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Etats-Unis: le sort de l'injection létale entre les mains de la Cour suprême

dépêche de presse du 29 avril 2015 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Sept ans à peine après avoir statué, la Cour suprême des Etats-Unis examine mercredi l'injection létale comme méthode d'exécution, dans un débat déterminant sur la peine de mort pour le seul pays occidental qui l'utilise encore.

En avril 2008, dans sa décision "Baze v. Rees", la plus haute juridiction du pays avait jugé l'injection mortelle conforme au 8e Amendement de la Constitution qui proscrit toute "punition cruelle et inhabituelle".

Mais depuis, les cartes ont changé, sa décision est devenue obsolète et la Cour suprême doit remettre de l'ordre dans le paysage disparate de l'injection létale.

Les barbituriques utilisés pour mettre à mort les condamnés ont changé, après le refus des laboratoires pharmaceutiques --principalement européens-- de fournir leurs produits à des fins d'exécution.

Si l'injection létale est la méthode prioritaire dans les 32 Etats américains sur 50 où la peine capitale est en vigueur, chacun se tourne vers de nouveaux produits non homologués et des pharmacies non agréées.

Par peur de représailles judiciaires, les Etats refusent de dévoiler leur source d'approvisionnement et adoptent des protocoles d'exécution aux antipodes de celui que la haute Cour avait approuvé en 2008.

Dans ce climat, "des exécutions ratées sont survenues dans un environnement d'expérimentation et de précipitation des autorités étatiques sans supervision scientifique", a expliqué Dale Baich, avocat de trois condamnés à mort de l'Oklahoma (sud), dont la plainte est ici examinée.

Le 16 janvier 2014, Dennis McGuire est mort au bout de 26 minutes après avoir visiblement suffoqué. Le 29 avril, en Oklahoma, Clayton Lockett a succombé au bout de 43 minutes de râles et gémissements. Le 23 juillet, Joseph Wood en Arizona (sud-ouest) a péri 117 minutes après l'injection, contre une dizaine de minutes habituellement.

Point commun entre ces trois exécutions: le recours au midazolam, un anxiolytique non approuvé comme anesthésiant. A chaque fois, le produit a été utilisé en première injection avec l'intention de rendre le condamné inconscient avant l'administration du produit mortel.

C'est dans ce contexte que la Cour suprême devra dire si le 8e Amendement interdit à un Etat d'exécuter une personne avec un cocktail médicamenteux qui "pourrait lui causer une souffrance sévère", en l'occurrence avec un premier produit sans propriétés analgésiques et sans garantie de produire une "inconscience aussi profonde qu'un coma".

Les trois condamnés pour meurtres Richard Glossip, John Grant et Benjamin Cole, affirment que oui, estimant que le midazolam crée "un risque substantiel" ou "objectivement intolérable de souffrances".

L'Oklahoma répond que non, arguant que le produit rend insensible "à des stimulations extrêmement douloureuses".

Entre temps, un quatrième plaignant, Charles Warner, a été exécuté malgré l'opposition de quatre des neuf juges de la haute Cour. Sur la table d'exécution, il a dit: "Mon corps est en feu", lors de l'injection mortelle.

Stricto sensu, la Cour suprême doit statuer sur l'Oklahoma et éventuellement sur les autres Etats qui utilisent le midazolam ou envisagent de le faire.

Mais la Cour a la possibilité de trancher plus largement sur "la constitutionnalité de l'injection létale", estime Deborah Denno, analyste de la Fordham University School of Law.

Car, dans la confusion, plusieurs Etats ont suspendu toute exécution en attendant la décision de la haute Cour, d'autres comme le Texas (sud) ont recours au pentobarbital, un barbiturique qu'il obtient également de source anonyme.

D'autres encore préfèrent se tourner vers des méthodes alternatives face à la pénurie de produits, et le risque de voir l'injection jugée anticonstitutionnelle: l'Utah (ouest) a choisi le peloton d'exécution, le Tennessee (sud) la chaise électrique, et l'Oklahoma, directement concerné, a opté pour l'inhalation d'azote.

"Que la haute Cour se saisisse d'une méthode d'exécution pour la deuxième fois en sept ans, c'est vraiment extraordinaire", a déclaré l'experte à l'AFP, "de toute évidence, la Cour voit qu'il y a des problèmes, et cela ne semble pas bon pour la peine de mort" en général.
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