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L'Union européenne exhorte le Nigeria à abolir la peine capitale

dépêche de presse du 8 août 2003 - Inter Press Service (IPS)
Pays :
peine de mort / Nigéria
Thème :
LAGOS, 8 août (IPS) - L'Union européenne (UE) exhorte actuellement le Nigeria à abolir la peine capitale et à rechercher des moyens humains de s'attaquer au vol à main armée, aux coups de force militaires et au meurtre.

Mais la crainte des Nigérians est que si la peine capitale était abrogée, comme le préconise le parlement européen, des personnes vulnérables, qui sont souvent la cible des bandits armés, passeraient des nuits blanches.
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'J'aimerais que les lois soient maintenues. Sans cela, davantage de gens prendraient part à des activités criminelles. En fait, la peine de mort a effrayé des gens qui auraient pu devenir des bandits armés'', affirme Williams Okechukwu, un homme d'affaire à Lagos.

Marco Cappato, un membre du parlement européen, a visité la capitale Abuja, la semaine dernière, pour solliciter le soutien du Nigeria pour l'interdiction de la peine de mort dans le monde entier.

Le président Olusegun Obasanjo lui a dit que, même s'il soutenait l'interdiction, le débat était nécessaire sur la question. ''Personnellement, je n'aurai rien à faire avec la peine de mort. J'ai été victime d'injustice et j'aurais pu être tué'', a-t-il dit, se référant à sa détention par feu Sani Abacha, chef d'Etat militaire du Nigeria.

Sous Abacha, qui a dirigé le Nigeria entre 1993 et 1998, les gens perçus comme opposants politiques étaient arrêtés, jugés et condamnés à mort, certains à partir d'accusations forgées de toutes pièces.
Obasanjo, qui a été gardé en détention pour avoir soi-disant comploté de renverser Abacha, a été libéré après la mort du dictateur en 1998.

La peine de mort reste un sujet qui soulève les passions au Nigeria. Bolaji Olatoye, un banquier à Lagos, estime que la peine devrait être étendue afin d'inclure des responsables qui se sont enrichis malhonnêtement, pour que la croisade d'Obasanjo contre la corruption porte des fruits.
''En Chine par exemple, la corruption officielle est passible de la peine de mort, mais au Nigeria les corrompus sont relâchés'', dit-il.

Plus de 3000 exécutions - sur plus de 4.000 dans le monde entier - ont eu lieu en Chine l'année dernière, selon le groupe italien, Hands on Cain (Mains sur Caïn).

Des pays africains ont procédé à 63 exécutions, la grande majorité d'entre elles - 40 exécutions - au Soudan, affirme-t-il. Au Nigeria, des statistiques de police montrent que 270 cas d'attaques à main armée se sont déroulés à Lagos seule, entre 2001 et 2002. Durant cette période, 701 bandits armés ont été arrêtés et 544 autres ont été tués par des forces de sécurité pendant des échanges de coups de feu entre eux et les agents chargés de faire appliquer la loi.
Soixante-neuf soldats et 104 civils ont également perdu la vie.
Pendant la même période, la police a retrouvé 7.907 armes et munitions, et 3.106 véhicules sur les 4.451 volés à Lagos.

Depuis janvier, 58 voleurs armés ont été fusillés à Lagos. En revanche, trois agents de police et six civils ont été abattus par des bandits armés.

Dans une atmosphère de haine contre les voleurs armés, quelques voix comme celle du révérend Moses Shodiya continuent de se faire entendre, suggérant de longues peines de prison et le retour à une vie plus sage pour les criminels. ''La Bible dit que vous n'avez pas créé la vie et que vous ne devez jamais ôter la vie d'une autre personne. Les gens qui commettent des crimes violents ne devraient pas être tués, mais emprisonnés pendant longtemps pour leur permettre de se repentir. Si vous les tuez, ils n'auraient rien appris. Nous avons vu certains bandits armés qui ont été pardonnés après avoir passé des années en prison, sortir et devenir des évangélistes et des pasteurs, gagnant des âmes pour Jésus'', affirme Shodiya.
''Tout ce dont nous avons besoin, c'est de réformer nos prisons afin de pouvoir assagir nos prisonniers. La peine de mort n'est pas la réponse aux crimes; mais la bonne gouvernance et la fourniture de l'emploi à la majorité de nos populations sont des solutions'', indique-t-il.

Près de 70 pour cent de la population du Nigeria vit en dessous du seuil de pauvreté avec un dollar par jour, selon des statistiques officielles.

L'ancien chef d'Etat militaire, le général Muhammadu Buhari, qui a dirigé le Nigeria entre 1983 et 1985, a prescrit la peine de mort pour les trafiquants de drogue. ''L'exécution de trois revendeurs de drogues durant cette période a envoyé des barons de la drogue au Nigeria dans la clandestinité. Mais, lorsque cette loi a été abrogée par le président Ibrahim Babangida à son arrivée au pouvoir, plusieurs Nigérians sont rentrés dans ce commerce. Regardez ce que nous avons sur les bras aujourd'hui'', explique Okechukwu.

Comme d'autres, Okechukwu est sélectif dans son choix des lois. ''Le seul domaine où je voudrais que la peine de mort soit supprimée, c'est la mort par lynchage ou l'amputation des membres pour l'adultère ou des offenses mineures comme celles contenues dans le système juridique islamique, la charia'', dit-il.

La charia est pratiquée dans le nord du Nigeria, où la majorité de la population est musulmane.

Une bonne partie de la haine contre les bandits armés a été causée par les criminels eux-mêmes. Carol Adebola, une enseignante à Lagos, a perdu deux proches il y a deux ans, abattus par des bandits armés. ''Le cas du Nigeria est différent de celui d'autres pays où les voleurs menacent seulement et n'abattent guère les gens pour les déposséder de leurs biens'', affirme-t-elle.
''Au Nigeria, même si une victime coopère avec les voleurs, ils l'abattent et prennent ses biens. Ces jeunes garçons et filles ont la gâchette facile et ne se soucient pas de la vie. Les condamner à l'emprisonnement à vie ne découragera pas le crime violent'', soutient Adebola.

Parfois, certains innocents sont également pris dans le système. Des spectateurs innocents, qui se trouvent par hasard sur le lieu de l'attaque à main armée, sont arrêtés par la police et jugés pour vol à main armée. Plusieurs d'entre eux, qui sont trop pauvres pour payer les frais de justice, ont été exécutés par pendaison.

''Les criminels deviennent violents lorsqu'ils savent qu'ils seront tués s'ils sont pris. Je crois que si la peine capitale est abolie, ils seront moins violents'', soutient Adeniyi, un habitant de Lagos.
(Par Toye Olori)
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