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Mauritanie: la Cour suprême reporte sa décision sur l'auteur d'un blog jugé blasphématoire

dépêche de presse du 20 décembre 2016 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Mauritanie
Cheikh Ould Mohamed M'Kheitir
Nouakchott - La Cour suprême mauritanienne a reporté sine die sa décision attendue mardi sur la condamnation à mort pour blasphème de l'auteur d'un billet de blog, a appris l'AFP de sources judiciaires.

Des milliers de personnes rassemblées à proximité sur une grande place de Nouakchott, la capitale, pour réclamer la confirmation de la sentence et l'exécution de la peine ont quitté les lieux sans incident en début d'après-midi après l'annonce de ce report, a constaté un correspondant de l'AFP.

La Chambre pénale de la Cour suprême a prorogé le délibéré en raison du récent remplacement d'un de ses assesseurs, a affirmé à l'AFP une source judiciaire.

Selon Me Fatimata Mbaye, une avocate du prévenu, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir - également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed -, le président de la Chambre a donné sa décision (de report) au cours d'une audience publique, mais conformément à la loi, aucune date n'a été fixée pour l'énoncé du jugement.

La Cour peut donner son verdict n'importe quand, pourvu que le nouvel assesseur ait pris suffisamment connaissance de son dossier et que les juges soient au même niveau d'informations pour pouvoir trancher, a-t-elle expliqué.

Des échauffourées ont éclaté dans la matinée entre manifestants qui souhaitaient se rassembler devant la Cour suprême, à l'appel du Forum des oulémas et imams pour la défense du prophète de l'islam, et policiers, avec notamment des jets de grenades lacrymogènes. Le calme est ensuite revenu, la police les ayant autorisés à se réunir sur une place dans les environs.

Une manifestation similaire s'était déroulée lors de l'examen du dossier par la Cour suprême, qui avait renvoyé sa décision au 20 décembre.

Les parents de l'accusé, détenu à Nouadhibou (nord-est) depuis le 2 janvier 2014, se sentant menacés par les extrémistes, ont quitté le pays la semaine dernière pour le Sénégal avec l'intention de rejoindre ensuite la France, a-t-on appris de sources familiale et de sécurité.

Son père, fonctionnaire dans l'administration mauritanienne, qui a été préfet, notamment de Nouadhibou au moment de l'arrestation de son fils, a vendu ses biens dans le pays dans l'intention de ne plus y revenir tant qu'il se sentira menacé, a-t-on indiqué dans son entourage.

Un congrès de religieux musulmans d'une dizaine de pays africains à Nouakchott s'est achevé le 12 décembre par un appel à appliquer les peines les plus sévères prévues par la charia, la loi islamique, contre tous ceux qui porteraient atteinte à la personne du prophète.

Les avocats de Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, poursuivi pour un article sur internet considéré comme blasphématoire envers le prophète de l'islam, avaient demandé en novembre à la Cour suprême que sa repentance soit prise en compte.

En première instance, il a été reconnu coupable d'apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014 par la Cour criminelle de Nouadhibou, verdict salué à l'époque par l'opinion mauritanienne.

Le 21 avril 2016, la Cour d'appel de Nouadhibou avait confirmé la peine de mort mais en requalifiant les faits en mécréance, une accusation moins lourde prenant en compte son repentir, puis renvoyé son dossier devant la Cour suprême.

Selon des experts, la haute juridiction peut confirmer la peine de mort, ou accepter le repentir de l'accusé puis le renvoyer devant une autre cour avec des recommandations, ou encore annuler la procédure, ouvrant la voie à une possible libération.

La peine capitale n'a plus été appliquée en Mauritanie depuis 1987. Cette affaire est le premier cas de condamnation à mort pour apostasie dans le pays.
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