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Les Britanniques de Guantanamo ne risqueront pas la peine de mort

dépêche de presse du 23 juillet 2003 - Agence mondiale d'information - AFP
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John Allen Muhammad
LONDRES (AFP) - Les Etats-Unis ont consenti à ne pas demander la peine de mort pour deux Britanniques détenus sur la base de Guantanamo, une concession dénoncée par les militants des droits de l'Homme à Londres comme une "feuille de vigne pour cacher une situation révoltante".
Londres semble avoir obtenu des concessions de Washington sur le sort de Feroz Abbasi et Moazzam Begg, deux ressortissants britanniques soupçonnés d'appartenir au réseau Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden et détenus depuis dix-huit mois sur cette base américaine située sur l'île de Cuba.


Au Royaume-Uni, "nous sommes opposés à la peine de mort en toutes circonstances, mais cela ne fait pas partie de la culture des Etats-Unis", a observé le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw, saluant cette concession de Washington.

"Un certain nombre d'autres engagements ont été donnés (par les Etats-Unis) concernant leur droit à un procès équitable", a-t-il dit.

Les deux suspects auront droit lors de leur procès à un avocat civil américain qu'ils choisiront, a annoncé mardi le conseiller juridique du gouvernement britannique, Peter Goldsmith, après deux jours de pourparlers à Washington.

"Un juriste britannique pourra conseiller l'équipe de la défense", a-t-il précisé.

Londres va maintenant poursuivre les discussions avec Washington pour obtenir que Feroz Abbasi et Moazzam Begg, s'ils sont reconnus coupables par un tribunal militaire américain, puissent purger leur peine au Royaume-Uni.

"Il est tout à fait habituel pour des prisonniers reconnus coupables par le tribunal d'un pays de purger leur peine dans leur pays d'origine", a observé Jack Straw.

Parmi les quelque 680 présumés talibans ou membres d'Al-Qaïda détenus à Guantanamo, sans accès à un avocat, figurent neuf Britanniques.

Les Etats-Unis avaient annoncé début juillet leur intention de faire comparaître devant des tribunaux militaires d'exception six de ces prisonniers, dont deux Britanniques et un Australien.

Le Premier ministre Tony Blair, qui pouvait espérer un geste de Washington en retour de son soutien indéfectible pendant la guerre en Irak, avait abordé la question du sort des deux Britanniques avec George W. Bush à Washington la semaine dernière.

Londres voulait initialement négocier le rapatriement des suspects britanniques pour qu'ils soient jugés en Grande-Bretagne, comme le réclament les parlementaires britanniques et les défenseurs des droits de l'Homme.

Mais Londres ne peut garantir à Washington que les charges portées contre eux par les Américains seront retenues par les juges britanniques, en raison notamment des conditions de détention à Guantanamo, régulièrement dénoncées par des ONG comme Amnesty International.

Dimanche, M. Blair s'est dit prêt à laisser un tribunal militaire américain juger les suspects britanniques, sous réserve qu'il ne soit pas en contradiction avec les normes juridiques britanniques.

Les concessions obtenues à Washington ne sont qu'une "feuille de vigne pour cacher une situation révoltante", a réagi mercredi Stephen Jakobi, responsable de Fair Trials Abroad, une ONG qui assiste les citoyens de l'Union européenne soumis à des procès dans un pays étranger.

"Tout dépend de la forme de procès", a-t-il estimé, jugeant que des concessions comme la présence d'un avocat "n'avaient aucun sens si le procès était foncièrement inéquitable".

"Il est étonnant que des ressortissants britanniques puissent être soumis à des procès militaires qui vont examiner des preuves secrètes, sans les discuter, en interdisant de faire appel", a souligné Amnesty.

"Le procès aura lieu devant les militaires américains, qui ne sont pas indépendants du gouvernement américain. Tout cela est parfaitement scandaleux", a commenté Louise Christian, l'avocate de la famille Abbasi.
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