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Mali: l'ex-dictateur Moussa Traoré gracié

dépêche de presse du 30 mai 2002 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Mali
Thèmes :
Moussa Traoré
BAMAKO (AFP) - Au nom de la réconciliation nationale et alors que son "tombeur" Amadou Toumani Touré ("ATT") va arriver au pouvoir, l'ancien dictateur malien Moussa Traoré a été gracié mercredi par le président Alpha Oumar Konaré, après plus de dix ans de détention.


"On n'oublie pas les années de plomb", mais "il faut pardonner", "onze ans de prison, ça suffit", étaient jeudi les principales réactions de Maliens interrogés à Bamako par l'AFP.

Officiellement, l'ancien chef d'Etat, 65 ans, et son épouse Mariam, ont été libérés par souci de cohésion nationale et à titre humanitaire.

Porté au pouvoir en novembre 1968 par un coup d'Etat qui avait renversé le régime de Modibo Keita, le général Moussa Traoré a régné sans partage sur le Mali pendant plus de 22 ans. Le 26 mars 1991, après un soulèvement populaire réprimé dans le sang et parachevé par un coup d'Etat, lui et son épouse étaient arrêtés.

En 1992, l'ancien autocrate était condamné à mort pour crimes "politiques", puis de nouveau condamné à la peine capitale en 1999 pour crimes "économiques". Son épouse Mariam était également condamnée à mort pour crimes économiques.

Entre-temps, un des putschistes de 1991, Amadou Toumani Touré ("ATT"), était porté à la tête de l'Etat et organisait la transition vers la démocratie.

En 1992, Alpha Oumar Konaré qui, hostile à la peine de mort, devait ensuite commuer la peine des époux Traoré en prison à perpétuité, était élu président. Dix ans après, conformément à la Constitution, M. Konaré ne s'est pas représenté cette année à la présidentielle d'avril-mai, remportée par "ATT" qui lui succèdera officiellement le 8 juin.

"Après une phase d'évaluation de quatre ans, M. Konaré a vu que les clignotants étaient au vert. Le processus démocratique a pris corps, le verdict des élections présidentielles a été accepté par tous, le pays est apaisé et le reste est arrivé tout seul", a commenté jeudi un des conseillers de M. Konaré.

Selon des informations non officielles, le président Konaré aurait aussi consulté certains membres de l'Association des victimes de la répression, qui n'étaient pas contre la libération de l'ancien dictateur mais insistaient sur "un devoir de mémoire" à l'endroit des victimes.

Il y a deux ans, M. Konaré avait gracié des proches de l'ancien chef d'Etat, dont Sékou Ly, un ancien ministre, et "Ramos", frère de Mariam.

Avant le procès engagé en 1999 pour "crimes économiques", la vox populi disait que Traoré avait "détourné des milliards de dollars". Par la suite, il a plutôt été question de quelques centaines de millions de F.CFA.

Les conditions de détention du couple ont elles aussi évolué, à chaque étape de la réflexion de Konaré en vue de leur élargissement.

Séparés l'un de l'autre, ils avaient été réunis en 1999, à la veille de leur procès pour "crimes économiques". Leur première résidence commune de Markala (270 km au nord de Bamako) était délabrée, la dernière en date avait téléphone, radio, télévision.

Moussa Traoré, devenu très religieux, a également changé, parlant ces derniers temps de "pardon" et de réconciliation. Au plan politique, un parti d'opposition se réclamant de Moussa Traoré, le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR, opposition), est maintenant devenu incontournable.

Interrogé après l'annonce de sa libération, Moussa Traoré a dit qu'il ne savait pas s'il allait "refaire de la politique" et que sa première tâche serait d'aller s'incliner sur les tombes de ses parents.

Selon des sources bien informées, M. Konaré a informé son successeur "ATT" de son intention de gracier les époux Traoré. "Président, c'est une bonne chose", aurait-il répondu.
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