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Le dissident iranien Aghajari continue à défier la justice en appel

dépêche de presse du 17 mai 2003 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Iran
TEHERAN (AFP) - Le dissident Hachem Aghajari a continué à défier la justice iranienne samedi en refusant de se défendre devant le même juge de Hamédan (ouest) qui l'avait condamné à mort pour blasphème six mois plus tôt tant que son procès en appel ne serait pas public.
"Tant que ce tribunal n'est pas ouvert à des journalistes, à des experts ni à des professeurs d'université, je refuse de participer à quelque audience que ce soit et de me défendre", a déclaré Hachem Aghajari, cité au téléphone par son défenseur, Me Saleh Nikbakht.
Hachem Aghajari a quand même accepté de venir samedi de la prison au tribunal pour dire lui-même ses conditions au juge, "parce qu'il voyait là une marque de respect pour la loi et l'ordre", a rapporté Me Nikbakht.

"Comme tout ce qui touche à mon dossier et à ce tribunal a été publié, il n'y a aucune raison que ce procès se tienne à huis clos sous prétexte de ne pas blesser les sentiments religieux des gens", a-t-il dit au juge Morteza Ramezani.

Personnalité réformatrice et professeur d'université, combattant de la première heure de la Révolution islamique mais aussi de la guerre Iran-Irak, M. Aghajari a été condamné à huis clos le 6 novembre 2002 à la peine capitale par le tribunal de Hamédan pour avoir plaidé publiquement pour un "protestantisme de l'islam" et affirmé que les musulmans n'avaient pas à "suivre aveuglément (...) un chef religieux".

Ce verdict avait soulevé une vague de protestations chez les étudiants, les réformateurs et jusque chez les conservateurs, dont la justice est pourtant l'un des bastions, et il avait catalysé la tension déjà très vive entre réformateurs et conservateurs.

Les étudiants s'étaient rassemblés plusieurs jours d'affilée dans les universités et la protestation avait pris des accents de plus en plus politiques.

Le Guide suprême Ali Khamenei avait lui-même ordonné le 17 novembre 2002 la révision du verdict pour désamorcer la crise. Le jugement avait été cassé en février par la Cour suprême iranienne pour vices de forme dans l'enquête. La loi iranienne stipule que, dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant le même tribunal.

Selon son avocat, M. Aghajari maintient ce qu'il a dit dans le discours qu'il avait tenu le 19 juin à Hamédan et qui lui a valu d'être condamné à mort. "J'étais parfaitement conscient de ce que je disais et je ne le regrette pas. Si certains de mes propos ont heurté les vrais croyants, je leur en demande pardon".

Le juge Ramezani avait défendu son propre jugement à la télévision en novembre. En sa qualité de "vétéran, de blessé de guerre et de révolutionnaire", M. Aghajari aurait dû s'abstenir de "blesser les sentiments religieux du peuple, des dignitaires religieux et des responsables du pays", avait-il déclaré. Le juge Ramezani avait imputé à M. Aghajari des déclarations que l'avocat de l'intellectuel avait réfutées et selon lesquelles les enseignements religieux "appartenaient au passé".

La justice iranienne, qui, malgré les consignes du Guide, avait laissé à l'avocat du condamné le soin d'interjeter appel, avait demandé comment on pouvait "défendre quelqu'un qui se dit musulman mais remet en cause les principes de la religion (...) et qualifie de singes ceux qui imitent les dignitaires religieux". Selon elle, M. Aghajari était allé plus loin que Karl Marx en affirmant que "la religion n'est pas seulement l'opium des peuples mais aussi l'opium du pouvoir".

Saleh Nikbakht a dit qu'il ferait appel si son client était à nouveau condamné à mort ou à plus de dix ans de réclusion.

Le procès en appel de M. Aghajari s'est ouvert dans une nouvelle période de crispation intérieure. La justice révolutionnaire a infligé le 10 mai jusqu'à 11 ans de prison à 15 membres de l'opposition libérale.
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