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Saddam Hussein : la question de la peine de mort divise les Occidentaux

dépêche de presse du 5 novembre 2006 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Irak
PARIS - La condamnation à mort de l'ancien président irakien Saddam Hussein a suscité dimanche des réactions contrastées: plusieurs pays, dont les Etats-Unis, l'ont approuvée sans réserves, mais la plupart des pays européens ont réitéré leur opposition de principe à la peine capitale.

Parmi les pays dont les gouvernements ont exprimé une satisfaction sans réserves après la sentence du tribunal spécial irakien figurent la Grande-Bretagne et l'Iran, qui avait affronté au cours d'une longue guerre (1980-1988) le régime de Saddam Hussein.

Pour le président américain George W. Bush, "ce procès est un jalon dans les efforts du peuple irakien pour remplacer la loi d'un tyran par l'Etat de droit". "C'est une réussite majeure pour la jeune démocratie irakienne et son gouvernement constitutionnel", a déclaré M. Bush à Waco (Texas).

"Vous disposez à présent de la preuve absolue que vous avez en Irak une justice indépendante", a affirmé à Washington le porte-parole de la Maison Blanche, Tony Snow.

Pour la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, la sentence constitue "un heureux rappel à tous les Irakiens que l'autorité de la loi peut prévaloir sur celle de la peur".

Même satisfaction à Londres. "Je salue le fait que Saddam Hussein et les autres accusés ont été présentés devant la justice et ont eu à rendre compte de leurs crimes", a déclaré le secrétaire au Foreign Office, Margaret Beckett, rappelant que "des crimes épouvantables ont été commis pendant le régime de Saddam Hussein".

A l'exception de la Grande-Bretagne, les pays d'Europe occidentale, tout en approuvant le fait que l'ancien dictateur doive rendre compte de ses crimes, ont exprimé avec divers degrés d'intensité leur rejet de principe de la peine de mort.

La présidence finlandaise de l'Union européenne a clairement appelé l'Irak à ne pas exécuter la sentence. "L'UE est opposée à la peine capitale dans tous les cas et dans toutes les circonstances et appelle à ne pas l'appliquer dans le cas présent", déclare un communiqué publié à Helskinki.

"L'établissement de la vérité et de la responsabilité pour les crimes commis pendant le régime passé contribuera à la réconciliation nationale et au dialogue en Irak à l'avenir", estime par ailleurs la présidence de l'UE, en soulignant que "tous les procès doivent être conduits de manière équitable".

De la même manière, la chancelière allemande Angela Merkel s'est félicitée que les crimes de Saddam Hussein aient été "jugés par un tribunal", mais a rappelé l'existence dans l'UE d'"un refus de principe de la peine de mort".

La France a déclaré "prendre acte de la sentence" en rappelant sa position contre la peine de mort. Elle a "espéré" que la sentence n'entraînerait "pas de nouvelles tensions" en Irak.

Le chef du gouvernement italien Romano Prodi a estimé que le verdict reflétait "le jugement de toute la communauté internationale" sur Saddam Hussein, tout en appelant à "une réflexion sur la peine de mort".

"Comme tout autre dirigeant politique, Saddam Hussein doit répondre de ses actes", a déclaré le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, avant de rappeler l'opposition de l'UE à la peine de mort.

Les réactions ont été similaires en Irlande, en Suède et au Danemark. Le ministre danois des Affaires étrangères, Per Stig Moeller, a par ailleurs exprimé des réserves envers le tribunal irakien. "Du côté danois, nous n'apportons pas notre soutien à ce tribunal spécial", a-t-il dit.

Le ministère suisse des affaires étrangères (DFAE) a déclaré que la peine de mort n'était "pas justifiable, même pour les crimes les plus graves".

Au Vatican, le cardinal Renato Raffaele Martino, président du Conseil pontifical Justice et Paix, a déploré la condamnation à mort de Saddam Hussein, un verdict qui signifie selon lui que l'Irak en est "encore au stade du 'oeil pour oeil, dent pour dent'".

En Russie, le ministère des Affaires étrangères a implicitement relevé une implication des Etats-Unis dans la sentence de Bagdad. "Le procès d'un citoyen d'un pays, quel que soit le poste qu'il a occupé, est une affaire intérieure de ce pays et doit se dérouler et s'achever sans suggestion de l'étranger", a déclaré le porte-parole du ministère, Mikhaïl Kamynine.

En Turquie, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül a estimé que le verdict devait "réjouir le peuple irakien, qui a connu beaucoup de malheurs".

L'Iran, qui avait estimé avant l'annonce du verdict que la mort était "la peine minimale" pour Saddam Hussein, a applaudi la décision. "La République islamique accueille favorablement la sentence", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mohammad Ali Hosseini.

Il a souligné qu'il ne fallait "pas oublier que les protecteurs occidentaux de Saddam, en le soutenant, avaient préparé le terrain" pour ses crimes.

Au Koweït, occupé par l'armée irakienne il y a 16 ans, il n'y a pas eu de réaction officielle. Mais l'annonce du verdict a été accueillie dans les rues par des applaudissements, des youyous et des pleurs de joie.

Un membre du Conseil consultatif saoudien, Mohammad al-Zalfa, s'est félicité du jugement, estimant qu'il s'agissait de "la moindre des choses" pour les Irakiens ayant perdu des membres de leur famille.

Pour les Frères musulmans égyptiens, les "innombrables crimes commis" par Saddam Hussein sont moindres que les "crimes commis par les occupants" occidentaux en Irak.

Le mouvement islamiste palestinien Hamas a exprimé son soutien à Saddam Hussein. "Nous, en tant que peuple palestinien, soutenons quiconque soutient notre peuple, et le président Saddam Hussein était de ceux-là", a déclaré Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas.

Israël, pour ne pas ajouter aux tensions, et la Chine, par refus d'"ingérence dans une affaire intérieure irakienne", se sont refusés à tout commentaire.

Le Haut commissaire de l'ONU chargé des droits de l'homme, Louise Arbour, a appelé Bagdad à observer un moratoire sur l'exécution pour permettre à toutes les procédures d'appel d'avoir lieu.

Amnesty International a estimé que le procès avait été "une affaire glauque, marquée par de graves failles qui remettent en question la capacité du tribunal, tel qu'il est établi actuellement, à administrer une justice juste, en conformité avec les normes internationales".

Human Rights Watch (HRW) a estimé que le procès était "une occasion ratée de donner un sens à la règle de droit", ayant échoué à établir les faits avec des preuves indiscutables.

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