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Mauritanie: Condamnation à perpétuité, mais pas de peine capitale pour les putschistes

dépêche de presse du 4 février 2005 - IRIN - Réseaux d'Information Régionaux Intégrés
Pays :
peine de mort / Mauritanie
OUAD NAGA - Après deux mois de procès, les quatre officiers accusés d'avoir fomenté une série de coups d'état contre le président mauritanien Maaouya Ould Taya ont échappé à la peine capitale, mais ont été condamnés à perpétuité jeudi matin.

La cour a cependant relaxé les trois principaux responsables politiques de l'opposition accusés d'avoir financé les tentatives de coup d'état, dont Mohamed Kouna Ould Haidallah, ancien président et principal adversaire de Ould Taya lors des dernières élections présidentielles de 2003.

Le procès des 195 accusés traduits devant une cour spéciale a été organisé dans une caserne de police située en plein désert, à 50 km à l'est de la capitale, Nouakchott.

La plupart des prévenus étaient accusés d'avoir participé en bande à la mutinerie sanglante de juin 2003 qui a été réprimée par des forces fidèles au président Ould Taya. Les autres prévenus étaient accusés d'être les instigateurs des deux tentatives de coup d'état avortées d'août et septembre 2004 dirigées contre le président.

L'ex-commandant Saleh Ould Hanenna, qui a revendiqué la responsabilité de ces coups d'état, a été condamné à perpétuité, tout comme l'ex-capitaine Abderahmane Ould Mini.

Au cours du procès, Saleh Ould Hanenna et Abderahmane Ould Mini ont été les seuls à plaider coupables pour les faits qui leur sont reprochés.

Dans son réquisitoire du mois dernier, le procureur de la république avait requis la peine capitale à l'encontre des deux officiers et de quinze autres suspects, tous présumés membres du groupe clandestin «des Chevaliers du changement» dont l'objectif était de renverser Ould Taya.

Ancien colonel de l'armée, Ould Taya est arrivé au pouvoir à la faveur du coup d'état de 1984. Depuis, il dirige d'une main de fer un vaste pays désertique qui attend de tirer profit des revenus du pétrole.

Dans leur déposition devant la cour, Ould Hanenna et Ould Mini ont déclaré que leur action visait à mettre fin à la corruption, au tribalisme, aux salaires minables et à la mauvaise gestion de l'armée, ainsi qu'à la discrimination dont est victime la communauté noire.

Le gouvernement de la Mauritanie, un pays à cheval sur l'Afrique noire et le Maghreb, est dominé par les Maures blancs, entretient des liens culturels et historiques très étroits avec le Maroc.

Pendant toute la durée du procès, les avocats de la défense ont contesté la légalité de la cour présidée par deux juges militaires et ont fait remarquer que les prétendus aveux de leurs clients ont été obtenus sous la torture.

La dernière condamnation à mort prononcée par une cour de justice mauritanienne remonte à 1987. Dans leur plaidoirie, les avocats maliens, sénégalais et français assurant la défense des prévenus ont demandé au président du tribunal de faire preuve de clémence, arguant qu'une condamnation à la peine capitale menacerait la stabilité politique et sociale du pays.

En établissant des relations diplomatiques avec Israël et en s'attaquant au groupe de fondamentalistes islamiques, le président Ould Taya avait déclenché une vive polémique au sein de la population majoritairement musulmane, dans ce pays de 2,8 millions d'habitants.

Cependant, les opposants au régime d'Ould Taya dénoncent le recours à la terreur comme moyen de pression pour faire taire leurs revendications et exigent une démocratisation de la Mauritanie.

Cinq années de prison avaient été requis à l'encontre du leader de l'opposition Ould Haidallah, de Cheikh Ould Horma, le chef du mouvement intégriste accusé de vouloir créer un mouvement d'opposition pro-islamique, et de Ahmed Ould Daddah, un autre candidat malheureux aux élections présidentielles et demi-frère du premier président de la Mauritanie indépendante.

Toutes ces personnalités ont été acquittées jeudi dernier par la cour.

Ces chefs de l'opposition font partie des quelque 140 accusés qui ont été relaxés par la cour pour avoir bénéficié d'un acquittement ou pour avoir écopé de peines de prison déjà couvertes par leur temps de détention préventive.

Certains accusés ont été condamnés à des peines allant de 3 à 15 ans de travaux forcés et d'autres, comme Mustapha Ould Limam Chavi, un ancien conseiller du président Blaise Compaoré du Burkina Faso, ont été condamnés par contumace.

Ould Taya a accusé le Burkina Faso et la Libye d'avoir aidé et financé la rébellion, des accusations aussitôt rejetées par les deux pays.

La Mauritanie entretient d'étroites relations avec la France, mais ses liens avec les Etats-Unis se sont renforcés au cours des dernières années. Elle est aussi un des trois pays arabes à maintenir des relations diplomatiques avec Israël.

La découverte de gisements de pétrole offshore a entraîné un afflux massif et soudain de capitaux dans l'économie de ce pays désertique, mais la majorité de la population se plaint cependant que l'or noir n'a fait qu'accroître l'inflation sans améliorer leur revenu.
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