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Les Philippines vers une ère d'exécutions capitales

dépêche de presse du 5 février 1999 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Philippines
Leo Echegaray
MANILLE - Les Philippines sont entrées vendredi dans une nouvelle phase de leur histoire judiciaire en exécutant leur premier condamné à mort depuis le rétablissement de la peine capitale dans le pays en 1994.

Peu après 15H00 (O7H00 GMT) dans une prison du sud de Manille, des médecins pénitientiaires ont injecté dans le bras gauche d'un décorateur de 38 ans condamné à mort pour avoir violé sa fille de 11 ans une combinaison mortelle de trois substances faisant d'abord dormir le condamné puis provoquant un arrêt cardiaque.

Leo Echegaray était parvenu, grâce à une série de recours interjetés par ses avocats, à faire reporter à plusieurs reprises depuis des mois son exécution, dont la dernière fois le 4 janvier, quand la Cour suprême avait suspendu la procédure trois heures avant l'heure fatidique.

Vendredi encore ses avocats ont tenté de faire reporter une nouvelle fois l'exécution, faisant valoir que de nouvelles procédures d'exécution récemment introduites pouvaient "aller à l'encontre des droits fondamentaux" du condamné.

Leo Echegaray n'était que le premier de 915 condamnés à mort qui attendaient l'exécution de leur sentence dans les prisons philippines. Amnesty International a exprimé cette semaine la crainte que son exécution ne "mette en branle un tapis roulant de la mort".

Les exécutions de huit prisonniers sont déjà prévues pour 1999, et il faudrait procéder à une exécution par jour pendant trois ans pour appliquer toutes les sentences déjà prononcées. Les rangs des condamnés à mort grossissent de plus aux Philippines d'un toutes les 48 heures.

Pour beaucoup de parlementaires cependant, la mort d'Echegaray représente le "triomphe de la justice".

"Aujourd'hui marque à la fois la mort d'une personne et la naissance de la justice", a déclaré Roilo Golez, député de Paranaque, en banlieue de Manille.

Pour Juan Miguel Zubiri, représentant de Bukidnon, "les criminels qui se sont jusqu'à présent moqués de nos lois trembleront désormais sur leurs chaises".

Pour le président Joseph Estrada, un très énergique partisan de la peine capitale, l'exécution de vendredi doit "apprendre aux gens à ne pas se conduire comme des bêtes". Il avait fait savoir que même une intervention personnelle du pape Jean-Paul II ne le ferait pas changer d'avis.

Mais l'application de la peine de mort, que la population majoritairement catholique des Philippines approuve à plus de 80%, a aussi ses détracteurs.

Roan Libarios, député d'Agusan del Norte, a rappelé vendredi "qu'aucun pays n'a pu prouver que la peine capitale contribue à faire baisser la criminalité". Ce qui s'est passé, a-t-il estimé, "est une régression et non une avancée".

Pour le groupe philippin d'Assistance Légale Libre (FLAG), le "meurtre d'Etat de Leo Echegaray a supprimé toute once de décence dans notre société".

La peine de mort avait été abolie aux Philippines en 1987 à la fin de la dictature imposée pendant près de 20 ans par Ferdinand Marcos. Elle avait été restaurée en 1994 mais n'avait jamais été appliquée depuis.

Amnesty International souligne dans un communiqué diffusé après l'exécution de Leo Echegaray que celle-ci est une réminiscence "du passé violent (...) des meurtres illégaux, des arrestations arbitraires et des disparitions et des tortures" qui avaient marqué le régime des Marcos.

"Tuer des gens n'apporte aucune solution au taux de criminalité grandissant mais fait au contraire pénétrer plus profondément une culture de violence dans notre société", estime l'organisation humanitaire.
(Par René Flipo)

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