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Peine de mort: le Vietnam sourd aux pressions internationales

dépêche de presse du 10 décembre 2003 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Vietnam
HANOI, 10 déc - Le Vietnam vient de franchir la barre des cent condamnés à mort en 2003, signe que ce dossier fait l'unanimité au sein d'un pouvoir politique sourd aux pressions internationales, et avant tout soucieux de montrer sa détermination face au monde du crime.

Avec la condamnation à mort lundi de deux trafiquants de drogue par un tribunal de la province centrale de Khanh Hoa, le nombre des peines capitales dénombrées par la presse officielle vietnamienne depuis le 1er janvier 2003 a atteint la centaine.

Dans le même temps, l'AFP a comptabilisé 62 exécutions, soit le double de l'an passé. Aucune statistique officielle n'est disponible.

En 1999, les autorités vietnamiennes avaient réduit le nombre d'infractions passibles de la peine capitale de 44 à 29. Mais toute tendance abolitionniste est exclue.

La peine de mort est aujourd'hui brandie comme une marque de détermination à l'égard des trafiquants de drogue, qui représentent la moitié des condamnés.

"C'est une mesure efficace", affirmait en septembre le vice-ministre de la Sécurité publique, Le The Tiem. "Quand les crimes liés à la drogue seront éradiqués, nous pourrons réfléchir à modifier notre politique et à adopter des peines plus douces".

Le châtiment suprême est aussi utilisé dans les grandes affaires de corruption, dont certaines ont été récemment érigées en exemple par le régime communiste de Hanoi, afin de redorer une image sérieusement ternie par des scandales à répétition.

Souvent critiqué pour ses arrestations de dissidents ou ses problèmes de liberté religieuse, le Vietnam fait aussi l'objet de réprimandes pour le rythme de ses exécutions.

L'Union européenne, en particulier, "demande à Hanoi de cesser au moins les exécutions pendant un moment, et de voir si elles ont un effet sur la société", explique un diplomate occidental.

Le sujet resurgit périodiquement lorsqu'un étranger est concerné. L'unique occidentale exécutée à ce jour depuis la réunification du pays en 1975 est la Canadienne Nguyen Thi Hiep, en avril 2000, pour trafic de drogue.

En juillet dernier, la condamnation à mort de l'Australienne Le My Linh avait en revanche été commuée en prison à vie après des pressions de Canberra.

L'usage de la peine de mort par le Vietnam préoccupe d'autant plus les abolitionnistes que son système judiciaire fait peu de cas des droits de la défense. Selon les travaux d'un expert en 2000 cité par le Département d'Etat américain, plus de 95% des personnes accusées d'un crime sont condamnées.

"Les procès régulièrement injustes au Vietnam font que la peine de mort est imposée dans des conditions qui peuvent conduire à d'irrémédiables erreurs judiciaires", estime Amnesty international.

Mais le sujet n'effleure guère les débats publics à Hanoi, insensibles aux reproches venus de l'extérieur. "La plupart des débats semblent porter sur la méthode d'exécution, non sur la peine de mort elle-même", relève un membre de l'organisation américaine Human Rights Watch.

En 1999, plusieurs hauts responsables avaient évoqué la possibilité de changer de méthode. Sans succès. Les exécutions capitales sont toujours organisées à l'aube sur un terrain vague. Le condamné est attaché à un poteau les yeux bandés, face à un peloton de tireurs.

Les spectateurs sont bienvenus. Mais pas la famille. Prévenue après l'exécution, elle est priée de venir récupérer les affaires personnelles du mort deux ou trois jours plus tard et ne peut disposer de ses restes pour des funérailles formelles que trois ans après.
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