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Question de la peine de mort : Rapport du Secrétaire général (2005)

E/2005/3
rapport du 9 mars 2005 - Secrétaire général des Nations Unies
Nations Unies
Conseil économique et social
Session de fond de 2005
5-29 juillet 2005 Point de l'ordre du jour provisoire
Prévention du crime et justice pénale
E/2005/3
9 mars 2005

Peine capitale et application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort

Rapport du Secrétaire général


Résumé

Dans sa résolution 1745 (LIV) du 16 mai 1973, le Conseil économique et social a invité le Secrétaire général à lui présenter, tous les cinq ans, à partir de 1975, un rapport analytique périodique à jour sur la peine capitale. Dans sa résolution 1995/57, du 28 juillet 1995, le Conseil a recommandé que les rapports quinquennaux du Secrétaire général continuent à porter aussi sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. Dans la même résolution, le Conseil a prié le Secrétaire général, lorsqu'il établirait le septième rapport quinquennal, de faire usage de toutes les données disponibles, y compris les recherches criminologiques en cours. Le présent rapport quinquennal, le septième, fait le point sur l'usage de la peine capitale et les tendances en la matière durant la période 1999-2003, ainsi que sur l'application des garanties.
Conformément aux résolutions du Conseil 1745 (LIV) et 1990/51, en date du 24 juillet 1990, et à la décision du Conseil 2004/242, en date du 21 juillet 2004, ce rapport est présenté au Conseil à sa session de fond de 2005 et sera aussi présenté à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa quatorzième session. En application de la résolution 2004/67 de la Commission des droits de l'homme, cette dernière en sera saisie à sa soixante et unième session.
Le rapport montre qu'il existe une tendance encourageante à l'abolition et à la restriction de l'usage de la peine capitale dans la plupart des pays. Il montre également que beaucoup reste à faire dans l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort dans les pays qui continuent d'appliquer ce châtiment.


Table des matières
I. Introduction
II. Généralités et portée du rapport
III. Evolution de la situation concernant la peine capitale au cours de la période 1999-2003
A. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour toutes les infractions au début de 1999
B. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun au début de 1999
C. Pays favorables au maintien de la peine de mort au début de 1999
D. Situation de la peine capitale à la fin de 2003
IV. Application de la peine de mort
V. Faits nouveaux intervenus sur le plan international
VI. Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort
VII. Conclusions et recommandations


Annexes
I. Données et tableaux supplémentaires
II. Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort



I. Introduction
1. Le présent rapport, établi conformément aux résolutions du Conseil économique et social 1754 (LIV) du 16 mai 1973 et 1995/57 du 28 juillet 1995, est le septième rapport quinquennal du Secrétaire général sur la peine capitale(1). Il porte sur la période 1999-2003 et passe en revue les faits nouveaux survenus dans le recours à la peine capitale dans le monde entier, tant dans la législation que dans la pratique. Conformément à la résolution du Conseil 1989/64 du 24 mai 1989, le rapport porte également sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (voir l'annexe II).

2. Le rapport a été établi sur la base des données réunies à l'occasion de la septième enquête, qui a été soumise aux États membres, aux organisations intergouvernementales, aux institutions spécialisées des Nations Unies et aux organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil, ainsi qu'à partir d'autres sources, notamment les données criminologiques en cours(2).

II. Généralités et portée du rapport

3. Tous les États membres de l'Organisation des Nations Unies ont été invités à fournir des renseignements en vue de l'élaboration du septième rapport quinquennal du Secrétaire général sur la peine capitale par le biais d'un questionnaire méthodique détaillé. Dans le présent rapport, les pays ont été classés en fonction de leur situation au regard de la peine capitale au début de la période quinquennale à l'examen, à savoir à partir du 1er janvier 1999, ce qui permet de passer facilement en revue les changements intervenus au cours des cinq années qui se sont écoulées jusqu'à la fin de décembre 2003. Les catégories retenues sont les suivantes:
a) Pays qui étaient abolitionnistes pour toutes les infractions, que ce soit en temps de paix comme en temps de guerre;
b) Pays qui étaient abolitionnistes pour les infractions de droit commun, ce qui signifie que la peine de mort a été abolie pour toutes les infractions de droit commun commises en temps de paix, comme celles énoncées dans le code pénal ou celles qui sont reconnues en "common law" (par exemple, meurtre, viol et vol avec voie de fait). Dans ces pays, la peine de mort est uniquement maintenue dans des circonstances exceptionnelles, notamment en temps de guerre en cas d'infractions de caractère militaire ou pour les crimes contre l'État tels que la trahison ou l'insurrection armée;
c) Pays qui ont maintenu légalement la peine de mort. Ils se répartissent en deux catégories:
i) Les pays qui ont maintenu légalement la peine de mort de sorte que ce châtiment pouvait toujours être infligé, mais qui ne l'ont pas appliqué depuis une longue période, 10 ans au moins. Conformément à la pratique en vigueur dans les précédents rapports des Nations Unies, ces pays ont été désignés comme étant abolitionnistes de fait bien que, comme cela sera expliqué ci- après, cela ne signifie pas toujours qu'ils ont pour principe établi de ne jamais procéder à des exécutions. Dans le présent rapport, pour la première fois dans une enquête quinquennale, les pays qui ont procédé à des exécutions au cours des 10 années précédentes mais ont néanmoins pris l'engagement international d'abolir la peine la peine de mort en instaurant officiellement un moratoire ont aussi été appelés abolitionnistes de fait;
ii) Les pays et territoires dans lesquels des exécutions ont eu lieu durant la période de 10 ans allant jusqu'au 1er janvier 1999.

4. Pour la première fois dans ces enquêtes quinquennales, des questions distinctes ont été préparées pour les pays abolitionnistes, pour les pays qui n'appliquaient pas la peine capitale pour les infractions de droit commun et pour les pays favorables au maintien de la peine de mort, y compris ceux qui étaient abolitionnistes de fait. Les pays qui étaient déjà totalement abolitionnistes ont été priés d'indiquer s'ils avaient mis en place une politique de promotion de l'abolition dans les autres pays, s'il y avait eu des tentatives de rétablissement de la peine de mort, s'ils avaient adopté une politique relative à l'extradition des personnes inculpées d'une infraction passible de la peine de mort et quelles autres peines avaient été mises en place pour remplacer la peine de mort. Il a été demandé aux pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun de préciser quelles étaient les infractions qui restaient passibles de la peine capitale et d'indiquer si des personnes avaient été condamnées à mort ou exécutées durant la période considérée.Les pays qui maintenaient la peine de mort ont été priés d'indiquer si la peine capitale avait été abolie, ou décrétée, pour certaines infractions au cours de la période sur laquelle portait l'enquête et, si tel était le cas, quels facteurs avaient été à l'origine de ce changement; de préciser pour quelles infractions la peine de mort pourrait être appliquée à la fin de la période en question (31 décembre 2003); le nombre des personnes condamnées à mort et celui des personnes exécutées, avec une ventilation par sexe et en fonction de l'âge – moins ou plus de 18 ans – au moment de l'infraction; ainsi que le nombre des personnes sous le coup d'une condamnation à mort au début et à la fin de la période quinquennale. Des questions ont été posées sur les procédures d'appel et de recours en grâce et sur l'éventualité de débats ou de recherches concernant la question de l'abolition de la peine de mort. Une section était consacrée à l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.

5. Bien que le présent rapport porte sur la période couverte par l'enquête, les faits nouveaux importants qui se sont déroulés en 2004 ont été notés afin de rendre les conclusions du rapport aussi actuelles que possible, en accordant également une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment du délit (résolution 2004/67 de la Commission).

6. Au 25 janvier 2004, 52 pays avaient renvoyé le questionnaire(3). La plupart (33) étaient déjà abolitionnistes pour toutes les infractions au début de 1999: Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Cambodge, Canada, Colombie, Costa Rica, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, Hongrie, Irlande, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Maurice, Monaco, Mozambique, Namibie, Nouvelle- Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse. En outre, des réponses avaient été reçues de cinq pays qui étaient abolitionnistes uniquement pour les infractions de droit commun au 1er janvier 1999: Argentine, El Salvador, Grèce, Malte et Mexique. Cinq réponses avaient été envoyées par des pays favorables au maintien de la peine de mort mais qui étaient abolitionnistes de fait: l'Albanie, qui a instauré un moratoire officiel sur les exécutions en 1996; la Lettonie, qui avait signalé son intention d'abolir la peine de mort en instituant un moratoire en 1995 et en signant le Protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort du Conseil de l'Europe(4) en 1998; les Philippines, où la dernière exécution a eu lieu en 1976; le Sénégal, qui a répondu qu'il n'avait aboli la peine de mort que le 10 décembre 2004, et la Turquie, où la dernière exécution a eu lieu en 1984. Seuls 8 des 79 pays qui étaient favorables au maintien de la peine de mort au début de 1999 ont répondu à l'enquête: Bahreïn, Égypte, Japon, Maroc, Pakistan, Thaïlande, Trinité-et-Tobago et Ukraine(5). Trois d'entre eux, l'Égypte, la Thaïlande et le Pakistan, ont rempli la partie du questionnaire traitant des garanties, ignorant la partie portant sur les infractions pour lesquelles la peine capitale pouvait être ou était appliquée et sur le nombre d'exécutions auxquelles il avait été procédé. Ces résultats représentent un taux de réponse encore plus faible que ceux qui avaient été obtenus lors des cinquième et sixième enquêtes quinquennales(6). C'est justement auprès des États favorables au maintien de la peine capitale, dont bon nombre ne publient aucune statistique officielle sur le recours à ce châtiment, qu'il est nécessaire de recueillir des informations dans le cadre d'une enquête de l'ONU.

7. Les organisations intergouvernementales et les institutions spécialisées du système des Nations Unies ci-après ont envoyé des rapports et des informations: le Conseil de l'Europe et, en particulier, la Cour européenne des droits de l'homme, la Commission européenne, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Les organisations non gouvernementales suivantes ont soumis des rapports et des déclarations écrites: Le Secrétariat international d'Amnesty International, la Fondation Dui Hua, l'Union internationale des avocats, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), le Service international pour les droits de l'homme, la Japan Federation of Bar Associations (JFBA) (Fédération japonaise des associations d'avocats, l'Association juridique de l'Asie et du Pacifique, le South Asia Human Rights Documentation Centre (Centre de documentation sur les droits de l'homme de l'Asie du Sud), Fraternité internationale des prisons et l'Association pour la prévention du crime et la rééducation des délinquants.

8. Conformément au mandat dévolu à cette fin et pour obtenir un tableau plus fidèle de la situation concernant l'application de la peine de mort et les garanties applicables en la matière dans le monde entier, le septième rapport quinquennal du Secrétaire général a dû, tout comme le sixième rapport, s'appuyer dans une large mesure sur des données provenant de diverses sources. En particulier, le rapport a tiré profit des renseignements fournis aux institutions et aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies en matière de droits de l'homme et fournis par eux ainsi que d'autres sources, telles que les statistiques nationales, des rapports des gouvernements, des sources universitaires et des données fournies par des organisations non gouvernementales, afin de s'assurer du nombre de peines capitales prononcées et exécutées dans le monde au cours de la période à l'étude.


III. Evolution de la situation concernant la peine capitale au cours de la période 1999-2003

A. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour toutes les infractions au début de 1999

9. Au début de 1999, 70 pays avaient déjà aboli la peine de mort pour toutes les infractions; ce nombre est bien plus élevé qu'au début de la période quinquennale précédente, soit en 1993, époque où ce nombre avait été de 55. Comme cela a été dit plus haut, 33 de ces 70 pays ont répondu à la septième enquête en remplissant le questionnaire. Aucun des 70 pays n'a rétabli la peine capitale au cours de la période visée par l'enquête(7) et seuls 4 des 33 pays ayant répondu à l'enquête ont déclaré que des propositions avaient été faites en vue de rétablir la peine de mort. Elles émanaient en général de particuliers, de membres du Parlement ou de partis politiques minoritaires, qui n'ont pu en aucun cas imposer leurs idées.

10. Une majorité (22) de ces pays totalement abolitionnistes ont déclaré avoir pris ou participé à des initiatives visant à promouvoir l'abolition de la peine capitale ou à réduire la portée ou l'incidence de son application. Ils ont mentionné des activités telles que l'appui de résolutions à la Commission des droits de l'homme et le soutien de la politique d'organisations régionales comme l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Le Portugal a appelé l'attention sur la résolution adoptée en 2003 par la Communauté des pays de langue portugaise concernant les droits de l'homme et l'abolition de la peine de mort. Plusieurs pays ont fait état d'initiatives plus directes aux niveaux bilatéral et multilatéral, telles que le dialogue bilatéral sur les droits de l'homme.

11. Les 33 pays, à une exception près, qui ont répondu ont indiqué que, comme la Commission des droits de l'homme (résolution 2004/67, par. 7) les en avait systématiquement priés, ils avaient adopté une politique consistant à refuser d'extrader une personne qui encourt la peine de mort vers un État requérant qui n'a pas aboli la peine de mort si cet État ne leur donnait pas des assurances que la personne en question ne serait pas condamnée à mort ou exécutée. Pendant la période couverte par la septième enquête, l'Allemagne, l'Australie, le Canada, le Costa Rica, l'Irlande et la Suisse ont indiqué avoir appliqué cette poolitique.

12. Lors de la septième enquête, les pays ont été prié de fournir des renseignements détaillés sur la peine maximale prévue pour sanctionner les infractions qui étaient auparavant passibles de la peine capitale. Les réponses ont été très diverses, tant en ce qui concerne la sanction pénale (emprisonnement à vie ou peine fixe d'emprisonnement) que la période à effectuer réellement avant qu'une libération anticipée puisse être envisagée. Cependant, dans aucun des pays ayant répondu au questionnaire l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle n'a été décidé officiellement comme peine obligatoire ou peine maximale facultative pour remplacer la peine de mort. Dans sept pays, la peine en cas de meurtre était l'emprisonnement à vie obligatoire. Dans tous ces pays, des mécanismes étaient prévus pour permettre aux détenus d'être libérés après une certaine période, qui était très variable. Dix-sept pays au total avaient remplacé la peine de mort par une peine maximale facultative d'emprisonnement à vie, l'autre solution envisagée étant une peine fixe d'emprisonnement. Tous les pays avaient adopté une politique qui prévoyait la possibilité de libérer un détenu, mais après une période dont la durée variait énormément. Neuf pays au total avaient remplacé la peine de mort par une période fixe d'emprisonnement. Dans trois d'entre eux (Costa Rica, Irlande et Mozambique), la période d'emprisonnement devait impérativement être accomplie. Lorsqu'une libération facultative était envisagée, la période minimale à effectuer variait de la moitié aux trois quarts de la peine prononcée.

B. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun au début de 1999

Pays qui sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions entre 1999 et 2003

13. Au début de 1999, 11 pays avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun mais non pour certaines infractions relevant d'un droit particulier commises contre l'État (généralement la trahison) et/ou pour des infractions relevant du code militaire commises en temps de guerre: Argentine, Bosnie- Herzégovine, Brésil, Chypre, El Salvador, Fidji, Grèce, Israël, Malte, Mexique et Pérou. Comme indiqué plus haut, des réponses à la septième enquête n'ont été reçues que de l'Argentine, d'El Salvador, de la Grèce, de Malte et du Mexique, dans cette catégorie de pays.

14. Trois des 11 pays en question qui étaient auparavant abolitionnistes pour les infractions de droit commun sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions durant la période 1999-2003: Bosnie-Herzégovine, Chypre et Malte.

15. En 2004, un quatrième pays, la Grèce, est devenu abolitionniste pour toutes les infractions. L'Argentine et le Mexique ont de leur côté communiqué des informations sur leur projet d'abolition de la peine de mort. L'Argentine a fait savoir que des projets de loi visant à réformer le Code de justice militaire en vigueur avaient été soumis au Parlement, en particulier en ce qui concerne l'abolition de cette peine, et que la possibilité de signer et ratifier le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme(8) et le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (résolution 44/128 de l'Assemblée générale, annexe) était à l'étude. La réponse indiquait que l'Argentine devait être considérée comme un État qui a effectivement aboli la peine capitale. Il a été signalé également que, en mars 2004, le Président du Mexique a soumis au Congrès une proposition, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, qui vise à supprimer la peine de mort du code pénal militaire(9).

16. El Salvador a indiqué que la question du rétablissement de la peine capitale pour les infractions de droit commun avait fait l'objet d'une série de discussions et de consultations à l'Assemblée législative nationale mais que cette question avait été mise en sommeil par la suite. Il a fait savoir également que, en vertu de la Constitution, on ne pouvait procéder à des exécutions que si les infractions avaient été commises pendant un conflit international.

17. Les autres pays qui sont abolitionnistes pour les infractions de droit commun peuvent tous être considérés comme abolitionnistes de fait en ce qui concerne les infractions dirigées contre l'État ou relevant du Code militaire pour lesquelles ils maintiennent la peine de mort. Cela fait de nombreuses années qu'aucune exécution n'a eu lieu dans l'un ou l'autre de ces pays pour une infraction contre l'État, relevant de lois d'urgence spéciales ou ayant un caractère militaire.

18. En résumé, à la fin de 2004, plus de la moitié des pays qui étaient auparavant abolitionnistes pour les infractions de droit commun soit étaient devenus abolitionnistes pour toutes les infractions, soit envisageaient de le devenir.

C. Pays favorables au maintien de la peine de mort au début de 1999

19. Au début de la période quinquennale, 113 pays maintenaient la peine de mort dans leurs textes de loi pour les infractions de droit commun (et en général aussi pour les autres infractions). Sur ce nombre, 78(10) pouvaient être considérés comme favorables au maintien de cette peine du fait qu'ils avaient fait procéder à des exécutions au cours des 10 années précédentes et qu'aucun engagement n'avait été pris d'y mettre un terme. Trente-quatre autres pays(11) maintenaient la peine de mort mais pouvaient être considérés comme abolitionnistes de fait au motif que personne n'avait été exécuté depuis au moins 10 ans ou que, comme c'était le cas pour l'Albanie, l'Arménie, la Fédération de Russie et la Lettonie, un engagement international avait été pris de ne pas reprendre les exécutions.

1. Pays favorables au maintien de la peine de mort qui étaient abolitionnistes de fait au début de 1999

20. Sur les 34 pays qui étaient abolitionnistes de fait au début de 1999, 9 ont changé de catégorie durant la période quinquennale. Quatre d'entre eux, l'Albanie, la Lettonie, le Sénégal et la Turquie, ont répondu à la septième enquête. Deux des 34 pays sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions entre 1999 et 2003: la Côte d'Ivoire en 2000 et l'Arménie en 2003(12). Quatre autres pays sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions de droit commun: l'Albanie(13), le Chile, la Lettonie(14) et la Turquie.

21. Trois pays auparavant abolitionnistes de fait ont repris les exécutions. Aux Philippines, un homme a été, en 1999, la première personne à être exécutée en 23 ans. Cinq autres exécutions ont suivi cette même année, puis une en 2000. Par la suite, il n'y en a plus eu. Après une période de 11 ans sans exécutions, elles ont repris au Qatar où, en juin 2000, deux hommes et une femme ont été exécutés pour meurtre. En 2001, sept personnes ont été exécutées en Guinée, ce qui représentait les premières exécutions depuis 1984. Ce nombre de pays est inférieur aux sept pays auparavant abolitionnistes de fait qui avaient repris les exécutions au cours de la période quinquennale 1994-1998.

22. Ainsi, 25 pays sont restés abolitionnistes de fait depuis le début de 1999 jusqu'à la fin de 2003 (6 des 34 pays étant devenus abolitionnistes et 3 étant redevenus favorables au maintien de la peine de mort au 1er janvier 1999).

23. Trois de ces 25 pays ont totalement aboli la peine de mort en 2004: le Bhoutan, le Samoa et le Sénégal. On s'attend à ce que deux autres choisissent la voie de l'abolitionnisme dans un proche avenir, la Fédération de Russie et le Kenya. Dans la Fédération de Russie, la peine capitale a en effet été interdite par une décision de la Cour constitutionnelle en février 1999. Au Kenya, alors que le Ministre de la justice avait annoncé l'intention du nouveau gouvernement d'abolir la peine de mort et que le Président avait commué toutes les condamnations à mort, la Conférence constitutionnelle nationale a décidé en mars 2004 de maintenir la peine capitale pour le meurtre et le viol de mineur, mais de la supprimer pour la trahison et le vol avec voie de fait(15).

24. Il convient de reconnaître toutefois qu'au moins cinq des pays qui, en vertu de la "règle des 10 ans", sont restés abolitionnistes de fait en 2004 ont essayé de reprendre les exécutions mais n'y sont pas parvenus du fait de certaines interventions judiciaires ou qu'ils ont envisagé de renouer avec cette pratique. Cela a été le cas de la Barbade (dernière exécution en 1984), du Belize (1986), de la Jamaïque (1988), de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (vers 1950) et de Sri Lanka (1976)(16). Pour ce qui est de l'imposition de la peine de mort par des pays abolitionnistes de fait, cette pratique s'est poursuivie en Gambie, au Mali et au Togo durant la période 1999-2003.

2. Pays et territoires favorables au maintien de la peine de mort qui appliquaient cette peine au début de 1999

25. Seuls 7 des 78 pays qui appliquaient la peine capitale pour des infractions de droit commun au début de 1999 (Bahreïn, Égypte, Japon, Maroc, Ouzbékistan, Pakistan et Trinité-et-Tobago), plus un (Philippines) des trois pays qui ont repris les exécutions après une période d'abolition de fait au cours de la période visée par l'enquête ont répondu à la septième enquête. Aucun n'avait aboli la peine capitale ni n'était devenu abolitionniste de fait à la fin de 2003. D'autre part, la JFBA a fourni des informations concernant le Japon.

26. Bahreïn a répondu que la société civile n'examinait pas la question de l'abolition et le Gouvernement n'avait pas prévu d'encourager de recherche dans cette direction. La peine capitale n'avait pas été abolie car "elle n'était prononcée que dans le cas de crimes capitaux". À la question de savoir pourquoi la peine capitale n'avait pas été abolie pour les infractions de droit commun, la réponse officielle du Japon a été: "Au Japon, la majorité des gens admettent que la peine de mort est un châtiment nécessaire pour les crimes odieux. Etant donné le nombre de crimes graves, ... il est indispensable d'imposer la peine de mort aux délinquants qui les ont commis(17)."

27. Le Maroc a répondu que si la peine capitale n'avait été abolie pour les infractions de droit commun, c'était en raison de la "gravité de certains actes criminels et également de la brutalité et de l'atrocité d'autres actes". Néanmoins, aucune exécution n'avait eu lieu depuis 1993, et le Maroc a répondu "oui" à la question de savoir s'il existait une politique établie qui consistait à ne jamais exécuter les personnes condamnées à mort, tout en précisant toutefois qu'aucun moratoire n'était en vigueur. Certaines organisations étaient, dit-on, en train d'examiner la question de la restriction de l'application de la peine capitale ou de l'abolition complète de la peine de mort. Trinité-et-Tobago a répondu que le Gouvernement "était toujours fermement décidé à faire appliquer les lois du pays", à savoir que la peine de mort était obligatoirement prononcée pour toute personne déclarée coupable des crimes tels que meurtre ou trahison. Toutefois, certaines émissions d'entretiens à la radio et à la télévision ont abordé la question de l'abolition de la peine capitale.

28. Les Philippines ont répondu que le débat public s'intéressait fortement à la question de la peine capitale. Actuellement, sept projets de loi attendaient d'être examinés par le 13e Congrès de la République des Philippines, chacun cherchant à obtenir l'abolition complète de la peine de mort. De plus, diverses sections de la société, notamment la Coalition contre la peine de mort, ont fait comprendre qu'elles étaient fortement opposées à la peine de mort. Bien que la Présidente ait annoncé le 1er janvier 2004 qu'elle lèverait le moratoire sur les exécutions qui avait été décrété en mars 2000, "par respect pour le deux millième anniversaire de la naissance du Christ", aucune exécution n'avait eu lieu jusqu'à présent, alors que plus de 1 000 détenus attendent dans le couloir de la mort aux Philippines.

29. Le Maroc, les Philippines et la Trinité-et-Tobago ont tous les trois accepté de garantir que, dans un ou plusieurs cas, les personnes dont ils avaient réussi à obtenir l'extradition ne seraient pas exécutées.

a) Pays favorables au maintien de la peine de mort qui sont devenus abolitionnistes

30. Trois des 78 pays favorables au maintien de la peine de mort ont aboli ce châtiment pour toutes les infractions: le Turkménistan en 1999(18), l'Ukraine en 2000(19) et la Serbie-et-Monténégro en 2002. Il est à noter également qu'en obtenant son indépendance de l'Indonésie en 1999, le Timor-Leste a aboli la peine de mort pour toutes les infractions.

31. En résumé, trois pays qui étaient favorables au maintien de la peine de mort en 1999 sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions à la fin de 2003. A ces pays s'ajoutent six pays favorables à la peine de mort qui étaient auparavant abolitionnistes de fait et ont aboli cette peine: deux complètement (Arménie et Côte d'Ivoire) et quatre pour les infractions de droit commun (Albanie, Chili, Lettonie et Turquie), au cours de cette période.

b) Pays qui sont devenus ou qui se considèrent abolitionnistes de fait

32. Sur les 75 autres pays qui étaient favorables au maintien de la peine de mort au 1er janvier 1999, 15 sont devenus abolitionnistes de fait pendant la période 1999-2003, étant donné que personne n'a été exécuté depuis au moins 10 ans, même si l'un d'eux, le Tchad, a repris les exécutions par la suite (voir par. 34 ci-dessous). Il s'agit des pays suivants, avec la date de la dernière exécution entre parenthèses: Algérie (1993), Antigua-et-Barbuda (1989), Bénin (1989), Burkina Faso (1989), Érythrée (1989), Ghana (1993), Libéria (1993), Malawi (1992), Maroc (1993), Mauritanie (1989), Myanmar (1989), République démocratique populaire lao (1989), Swaziland (1989), Tchad (1991) et Tunisie (1991).

33. De plus, deux autres pays, le Kirghizstan(20) et le Kazakhstan(21) peuvent être classés comme des abolitionnistes de fait parce qu'ils ont établi des moratoires officiels sur les exécutions et ces deux pays semblent s'orienter vers une abolition complète. Ainsi, si l'on ajoute ces deux pays, 17 États qui étaient auparavant favorables au maintien de la peine de mort sont devenus abolitionnistes pendant la période 1999-2003.

34. Il est difficile de savoir combien de pays, parmi les 15 qui n'ont procédé à aucune exécution depuis au moins 10 ans en date du 1 janvier 1999, ont véritablement l'intention d'abandonner l'application de la peine de mort, car dans la plupart, les condamnations à mort ont continué à être prononcées, même si elles sont relativement rares. Comme on l'a déjà indiqué, le Tchad est devenu abolitionniste de fait pendant une courte période, mais a repris les exécutions durant la période de l'enquête. Ce pays était devenu abolitionniste de fait en 2001, puisque la dernière exécution avait eu lieu au Tchad en 1991. Toutefois, les exécutions avaient repris en novembre 2003, lorsque neuf détenus condamnés par la Cour pénale en août 2003 pour meurtre ou assassinat ont été exécutés(22).

35. Par contre, plusieurs nouveaux membres du camp des abolitionnistes de fait ont indiqué qu'ils souhaitaient ardemment rejoindre les rangs des États abolitionnistes. C'est ce qui a été communiqué par le Ghana(23), le Malawi(24), le Maroc(25) et Myanmar(26). Ces chiffres confirment le fait que le nombre de pays dans lesquels des exécutions ont régulièrement lieu continue à diminuer.

c) Pays qui sont restés favorables au maintien de la peine de mort

36. En ce qui concerne la peine de mort, la situation de 59 pays et territoires sur les 78 qui au début de 1999 étaient favorables à son maintien, n'avait pas changé à la fin de 2003. Dix-huit de ces 59 pays n'avaient pas procédé, d'après ce qu'il a été possible d'établir, à des exécutions judiciaires entre 1999 et 2003(27), alors même qu'ils continuaient à prononcer des condamnations à mort. Deux d'entre eux ont toutefois recommencé les exécutions en 2004: Inde(28) et Liban.

37. Plusieurs pays semblaient se rapprocher d'une abolition de la peine de mort, notamment le Nigeria(29), la République de Corée(30), la Sierra Leone(31) et la Zambie(32) (sauf dans ses provinces du Nord). En Iraq, après la suspension de la peine de mort en mars 2003 décrétée par l'Autorité provisoire de la coalition, le Gouvernement intérimaire a annoncé en août 2004 qu'elle était rétablie pour le meurtre, le trafic de drogue, l'enlèvement et les menaces contre la sécurité nationale. Le Ministre pour les droits de l'homme d'Iraq a annoncé en décembre 2004 que le Gouvernement "avait décidé d'appliquer la peine de mort en Iraq en tant que mesure temporaire à titre de dissuasion et pour améliorer la sécurité ....lorsque cette dernière se serait améliorée, l'intention était d'abolir cette pratique complètement". En novembre 2004, Amnesty International a signalé que 10 personnes, dont les noms n'ont pas été communiqués, avaient été récemment condamnées à mort par les tribunaux irakiens.

38. Ainsi, 43 pays et territoires seulement parmi ceux qui sont demeurés favorables au maintien de la peine de mort ont procédé à des exécutions pendant la période 1999-2003(33). Comme l'indique la section suivante, une proportion notable de ces pays exécutent très rarement les condamnés.

39. On a observé une certaine évolution en direction de l'abolition dans les pays et territoires qui continuaient de procéder aux exécutions, même si elles étaient beaucoup moins fréquentes. C'est le cas dans l'État de l'Illinois aux États-Unis d'Amérique(34), au Bélarus(35), dans la Province chinoise de Taiwan(36) et au Tadjikistan(37).

D. Situation de la peine capitale à la fin de 2003

40. La conclusion que l'on peut tirer de la septième enquête quinquennale est que le rythme auquel les pays ont adopté la position abolitionniste s'est accru régulièrement, même s'il est un peu moins rapide que pendant les dix années précédentes, étant donné que pendant cette période-là 39 countries (près de quatre en moyenne par an) avaient aboli la peine capitale: progrès décrit dans le rapport des cinquième et sixième enquêtes comme "tout à fait remarquable". Par comparaison, 12 pays ont aboli la peine capitale pendant la période 1999-2003 (légèrement plus de deux par an), pour toutes les infractions dans 8 pays et dans 4 pour les infractions de droit commun. Toutefois, aucun pays abolitionniste n'a rétabli la peine de mort pendant cette même période, alors que pendant la période quinquennale précédente deux États des États-Unis d'Amérique l'avaient fait. De plus, bien que 3 pays, considérés comme des abolitionnistes de fait, aient repris les exécutions, ce nombre est très inférieur aux 9 qui l'avaient fait entre 1994 et 1998. Ce qui est très important, c'est que le nombre de pays abolitionnistes de fait a augmenté considérablement (voir tableau 1) et que même parmi les pays favorables au maintien de la peine de mort, seulement 43 ont procédé à des exécutions judiciaires pendant toute la période quinquennale. Comme on le verra à la section suivante, une poignée seulement de ces pays ont procédé à un grand nombre d'exécutions. Une liste actualisée des pays abolitionnistes et des pays favorables au maintien de la peine de mort figure à l'annexe du présent rapport.

Tableau 1
Situation de la peine capitale au début et à la fin de la période quinquennale considérée, 1999-2003




Abolitionnistes pour toutes les infractionsAbolitionnistes pour les infractions de droit communFavorables au maintien de la peine de mort - Abolitionnistes de faitFavorables au maintien de la peine de mort
1er janvier 1999 (194 pays) 70 11 34 79
31 décembre 2003 (195 pays) 80 12 41 62


Note: En 2004, le Bhoutan, le Samoa et le Sénégal (abolitionnistes de fait au 31 décembre 2003) ainsi que la Grèce et la Turquie (abolitionnistes pour les infractions de droit commun au 31 décembre 2003) sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions. Le Tadjikistan est devenu abolitionniste de fait lorsqu'il a officiellement mis en place un moratoire sur les exécutions en 2004 pour une durée indéterminée.

IV. Application de la peine de mort

41. Six pays ont fourni des renseignements sur les peines de mort infligées et sur les exécutions: Bahreïn, Japon, Maroc, Philippines, Thaïlande et Trinité-et-Tobago, plus la Lettonie pour la période ayant précédé l'abolition de cette peine. Bahreïn a signalé seulement deux condamnations à la peine capitale pour des atteintes à la personne contre un homme adulte (par un tribunal militaire) et une femme adulte (par une juridiction de droit commun) pendant 1999-2003. Au Japon, 63 condamnations à mort ont été prononcées en première instance contre des individus reconnus coupables d'atteinte à la personne. Dans quatre cas, les condamnations à mort ont été réduites en appel à des peines d'emprisonnement. Au cours de la période quinquennale, 20 condamnations à mort ont été confirmées au terme de la procédure d'appel ou de recours en grâce. Treize personnes, toutes de sexe masculin et âgées d'au moins 18 ans, ont été exécutées pour atteinte à la personne, dont cinq en 1999 et une seule en 2003. Le 1er janvier 1999, 53 prisonniers restaient sous le coup d'une condamnation à mort contre 56 au 31 décembre 2003.

42. En Lettonie, où les exécutions faisaient l'objet d'un moratoire depuis 1996, une seule personne, de sexe masculin, a été condamnée à mort en 1999 avant que cette peine ne soit abolie pour les infractions de droit commun dans le courant de cette même année. Au Maroc, 66 personnes (63 hommes et 3 femmes) ont été condamnées à la peine capitale, 49 pour des atteinte à la personne et 17 pour des actes de terrorisme(38), mais aucune n'avait été exécutée. Trois d'entre d'elles ont été grâciées et huit restaient passibles de la peine de mort au 31 décembre 2003, soit moitié moins qu'au 1er janvier 1999.

43. Les Philippines ont signalé que 280 condamnations à mort avaient été prononcées entre 1999 et 2003. Pendant cette même période, 54 personnes ont vu leur condamnation annulée en appel ou commuée. Sept personnes de sexe masculin ont été exécutées, dont six en 1999 et une en 2000. La Thaïlande n'a pas fait état du nombre d'exécutions prononcées mais a toutefois signalé le nombre de celles qui ont été appliquées, à savoir 43. A la Trinité-et-Tobago, 45 personnes ont été condamnées à mort pour meurtre et 10 de sexe masculin exécutées, toutes en 1999.

44. Il convient de signaler une fois de plus que de nombreux pays ne publient pas de statistiques officielles des condamnations et des exécutions. C'est pourquoi il a fallu recourir, pour obtenir une vue d'ensemble, aux informations fournies par des organisations non gouvernementales, Amnesty International en particulier. Il ressort d'une comparaison entre les périodes quinquennales 1994-1998 et 1999-2003 (fondées sur des chiffres fournis par Amnesty International, qui reconnaît qu'ils ne sont pas exacts et risquent fort d'être inférieurs aux chiffres réels) que le nombre de condamnations à mort a diminué, passant de quelque 23 000 pendant toute la période 1994-1998 à environ 18 200 au cours de la période 1999-2003 et que le nombre des exécutions judiciaires a également diminué, passant de 13 500 à 9 000. Comme lors de la période précédente, le nombre annuel de condamnations à mort a fluctué entre 1999 et 2003, passant de 3 050 à 5 300 environ. De même, le nombre annuel d'exécutions a varié entre 1 150 et 3 050 approximativement. Ces variations reflétaient dans une large mesure les variations du nombre annuel de personnes condamnées à mort et exécutées en Chine.

45. Dans la mesure où on peut se fier aux chiffres obtenus, 11 des 43 pays restés favorables au maintien de la peine de mort entre 1999 et 2003 ont fait exécuter moins de 5 personnes pendant toute la période considérée et 16 pays moins de 10. On sait que seuls 19 pays ont procédé à au moins 20 exécutions judiciaires pendant cette période.

46. Le tableau 2 ci-dessous indique, d'après le nombre d'exécutions relevé chaque année par Amnesty International, quels sont les pays ayant exécuté la plupart de leurs délinquants. Une comparaison a été faite entre le nombre d'exécutions et le taux moyen annuel par million d'habitants pour les 26 pays qui, soit pendant la période visée par la sixième enquête (1994-1998), ou pendant celle couverte par la septième enquête

Tableau 2
Pays restés en faveur du maintien de la peine de mort à la fin de 2003 et où 20 exécutions au moins ont été signalées pour les périodes 1994-1998 ou 1999-2003, et taux moyen annuel estimé d'exécutions par million d'habitantsa


[NB www.peinedemort.org : contenu du tableau non reproduit, consultable sur le site de l'ONU]


Source: Données sur les exécutions tirées des rapports d'Amnesty International.
a Taux calculés à partir du nombre moyen d'exécutions par an. En ce qui concerne les pays pour lesquels aucun renseignement n'a pu être obtenu, il a fallu considérer qu'il n'avait été procédé à aucune exécution, mais cela peut ne pas avoir été le cas dans plusieurs d'entre eux. Les chiffres relatifs à la population sont tirés de l'ouvrage Keesing's Worldwide, Annual Register pour 1997 et 2002. Les chiffres relatifs à la population pour les États des États-Unis d'Amérique sont tirés de http://quickfacts.census.gov/qfd/states/12000.html.

47. Ainsi qu'il ressort du tableau 2, c'est en Chine que l'on a signalé le plus grand nombre d'exécutions. Viennent ensuite l'Arabie saoudite, les Etats-Unis, la République démocratique du Congo et la République islamique d'Iran. De nombreuses exécutions (plus de 100 au cours de la période quinquennale prise en considération) ont également eu lieu à Singapour, au Viet Nam et au Yémen.

48. Les chiffres bruts peuvent certes être trompeurs lorsque les populations des pays varient dans de fortes proportions. Ainsi, les taux d'exécutions correspondant à Singapour ont été de loin les plus élevés (6,9 par million d'habitants par année), suivis par ceux de l'Arabie saoudite (3,7) et de la Jordanie (2,1). Seuls trois pays (Arabie saoudite, Chine et République islamique d'Iran) ont exécuté un plus grand nombre de personnes que les États-Unis au cours de la période 1999-2003, quoique ce dernier pays ait eu à lui seul l'un des taux annuels moyens d'exécution les plus faibles (0,27) par million d'habitants des pays figurant au tableau 2, du fait que les exécutions étaient concentrées dans un petit nombre d'États. Pendant la période quinquennale considérée, 13 des 38 États des Etats-Unis d'Amérique prévoyant la peine de mort n'ont procédé à aucune exécution. Par ailleurs, alors que 20 États n'ont procédé à aucune exécution en 1999, leur nombre est tombé à 11 en 2003. Le Gouvernement fédéral a procédé à trois exécutions: en 2001, la première depuis 1963 a eu lieu pour une infraction de caractère fédéral. Les deux tiers (264) des 385 exécutions (soit 68,5 pour cent) ont été effectuées par les quatre États énumérés au tableau 2 (Missouri, Oklahoma, Texas et Virginie). Près d'une sur quatre (38,7 pour cent) a eu lieu au Texas, bien que ce soit l'un des États les moins peuplés, l'Oklahoma, qui ait eu le taux moyen annuel le plus élevé (3,2 pour cent par million d'habitants) pendant la période 1999-2003.

49. Une comparaison entre les données du tableau 2 concernant les pays restés favorables au maintien de la peine de mort à la fin de 2003 et qui avaient procédé à au moins 20 exécutions pendant la période 1994-1998 ou la période 1999-2003 fait apparaître, pour l'ensemble de cette dernière, une baisse du nombre des exécutions tant en chiffres absolus que pour 13 de ces pays en ce qui concerne le taux moyen annuel par million d'habitants. Cette baisse a été particulièrement importante au Bélarus, en Chine, en Égypte, au Nigéria, en République de Corée, à Singapour, à Taiwan et au Zimbabwe. Le nombre des exécutions a également diminué au Japon et, pour autant qu'on ait pu le vérifier, en Jamahiriya arabe libyenne.

50. Ces chiffres ne révèlent pas les changements encore plus frappants intervenus au cours de la période 1999-2003. En effet, le nombre d'exécutions au Bélarus est tombé de 29 en 1999 à 5 en 2002 et à 1 en 2003. En Chine, au cours de la dure campagne contre la criminalité, qui s'est déroulée en 2001, Amnesty International a enregistré 2468 exécutions, contre seulement 763 en 2003. Des tendances analogues ont été relevées à Singapour et dans la Province chinoise de Taiwan.

51. Même lorsqu'il apparaît que les résultats pour cette période quinquennale ont augmenté par rapport à la période 1994-1998, cette évolution semble parfois avoir caché une tendance à une baisse annuelle du nombre des exécutions. Ainsi, la totalité des 78 exécutions judiciaires ayant eu lieu en Afghanistan concernent les trois années 1999, 2000 et 2001, dont 51 pour la seule année 2001, aucune n'ayant été signalée en 2002 ni en 2003. Il en a été de même dans certains pays où le taux global d'exécutions a été plus constant, par exemple en Arabie saoudite, en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Soudan et en Thaïlande. Bien que le nombre total d'exécutions aux Etats-Unis ait été beaucoup plus élevé entre 1999 et 2003 qu'entre 1994 et 1998, leur nombre annuel est tombé de 98 en 1999 à 85 en 2000 et à 65 en 2003.

52. Dans un pays seulement, le Viet Nam, le nombre estimé d'exécutions a augmenté notablement et régulièrement durant la période: 64 (50 pour cent) des 128 exécutions enregistrées pendant la période quinquennale ayant eu lieu en 2003, contre 8 en 1999. Faute de pouvoir disposer de statistiques publiées officiellement, il est impossible de savoir si cces chiffres reflètent un réel changement ou le fait qaue l'on puisse disposer d'informations plus fiables(40).

53. La conclusion générale que l'on peut tirer de ces constatations est que la pratique des exécutions par les États favorables au maintien de la peine de mort diminue et qu'une forte proportion de ceux-ci n'y ont que rarement recours. Même dans les quelques pays où la plupart des exécutions judiciaires ont lieu, on relève à certains signes que cette pratique a diminué. En définitive, il encore une fois nécessaire de mettre l'accent sur l'importance pour les pays membres d'appliquer la recommandation contenue dans la résolution 1989/64 du Conseil économique et social visant à assurer la publication annuelle, si possible, des statistiques relatives aux condamnations et aux exécutions.

V. Faits nouveaux intervenus sur le plan international

54. De nouveaux faits sont intervenus sur le plan international depuis la mise à jour du rapport sur la sixième enquête présentée en 2001 (E/CN.15/2001/10). La Commission des droits de l'homme a continué tous les ans à adopter des résolutions demandant à tous les États qui n'avaient pas encore aboli la peine de mort à envisager un moratoire des exécutions en vue d'abolir définitivement la peine de mort. Ces résolutions demandent également à tous les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (annexe de la résolution 2200 A (XXI) de l'Assemblée générale) qui ne l'ont pas encore fait d'envisager d'adhérer ou de ratifier le deuxième Protocole facultatif s'y rapportant (annexe de la résolution 44/128 de l'Assemblée générale), visant à l'abolition de la peine de mort. Elles demandent également à tous les États favorables au maintien de la peine de mort de respecter les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, et de mettre à la disposition du public des informations concernant l'imposition de la peine de mort.

55. Le Comité des droits de l'homme, créé en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, continue à avoir connaissance de cas impliquant l'administration de la peine capitale qui lui sont présentés en vertu de la procédure des pétitions individuelles instaurée par le Premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (annexe de la résolution 2200 A (XXI) de l'Assemblée générale). Pendant la période 1999-2003, le Comité a constaté de nombreux exemples de violation de l'un des articles du Pacte dont le but est de veiller au traitement équitable et humain des personnes faisant l'objet de poursuites pénales. Ces décisions sont mentionnées plus bas dans la section du présent rapport traitant des garanties pertinentes.

56. Nombre d' organisations intergouvernementales ont participé à la campagne pour l'abolition. C'est le cas du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne(41), de l'OSCE et de l'Union africaine. L'Assemblée parlementaire et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe ont continué à s'opposer vigoureusement à la peine capitale, non seulement dans les domaines de leur compétence, mais aussi dans ce qu'on appelle les autres "pays tiers", au moyen de l'adoption de résolutions, d'activités de sensibilisation du public, telles que celles qui ont été menées au Bélarus et dans la Fédération de Russie, ainsi que de la publications de certains ouvrages(42). L'Union européenne a, entre autres activités(43), financé des projets dans d'autres pays, par exemple en travaillant avec l'Université des Philippines pour élargir le recours aux tests utilisant l'acide désoxyribonucléique (ADN), et a assuré la formation de parlementaires et autres guides d'opinion dans les États qui imposent encore la peine de mort. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE publie un document d'information annuel sur l'utilisation de la peine de mort dans les États membres de l'OSCE.

57. À sa 26e session ordinaire, en novembre 1999, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a adopté une résolution qui demandait à tous les États parties d'envisager un moratoire de l'application de la peine de mort.

58. L'organisation non gouvernementale Ensemble contre la peine de mort a organisé le premier Congrès mondial contre la peine de mort à Strasbourg (France) en juin 2001, et le deuxième Congrès mondial contre la peine de mort à Montréal (Canada) en octobre 2004. En mai 2002, lors d'une réunion tenue à Rome, la Coalition mondiale contre la peine de mort a été fondée en vue de regrouper organisations non gouvernementales, associations de juristes, syndicats, collectivités locales et toutes sortes d'organisations dans le but de faire campagne pour l'abolition universelle de la peine de mort. Cette Coalition a choisi la date du 10 octobre comme Journée mondiale contre la peine de mort.

59. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré qu'en ce qui concerne les activités internationales de protection, la peine de mort peut avoir une place très importante lorsqu'il s'agit de déterminer la conduite à tenir vis-à-vis du statut de réfugié, car imposer la peine de mort peut constituer une persécution et conduire à l'octroi du statut de réfugié dans certaines circonstances. D'autre part, la protection internationale que constitue le statut de réfugié peut être refusée à toute personne condamnée à la peine de mort pour avoir commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, ou pour toute infraction non politique grave à l'extérieur du pays de refuge avant son admission dans ce pays en tant que réfugié.

60. Au début de 1999, 34 pays avaient ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, (annexe de la résolution 44/128 de l'Assemblée générale). À la fin de novembre 2004, 52 pays avaient ratifié cet instrument, affirmant ainsi leur engagement vis-à-vis de l'abolition de la peine de mort. Quatre autres pays avaient signé le deuxième Protocole facultatif à la fin de 2004. Un pays, le Nicaragua, a ratifié le Protocole se rapportant à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort8 en 1999 et le Paraguay a signé ce Protocole la même année.

61. Le Protocole No. 6 à la Convention pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales4 du Conseil de l'Europe, qui abolit la peine de mort sauf en temps de guerre, a été ratifié par 14 États supplémentaires pendant la période 1999-2003. À la fin de 2003, 4 États seulement sur les 46 qui composent le Conseil de l' Europe n'avaient pas encore ratifié le Protocole: Fédération de Russie, Monaco, Roumanie et Serbie-et-Monténégro. La Serbie-et-Monténégro et la Roumanie l'ont respectivement fait en mars et juin 2004. Monaco et la Fédération de Russie ont signé le Protocole et se sont engagés à le ratifier dans un avenir proche (voir annexe I, tableau 5)(44).

62. Un fait d'une importance significative pour la période couverte par la septième enquête a été l'adoption le 3 mai 2002 du Protocole n° 13 à la Convention pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances(45), aux termes duquel les États membres s'engagent à prendre les ultimes mesures nécessaires pour l'abolition de la peine de mort dans toutes les circonstances, notamment en ce qui concerne les actes commis en temps de guerre ou de menace imminente de guerre. Lorsque le Protocole est entré en vigueur le 1 juillet 2003, 41 États membres sur les 45 qui composent le Conseil de l' Europe l'avaient déjà signé, et en novembre 2004, 28 pays avaient ratifié ce Protocole et 15 autres l'avaient signé. Les seuls États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas encore adhéré à ce traité sont l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Fédération de Russie(46).

63. À la fin de 2004, 74 pays en tout avaient ratifié l'un ou l'autre des traités ou conventions internationaux qui interdisent l'imposition de la peine capitale (le deuxième Protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l'abolition de la peine de mort (annexe de la résolution 44/128 de l'Assemblée générale), le Protocole n° 6 ou le Protocole n° 13(45) à la Convention pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et soit le Protocole se rapportant à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort(8), soit, si cette peine est déjà abolie, la Convention américaine relative aux droits de l'homme)(47). Une liste des pays comportant les dates de la signature et de la ratification de ces instruments internationaux est présentée au tableau 5 de l'annexe I du présent rapport(48).

64. Pendant la période 1999-2003, on a observé une généralisation et une institutionnalisation accrues de la politique qui consiste à ne pas extrader les personnes qui risquaient la peine de mort vers les pays qui la pratiquaient toujours sans s'être engagés fermement à ne pas l'imposer ou à ne pas exécuter la personne concernée. L'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne(49), adoptée en décembre 2000, énonce que nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un Etat où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, ce qui comprend le phénomène dudit "couloir de la mort". En juillet 2002, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté les Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme(50). Dans son paragraphe 2, la Ligne directrice n° XIII stipule que l'extradition d'une personne vers un pays où elle risque d'être condamnée à mort peut ne pas être accordée, sauf si les garanties mentionnées ci-dessus sont données. Une disposition semblable est incluse dans le Protocole portant modification de la Convention européenne sur la répression du terrorisme(51), qui est ouvert à la signature depuis le 15 mai 2003. Dans sa résolution 2003/11, la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme de la Commission des droits de l'homme a demandé à tous les États de ne pas remettre des personnes à la juridiction d'États qui utilisent toujours la peine de mort, sauf si la garantie est donnée que la peine de mort ne sera ni prononcée ni appliquée dans le cas particulier. Cette politique a été également affirmé par la Commission des droits de l'homme dans sa résolution 2004/67 du 21 avril 2004. Il importe de noter que le Comité des droits de l'homme a infirmé les opinions qu'il avait précisées en 1993 dans l'affaire Kindler c. Canada(52) lorsqu'il a décidé, dans l'affaire Judge c. Canada(53), que les pays qui avaient aboli la peine de mort se trouvaient dans l'obligation de ne pas exposer une personne au risque réel de son application, ce qui constituerait une violation du droit de la personne à la vie inscrit à l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

VI. Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort

65. Dans sa résolution 1996/15 du 23 juillet 1996, le Conseil économique et social a demandé aux États membres dans lesquels la peine de mort n'a pas été abolie d'appliquer effectivement les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (voir l'annexe II du présent rapport).

66. Les pays suivants ont fourni des informations concernant les garanties dont bénéficient ceux qui sont confrontés à la peine de mort après condamnation d'une infraction pénale de droit commun: Bahreïn, Égypte, Japon, Maroc, Philippines et Trinité-et-Tobago. Pour ce qui est des infractions relevant du code militaire, des renseignements ont été communiqués par El Salvador et le Mexique.

67. Le présent rapport ne tente pas de décrire dans quelle mesure les pays ne respectent pas les garanties; de nombreuses informations de cette nature ont été fournies dans le rapport de la sixième enquête (E/CN.15/2001/10) et se trouvent également dans d'autres sources(54). Le but ici est de faire part dans la mesure du possible des nouvelles informations communiquées pendant la période 1999-2003. Ceci étant, il faut noter que dans son rapport à la soixantième session de la Commission des droits de l'homme, en 2003, la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort ne sont pas respectées dans un grand nombre des cas qui ont été portés à sa connaissance (voir E/CN.4/2004/7, par. 96).

A. Première garantie

68. Le Comité des droits de l'homme a demandé, à plusieurs reprises, l'abrogation de toutes les dispositions incompatibles avec l'article 6, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques(55). De plus, la Commission des droits de l'homme a, dans ses résolutions 1991/61 du 6 mars 1991 et 2004/67 du 21 avril 2004, instamment prié tous les États qui maintiennent la peine de mort, de veiller à ce qu'elle ne soit pas imposée pour des délits financiers non violents ni pour des actes non violents liés à la pratique religieuse ou à l'expression des convictions(56). La Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré en 2002 combien elle était préoccupée de constater que, dans un certain nombre de pays, la peine capitale est prononcée pour des crimes qui ne relèvent pas de la catégorie des «crimes les plus graves» (voir E/CN.4/2002/74, par. 114). Pendant la période couverte par le rapport, elle a envoyé des appels urgents au Nigéria, au Pakistan, à l'Arabie Saoudite et à la Somalie, qui concernaient tous des personnes condamnées à mort pour des infractions commises contre la religion ou la morale.

69. Il semble que certains pays ont étendu l'application de la peine capitale pour punir les infractions constituées par des actes définis comme terrorisme lorsqu'il y a eu mort d'homme. Le Maroc a déclaré que la législation promulguée le 28 mai 2003 concernant la lutte contre le terrorisme prévoyait l'aggravation de la peine dans le cas de certains actes terroristes ayant entraîné la mort d'une ou de plusieurs personnes, dans les cas où la peine maximale encourue précédemment était la réclusion à perpétuité. Le Japon visait aussi les groupes terroristes lorsqu'il prévoit la peine de mort pour le « meurtre organisé » le 1er février 2000. Cuba a modifié son Code pénal en 1999 de manière à faire du brigandage qualifié, de la corruption de mineurs et des cas graves de trafic de drogue des infractions passibles de la peine capitale, mais apparemment uniquement applicables dans le cas de « crimes les plus graves » (voir E/CN.4/2000/3/Add.1, par. 163). La peine de mort a été étendue à une infraction contre l'environnement lorsque, à la fin de 1999, les Emirats arabes unis ont élevé au niveau de délit passible de la peine de mort le fait d'importer des matériaux interdits ou des déchets nucléaires, et de les déverser ou de les stocker dans le pays(57).

70. Conformément à ce que recherche la politique générale des Nations Unies, plusieurs pays ont restreint la portée de la peine capitale, souvent préalablement, ou simultanément, à un moratoire des exécutions, en vue de s'orienter vers l'abolition totale (voir les résolutions 2857 (XXVI) et 32/61 de l'Assemblée générale). L'OSCE a annoncé l'abolition de la peine de mort pour 3 infractions graves en Kirghizstan en 2004(58) ; pour 10 infractions graves au Tadjikistan(59) et pour 6 infractions en Ouzbékistan, la peine de mort n'étant plus applicable que pour deux 2 infractions graves(60). Au Bélarus, la peine de mort a été abolie pour 15 infractions sur 29, et ne peut être imposée que si des circonstances aggravantes l'exigent, ainsi qu'au cas où le délinquant représente un danger exceptionnel (voir E/CN.4/2003/106, annexe II, par. 3). En 2001, le Comité des droits de l'homme a salué, après avoir reçu un rapport de la République populaire démocratique de Corée, la réduction du nombre d'infractions passibles de la peine de mort de 33 à 5, ainsi que la volonté, confirmée par la délégation, d'examiner de manière plus approfondie la question de la peine capitale en vue de son abolition.(61)

71. En Chine, la publication en 2004 d'un livre contenant des articles de juristes éminents, intitulé "The Road of the Abolition of the Death Penalty in China: Regarding the Abolition of the Non-Violent Crime at the Present Stage" publié (en chinois et en anglais) par les Presses de l'Université populaire de la sécurité publique chinoise, constitue un événement très important.

72. Dans son rapport intérimaire à l'Assemblée générale en 2000 (voir A/55/288, par. 34), la Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l'homme sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a déclaré qu'elle pensait que la peine de mort "ne devait en aucune circonstance être obligatoire". S'agissant des pays favorables au maintien de la peine de mort ayant répondu à la septième enquête, Bahreïn a noté que la mort était la peine obligatoire pour certaines infractions à la législation sur les stupéfiants, mais il a fait remarquer que personne n'avait été exécuté pour une telle infraction entre 1999 et 2003. Au Maroc, la peine de mort est obligatoire pour huit catégories d'homicide, notamment celui qui résulte de coups et des blessures entraînant la mort sans l'intention de la donner, et pour le faux témoignage e
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