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Résolution du Parlement européen sur Guantánamo: décision imminente en matière de peine de mort

P7_TA-PROV(2011)0271
résolution du 9 juin 2011 - Union européenne
PE465.667
Résolution du Parlement européen du 9 juin 2011 sur Guantánamo: décision imminente en matière de peine de mort

Le Parlement européen,

– vu les instruments internationaux, européens et nationaux relatifs aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ainsi qu'à l'interdiction de la détention arbitraire, des disparitions forcées et de la torture, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, et la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984, et les protocoles y afférents,

– vu la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies, du 18 décembre 2007, appelant à un moratoire sur l'application de la peine capitale et la résolution 63/168 de l'Assemblée générale des Nations unies, du 18 décembre 2008, demandant la mise en œuvre de la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies de 2007,

– vu ses résolutions précédentes sur la peine de mort, et notamment celles du 7 octobre 2010 sur la Journée mondiale contre la peine de mort et du 10 juillet 2008 sur la peine de mort, en particulier le cas de Troy Davies, sur Guantánamo, et notamment celles du 13 juin 2006 sur la situation des prisonniers à Guantánamo et du 10 mars 2004 sur le droit des prisonniers de Guantánamo à un procès équitable, et sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, et notamment celle contenue dans le rapport de sa commission temporaire, adoptée le 14 février 2007,

– vu sa résolution du 4 février 2009 sur le retour et la réintégration des détenus du centre de détention de Guantánamo,

– vu la lettre adressée par son Président aux parlements nationaux sur la suite à donner par les États membres à la résolution du Parlement du 14 février 2007,

– vu le protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort, du 28 avril 1983,

– vu le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, du 15 décembre 1989,

A. considérant que le gouvernement des États-Unis souhaite requérir la peine de mort lors du procès, qui se tiendra prochainement devant une commission militaire, d'un ressortissant saoudien, Abd al-Rahim Hussayn Muhammed al-Nashiri, actuellement incarcéré au centre de détention américain de Guantánamo Bay; qu'il doit, pour ce faire, obtenir l'accord d'un fonctionnaire désigné sous le vocable d'"autorité de convocation" et qu'une décision est attendue dans les semaines à venir,

B. considérant qu'Abd al-Nashiri est détenu aux États-Unis depuis bientôt neuf ans et que, bien que son nom ait été inscrit sur un acte d'accusation présenté devant un tribunal fédéral américain quelques mois seulement après son arrestation en 2002, il n'a pas comparu sans attendre devant une autorité judiciaire ni été traduit sans délai excessif devant un tribunal, ainsi que l'exige le droit international, mais qu'il a été au contraire détenu secrètement, jusqu'à son transfert à Guantánamo en 2006,

C. considérant que, pendant les quasi quatre années où il a été détenu par la CIA, il a semble-t-il été tenu au secret, en isolement cellulaire, dans des lieux inconnus et il aurait été soumis à la torture, y compris au supplice de l'eau (waterboarding),

D. considérant que, le 20 avril 2011, le ministère américain de la défense a annoncé qu'Abd al-Rahim al-Nashiri avait été inculpé, aux termes de la loi relative aux commissions militaires, de "meurtre en violation des lois de la guerre" et de "terrorisme", entres autres chefs d'accusation, sur la base du rôle prépondérant qui aurait été le sien dans l'attentat contre le navire USS Cole perpétré au Yémen le 12 octobre 2000, au cours duquel 17 marins américains avaient été tués et 40 autres blessés, et dans l'attentat commis dans le golfe d'Aden, le 6 octobre 2002, contre le pétrolier français Limburg, qui s'était soldé par la mort d'un membre d'équipage,

E. que l'affaire Abd al-Rahim al-Nashiri, ressortissant saoudien, sera la première qui sera jugée par une commission militaire depuis que le Président Obama a donné l'ordre de reprendre de telles procédures; qu'aucune date n'a pour l'instant été fixée pour son procès devant une commission militaire et que l'accusation a recommandé que la peine de mort puisse être requise lors du procès, bien qu'il faille pour cela l'accord préalable de l'"autorité de convocation" des commissions militaires, un fonctionnaire nommé par le ministère de la défense,

F. considérant que l'actuel titulaire de ce poste a indiqué qu'il était disposé à recevoir des communications écrites sur la question de la peine de mort jusqu'au 30 juin 2011, et qu'il se prononcerait après cette date,

G. considérant que l'Union européenne s'engage vigoureusement à œuvrer pour faire adopter, dans un premier temps, des moratoires concernant l'application de la peine de mort par les pays tiers et l'abolition ultime de la peine de mort partout dans le monde, et qu'elle s'efforce de faire accepter ce principe à l'échelle planétaire,

H. considérant que le droit international en matière de droits de l'homme reconnaît que certains pays conservent la peine de mort, mais interdisent l'imposition et l'application de la peine capitale sur la base d'un procès qui ne répondrait pas aux normes les plus exigeantes d'équité,

I. considérant qu'il a déjà exprimé des critiques et invité les États-Unis à réviser le système des commissions militaires, dans le mesure où il ne répond pas aux normes internationales en matière de procès équitable,

J. considérant qu'en 2007, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales a demandé aux États-Unis de supprimer les commissions militaires et que, en 2009, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a exhorté les États-Unis à ne pas ouvrir devant des commissions militaires de procès dans lesquels l'accusé encourt la peine de mort,

K. considérant qu'Abd al-Rahim al-Nashiri a affirmé qu'il avait été détenu durant plusieurs mois en Pologne par la CIA, en 2002 et 2003, et qu'il avait été torturé pendant cette période; que, le 10 mai 2001, il a saisi la Cour européenne des droits de l'homme avec le soutien d'organisations non gouvernementales dans le domaine des droits de l'homme,

L. considérant que, en dépit des preuves selon lesquelles des violations des droits de l'homme extrêmement graves et des délits en droit international auraient été commis dans la lutte contre le terrorisme, tels que la torture, les mauvais traitements, la détention au secret et les disparitions forcées, rares sont les personnes à avoir été traduites en justice dans ce cadre, que ce soit aux États-Unis ou dans l'Union européenne,

1. prend acte des étroites relations transatlantiques qui se fondent sur des valeurs fondamentales partagées et sur le respect des droits de l'homme essentiels, universels et non négociables tels que le droit à un procès équitable et l'interdiction de la détention arbitraire; se félicite de la coopération transatlantique nourrie dans un large éventail de questions internationales ayant trait aux droits de l'homme;

2. redit son indignation et sa colère devant tout attentat terroriste de masse et sa solidarité à l'égard des victimes de tels attentats, ainsi que sa compassion pour la douleur et la souffrance des familles, des amis et des parents; rappelle, néanmoins, que la lutte contre le terrorisme ne saurait être menée aux dépens des valeurs fondamentales établies et partagées que sont le respect des droits de l'homme et l'État de droit;

3. réitère son opposition de longue date à la peine de mort dans tous les cas et dans toutes les circonstances et souligne une fois de plus que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et au développement progressif des droits de l'homme;

4. demande aux autorités américaines de ne pas imposer la peine de mort à Abd al-Rahim al-Nashiri et invite la haute représentante Mme Catherine Ashton, la présidence du Conseil, la Commission et les États membres à saisir d'urgence les autorités américaines de la question et à entreprendre des démarches vigoureuses auprès des États-Unis pour faire en sorte qu'Abd al-Rahim al-Nashiri ne soit pas exécuté;

5. relance aux autorités américaines son appel visant à obtenir la révision du système des commissions militaires afin de parvenir à des procès équitables, de fermer Guantánamo, d'interdire en toutes circonstances le recours à la torture, aux mauvais traitements, à la détention au secret, à la détention pour une durée indéfinie et sans procès, ainsi qu'aux disparitions forcées, et rappelle aux institutions de l'Union européenne et aux États membres leur devoir de ne pas coopérer à des actes interdits par le droit international, européen et national, ni de dissimuler de tels actes;

6. constate avec regret que le Président des États-Unis a pris la décision, le 7 mars 2011, de signer le décret sur la détention et la révocation de l'interdiction des tribunaux militaires; est convaincu que des procès pénaux réguliers, dans le cadre de juridictions civiles, constituent la meilleure méthode pour régler le statut des détenus de Guantánamo; insiste pour qu'Abd al-Rahim al-Nashiri, ainsi que tous les autres détenus des autorités américaines, soient rapidement inculpés et jugés conformément aux normes internationales de l'État de droit, ou bien libérés; souligne, dans ce cadre, que les mêmes normes en matière de procès équitable devraient valoir pour tous, sans discrimination;

7. invite les autorités de l'Union européenne et des États membres, ainsi que les autorités américaines, à veiller à ce que des enquêtes complètes, équitables, effectives, indépendantes et impartiales soient menées dans les cas de violation des droits de l'homme et de délits commis à l'encontre du droit international, du droit européen et du droit national, et à traduire en justice leurs auteurs, y compris dans le cadre des restitutions extraordinaires et du programme des prisons secrètes de la CIA;

8. se félicite qu'un certain nombre d'États membres aient accepté d'accueillir sur leur territoire des détenus de Guantánamo et invite davantage d'États membres à coopérer avec le gouvernement des États-Unis à cet effet;

9. charge son Président de transmettre la présente résolution à l'"autorité de convocation" des commissions militaires, au ministère américain des affaires étrangères, au Président américain, au Congrès et au Sénat américains, à la vice-présidente de la Commission/Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres de l'Union européenne, au Secrétaire général des Nations unies, au Président de l'Assemblée générale des Nations unies et aux gouvernements des États membres des Nations unies.
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