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Son QI s'est développé en prison: il risque la mort

dépêche de presse du 11 février 2005 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Son cas avait convaincu la Cour suprême des Etats-Unis d'interdire l'exécution des attardés mentaux. Trois ans après, son QI ayant curieusement augmenté en prison, Daryl Atkins va être jugé cet été pour déterminer s'il peut encore échapper à la mort.

"Ca peut paraître invraisemblable", note Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine de mort, mais il s'agit d'un réel casse-tête judiciaire.

Daryl Atkins, aujourd'hui âgé de 27 ans, a été condamné à mort pour un meurtre en Virginie en 1996. Ses capacités intellectuelles avaient été testées en 1998: son QI s'établissait alors à 59, soit moins que le minimum requis de 70 pour établir des capacités mentales "normales".

La Cour suprême, saisie de son cas, avait décidé en 2002 qu'il était inconstitutionnel d'exécuter un attardé mental, sur la base du 8ème amendement interdisant tout châtiment "cruel et inhabituel". Mais elle n'avait pas eu à se prononcer sur les capacités de l'accusé.

L'affaire se corse quand M. Atkins subit l'an dernier un nouveau test de QI: il atteint un score de 74. Et l'accusation a affirmé la semaine dernière, lors d'une audience préliminaire au tribunal de Yorktown, qu'un test récent montrait un QI de 76, selon la presse locale.

La Cour suprême n'avait pas prévu que le QI d'un accusé puisse ainsi se modifier, explique M. Dieter. "Ils sont partis du principe que le retard mental est une condition permanente. Ils n'avaient donc aucune raison de préciser qu'une personne attardée mentale +au moment des faits+ ne peut être exécutée".

Du coup, la décision de la plus haute cour américaine ne protège plus M. Atkins si son procès, qui doit s'ouvrir le 25 juillet pour une dizaine de jours, devait décider qu'il n'est plus un attardé mental.

Daryl Atkins sera ainsi l'un des premiers prisonniers des "couloirs de la mort" à devoir passer devant un jury pour déterminer ses capacités mentales, note M. Dieter, évoquant d'autres cas en Géorgie (sud-est) ou en Californie (ouest). Généralement, quand le retard mental n'est contesté par aucune des parties, la sentence de mort est simplement commuée en prison à vie.

Suite à la décision de la Cour suprême, chaque Etat était appelé à retenir sa propre définition du retard mental. "La Virginie a adopté, comme beaucoup d'autres, la définition de l'Association américaine des psychologues", explique à l'AFP Joseph Migliozzi, l'un des avocats de M. Atkins.

Ainsi, pour déterminer les capacités intellectuelles de son client, le tribunal de Yorktown devra s'interroger sur trois critères: le QI dont la barre a été fixée à 70, mais aussi des déficits significatifs en termes d'adaptation (difficultés à s'intégrer au groupe, échec scolaire, léthargie) ainsi que le fait que ces symptômes doivent s'être manifestés avant l'âge de 18 ans.

"La procédure est unique et difficile", commente l'avocat, "dans la mesure où tout repose sur la défense. C'est à nous de prouver que notre client est un attardé mental".

Experts et psychologues devraient défiler à la barre pour tenter d'expliquer l'inexplicable, à savoir comment M. Atkins a pu développer son QI ou si l'évolution de ses scores est réellement significative.

"En raison de sa fréquentation constante des nombreux avocats ayant travaillé sur son dossier, M. Atkins a reçu davantage de stimulation intellectuelle en prison" que précédemment, explique dans un rapport le psychologue Evan Nelson, notamment en pratiquant la lecture et l'écriture, en tentant d'intégrer des notions de droit et en discutant avec des professionnels.

En tentant de sauver sa vie, il pourrait ainsi s'être rapproché de sa mort.
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