers détenus par les Etats-Unis à la base de Guantanamo adoptée à Rotterdam à la douzième session annuelle, en juillet 2003, qui, « soulignant l'importance de la défense des droits démocratiques, surtout lorsqu'on a affaire au terrorisme et à d'autres méthodes non démocratiques », priait instamment les Etats-Unis de s'abstenir de « faire usage de la peine de mort »,

3. Rappelant la résolution sur le renforcement du contrôle parlementaire effectif des services de sécurité et de renseignement adoptée à Bruxelles à la quinzième session annuelle, en juillet 2006, laquelle s'inquiétait de « certaines pratiques qui enfreignent les droits de l'homme et les libertés de caractère particulièrement fondamental et sont contraires aux traités internationaux sur les droits de l'homme qui constituent la pierre angulaire de la protection des droits de l'homme instituée après la deuxième guerre mondiale, notamment ‘l'extradition vers des pays susceptibles d'appliquer la peine de mort, la torture ou de mauvais traitements, ainsi que la détention ou le harcèlement pour militantisme politique ou religieux'»,

4. Rappelant la résolution sur la mise en œuvre des engagements de l'OSCE adoptée à Kiev à la seizième session annuelle, en juillet 2007, qui « réaffirme la valeur de la vie humaine et demande que la peine de mort soit abolie dans les Etats participants et remplacée par des moyens plus justes et humains de rendre justice »,

5. Notant que, le 18 décembre 2007, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution historique 62/149 appelant un moratoire mondial sur les exécutions en vue de l'abolition de la peine de mort, qui a été adoptée à une majorité écrasante, 104 Etats membres des Nations Unies se prononçant en sa faveur, 54 pays s'y opposant et 29 pays s'abstenant,

6. Notant que la résolution 63/168 sur la mise en œuvre de la résolution 62/149 de l'Assemblée générale de 2007 a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2008 avec 106 voix pour, 48 voix contre et 34 abstentions,

7. Rappelant que la question de la peine capitale a été introduite dans la liste des engagements de l'OSCE à l'égard de la dimension humaine par le document de clôture de la réunion de Vienne de 1989 et le document de la réunion de Copenhague de 1990,

8. Rappelant le paragraphe 100 de la Déclaration de Saint-Pétersbourg de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE de 1999 et le paragraphe 119 de la Déclaration de Bucarest de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE de 2000,

9. Notant que la peine de mort constitue un châtiment inhumain et dégradant, un acte de torture inacceptable pour les Etats qui respectent les droits de l'homme,

10. Notant que la peine de mort constitue un châtiment discriminatoire et arbitraire et que son application n'a pas d'incidences sur l'évolution de la criminalité violente,

11. Notant que, compte tenu de la faillibilité de la justice humaine, le recours à la peine de mort comporte inévitablement le risque que des innocents soient tués,

12. Rappelant les dispositions du Protocole No. 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui interdit aux Etats membres d'appliquer la peine de mort,

13. Rappelant les dispositions du Second Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1989 et de la déclaration du Congrès mondial contre la peine capitale tenu à Strasbourg en 2001, ainsi que du Protocole additionnel No. 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ayant pour objet l'abolition universelle de la peine de mort,

14. Notant que le Statut de Rome de 1998 exclut la peine de mort, alors même que la Cour pénale internationale, ainsi que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les Chambres spéciales pour les crimes graves à Dili (Timor-Leste) et les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux du Cambodge, ont compétence à l'égard des crimes contre l'humanité, du crime de génocide et des crimes de guerre,

15. Notant qu'en octobre 2008 l'Union européenne et le Conseil de l'Europe ont, aux termes d'une déclaration conjointe, instauré une "Journée européenne contre la peine de mort",

16. Rappelant que, lors des réunions sur la mise en œuvre de la dimension humaine de l'OSCE tenues à Varsovie en 2006, 2007 et 2008, plusieurs organisations de la société civile, y compris Hands Off Cain, Amnesty International, Penal Reform International, la Coalition mondiale contre la peine de mort et la Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme se sont déclarées en faveur des résolutions relatives à un moratoire mondial sur la peine de mort présentées à l'Assemblée générale des Nations Unies,

17. Notant que, dans le monde, 138 Etats ont aboli la peine de mort par voie législative ou de facto, 92 d'entre eux l'ayant abolie pour tout délit, 10 ne l'ayant conservée que pour des crimes exceptionnels tels que ceux commis en temps de guerre et 36 n'ayant procédé à aucune exécution depuis dix ans au moins ou s'étant engagés à mettre en œuvre un moratoire,

18. Accueillant avec satisfaction l'amendement constitutionnel de la Géorgie concernant l'abolition complète de la peine de mort, qui a été signé le 27 décembre 2006,

19. Accueillant avec satisfaction l'abolition de la peine de mort au Kirghizistan, telle qu'elle est confirmée par le nouvel Article 14 de la Constitution, approuvé le 15 janvier 2007,

20. Accueillant avec satisfaction l'abolition de la peine de mort en Ouzbékistan à compter du 1er janvier 2008,

21. Notant que dans certains Etats participants de l'OSCE, la peine de mort est maintenue dans la législation mais qu'un moratoire sur les exécutions est en vigueur dans la Fédération de Russie, au Kazakhstan et au Tadjikistan, alors que des exécutions pourraient avoir lieu en temps de guerre en Lettonie,

22. Notant qu'un amendement du 21 mai 2007 à la Constitution de la République du Kazakhstan a aboli la peine de mort dans tous les cas, sauf pour les actes de terrorisme entraînant la perte de vie et pour les crimes particulièrement graves commis en temps de guerre,

23. Notant que, dans le cadre de l'OSCE, seuls deux des 56 Etats participants continuent néanmoins à appliquer la peine de mort,

24. Vivement préoccupée par le fait que la peine de mort est encore prononcée et que des exécutions ont toujours lieu au Bélarus et aux Etats-Unis d'Amérique,

25. Notant que, selon le rapport publié par Amnesty International en mars 2009 sous le titre "Cessation des exécutions en Europe – Vers l'abolition de la peine de mort au Bélarus", il existe au Bélarus "des éléments crédibles montrant que la torture et les mauvais traitements sont utilisé pour obtenir des aveux ; les prisonniers condamnés peuvent ne pas avoir accès à de réelles voies de recours et le caractère intrinsèquement cruel, inhumain et dégradant de la peine de mort est aggravé, en ce qui concerne les prisonniers dans le couloir de la mort et leurs proches, par le secret entourant la peine de mort. Ni les prisonniers ni leur famille ne sont informés à l'avance de la date de l'exécution et les prisonniers doivent vivre dans la crainte, chaque fois que s'ouvre la porte de leur cellule, d'être conduits sur les lieux de leur exécution",

26. Notant qu'aussi bien l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe que l'Union européenne ont appelé à maintes reprises le Bélarus à abolir la peine de mort,

27. Notant qu'au Bélarus les détails concernant la peine de mort sont secrets et que, selon le Code pénal exécutif, la peine de mort est appliquée en privé par fusillade, l'administration de l'établissement pénitentiaire informe le juge des exécutions et le juge informe les proches du prisonnier ; le corps d'un condamné n'est pas remis à ses proches, lesquels ne sont pas informés de l'endroit où est enterrée la dépouille,

28. Notant qu'au Bélarus la peine capitale, selon la Constitution, est une mesure extraordinaire et temporaire qui n'est applicable que dans des cas exceptionnels et que le Bélarus s'efforce de limiter notablement l'application de la peine de mort, particulièrement en réduisant de moitié le nombre d'articles du code pénal qui prévoient l'imposition de cette peine,

29. Notant que, le 11 mars 2004, la Cour constitutionnelle a déclaré que l'abolition de la peine de mort ou, en tant que première étape, l'introduction d'un moratoire pourrait être décrétée par le chef d'Etat et par le parlement,

30. Notant que le Bélarus n'a pas publié de statistiques exhaustives sur le nombre de condamnations à mort prononcées et d'exécutions accomplies, contrairement à son engagement, en qualité d'Etat participant de l'OSCE, de "mettre à la disposition du public des informations sur le recours à la peine de mort", ainsi qu'il est indiqué dans le Document approuvé à la réunion de Copenhague de la Conférence sur la dimension humaine de la CSCE le 29 juin 1990,

31. Notant que, sur les 50 Etats composant les Etats-Unis d'Amérique, 38 appliquent la peine de mort alors que quatre d'entre eux n'ont procédé à aucune exécution depuis 1976, et que la législation fédérale prévoit que 42 délits sont passibles de la peine de mort,

32. Notant qu'aux Etats-Unis d'Amérique le nombre d'exécutions et de condamnations à mort a sensiblement baissé ces dernières années et que de nombreux Etats envisagent d'adopter un moratoire ou de l'abolir, ce qui reflète un déclin de l'adhésion du public à la peine de mort,

33. Se félicitant de ce que des Etats, comme la Caroline du Nord, le Montana, le New Jersey et New York aient abandonné la peine de mort au profit de mesures telles qu'un moratoire sur les exécutions ou l'abolition de cette peine, 34. Notant que la Cour Suprême des Etats-Unis a récemment rendu publics des arrêts appelés à faire date qui ont instauré davantage de garanties et tiennent compte de l'évolution des normes de la justice,

35. Se félicitant de la décision prise par le gouverneur du Nouveau Mexique en mars 2009 d'interdire dans son Etat la peine capitale considérée comme "incompatible avec les grands principes américains de justice, de liberté et d'égalité",

36. Notant que, le 19 mars 2009, un sénateur des Etats-Unis a déposé un projet de loi fédérale sur l'abolition de la peine de mort qui a pour objet d'abolir la peine de mort à l'échelon fédéral,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

37. Condamne toutes les exécutions où qu'elles aient lieu ;

38. Invite les Etats participants qui appliquent la peine de mort à déclarer immédiatement un moratoire sur les exécutions ;

39. Encourage les Etats participants qui n'ont pas aboli la peine de mort à respecter les garanties protégeant les droits des personnes passibles de la peine de mort, ainsi qu'il est stipulé dans les Garanties du Conseil économique et social des Nations Unies ;

40. Demande au Bélarus de prendre immédiatement des mesures tendant à l'abolition de la peine de mort en instituant sans tarder un moratoire sur toutes les condamnations à mort et les exécutions, en vue d'abolir la peine de mort, comme prévu dans la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 18 décembre 2007 et dans la résolution 63/168 adoptée le 18 décembre 2008 ;

41. Invite le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique à adopter un moratoire sur les exécutions conduisant à une abolition complète de la peine de mort dans la législation fédérale, et à retirer sa réserve visant l'Article 6(5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

42. Invite la République du Kazakhstan, en vue de l'abolition complète de la peine de mort, à amender son Code pénal conformément à l'amendement constitutionnel du 21 mai 2007 ;

43. Invite la Lettonie à amender son Code pénal afin d'abolir aussi la peine de mort dans le cas des meurtres avec circonstances aggravantes commis en temps de guerre ;

44. Invite les Etats participants qui maintiennent la peine de mort à inciter les missions du BIDDH et de l'OSCE à développer, en coopération avec le Conseil de l'Europe, les activités visant à sensibiliser contre le recours à la peine de mort, notamment auprès des médias, des responsables de l'application de la loi, des décideurs et du grand public;

45. Continue à encourager les activités des ONG travaillant à l'abolition de la peine de mort.
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