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Soering c/ Royaume-Uni

1/1989/161/217
arrêt du 7 juillet 1989 - Cour européenne des droits de l'homme
Table des matières

PROCEDURE

EN FAIT
I. Les circonstances de l'espèce

II. Législation et pratique internes pertinentes du Royaume-Uni
A. Droit pénal
B. Extradition

III. Législation interne pertinente de l'Etat de Virginie
A. Législation concernant l'assassinat B. Procédure de prononcé de la peine
C. Démence, troubles mentaux et responsabilité atténuée
D. Recours pour les condamnés à mort
E. Assistance d'un avocat pour les recours
F. Autorités impliquées dans la procédure de la peine de mort
G. Conditions de réclusion au pénitencier de Mecklenburg
H. La fourniture et l'effet d'assurances en matière de peine capitale
I. Entraide en matière pénale

IV. Législation et pratique pertinentes de la République fédérale d'Allemagne

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT BRITANNIQUE


EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 (art. 3)
A. Applicabilité de l'article 3 (art. 3) en matière d'extradition B. Application de l'article 3 (art. 3) dans les circonstances de la cause
1. Sur le point de savoir si le requérant risque vraiment de se voir condamner à la peine capitale, donc exposer au "syndrome du couloir de la mort" 2. Sur le point de savoir si le risque d'exposer le requérant au "syndrome du couloir de la mort" rendrait l'extradition contraire à l'article 3 (art. 3)
a) Considérations générales
b) Les circonstances de la cause i. Durée de la détention avant l'exécution
ii. Situation dans le "couloir de la mort"
iii. L'âge et l'état mental du requérant
iv. Possibilité d'une extradition vers la République fédérale d'Allemagne
c) Conclusion

II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 6 (art. 6)
A. La procédure pénale américaine B. La procédure d'extradition en Angleterre

III. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 13 (art. 13)

IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 (art. 50)

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE DE MEYER




Arrêt

En l'affaire Soering*,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, statuant en séance plénière par application de l'article 50 de son règlement et composée des juges dont le nom suit:


MM. R. Ryssdal, président,
J. Cremona,
Thór Vilhjálmsson,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
Sir Vincent Evans,
MM. R. Macdonald,
C. Russo, R. Bernhardt,
A. Spielmann,
J. De Meyer,
J.A. Carrillo Salcedo,
N. Valticos,
S.K. Martens,
Mme E. Palm,
M. I. Foighel,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint, Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 avril et 26 juin 1989,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:



PROCEDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour le 25 janvier 1989 par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission"), le 30 janvier 1989 par le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le 3 février 1989 par le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention"). A son origine se trouve une requête (n° 14038/88) dirigée contre le Royaume-Uni et introduite devant la Commission le 8 juillet 1988, en vertu de l'article 25 (art. 25), par un ressortissant allemand, M. Jens Soering.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration britannique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Comme les deux requêtes gouvernementales, elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 3, 6 et 13 (art. 3, art. 6, art. 13) de la Convention.

2. En réponse à l'invitation prescrite à l'article 33 § 3 d) du règlement, le requérant a manifesté le désir de participer à l'instance et a désigné ses conseils (article 30).

3. Constituée le 26 janvier 1989, la chambre compétente comprenait de plein droit Sir Vincent Evans, juge élu de nationalité britannique (article 43 de la Convention) (art. 43) - la République fédérale d'Allemagne n'étant pas encore partie à l'affaire -, et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 3 b) du règlement); celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. J. Cremona, Mme D. Bindschedler-Robert, M. R. Bernhardt, M. N. Valticos et Mme E. Palm, en présence du greffier.

Le même jour, la chambre s'est dessaisie avec effet immédiat au profit de la Cour plénière (article 50 du règlement).

4. Le même jour également, Commission et requérant ayant demandé une mesure provisoire, la Cour a indiqué au gouvernement britannique qu'il serait souhaitable de ne pas extrader l'intéressé vers les Etats-Unis d'Amérique avant l'issue de la procédure pendante devant elle (article 36).

5. Par l'intermédiaire du greffier, le président de la Cour a consulté les agents des deux gouvernements en cause, le délégué de la Commission et le représentant du requérant au sujet de la nécessité d'une procédure écrite (articles 37 § 1 et 50 § 3). Conformément aux ordonnances ainsi rendues, le greffe a reçu:



- le 28 mars 1989, les mémoires du gouvernement britannique et du requérant; - le 31 mars 1989, celui du gouvernement allemand;

- le 17 avril 1989, le contre-mémoire du requérant;

- le 18 avril 1989, des attestations supplémentaires produites par le gouvernement britannique;

- le 20 avril 1989, des éléments de preuve supplémentaires fournis par le requérant.



Le 7 avril 1989, le secrétaire de la Commission avait informé le greffier que le délégué n'entendait pas répondre aux mémoires par écrit.

6. Le 3 février 1989, après avoir recueilli l'opinion des comparants par les soins du greffier, le président a fixé au 24 avril 1989 la date d'ouverture de la procédure orale (article 38).

7. Le 17 février 1989, à la demande du requérant, le président a invité la Commission à communiquer à la Cour l'ensemble des pièces de la procédure écrite et orale suivie devant elle, ce qu'elle a fait le 22.

8. Par une lettre reçue le 28 mars 1989, Amnesty International, Londres, a sollicité l'autorisation de présenter des observations écrites (article 37 § 2 du règlement). Le 30, le président la lui a accordée sous certaines conditions. Lesdites observations sont parvenues au greffe le 13 avril.

9. Les débats ont eu lieu en public le jour dit, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:



- pour le gouvernement du Royaume-Uni M. M. Wood, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, agent,
Sir Patrick Mayhew, Q.C., M.P., Attorney General, M. M. Baker, Barrister-at-Law conseils,
Mlle E. Wilmshurst, Legal Secretariat to the Law Officers, MM. D. Bentley, ministère de l'Intérieur, T. Cobley, ministère de l'Intérieur, conseillers;

- pour le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne

MM. J. Meyer-Ladewig, Ministerialdirigent, ministère fédéral de la Justice, agent,
M. Grotz, Regierungsdirektor, ministère fédéral de la Justice,
Mme S. Werner, Richterin am Amtsgericht, ministère fédéral de la Justice, conseillers;


- pour la Commission

M. E. Busuttil, délégué;

- pour le requérant

MM. Colin Nicholls, Q.C., conseil,
R. Spencer, Solicitor, F. Gardner, Solicitor, conseillers.



La Cour a entendu en leurs déclarations Sir Patrick Mayhew pour le gouvernement britannique, M. Meyer-Ladewig pour le gouvernement allemand, M. Busuttil pour la Commission et M. Nicholls pour le requérant.

10. Gouvernement britannique, gouvernement allemand et requérant ont déposé divers documents le jour des audiences et à différentes dates entre les 26 avril et 15 juin 1989.

EN FAIT


I. Les circonstances de l'espèce

11. M. Jens Soering, né le 1er août 1966, est allemand. Il se trouve actuellement détenu en Angleterre en attendant son extradition vers les Etats-Unis d'Amérique où il devrait répondre d'accusations d'assassinat dans l'Etat de Virginie.

12. Les homicides dont il s'agit eurent lieu dans le comté de Bedford, en Virginie, en mars 1985. Les victimes, William Reginald Haysom (72 ans) et Nancy Astor Haysom (53 ans), étaient les parents de l'amie du requérant, Elizabeth Haysom, de nationalité canadienne. Dans les deux cas, la mort résultait de multiples blessures et coups de couteau massivement portés au cou, à la gorge et sur le tronc. A l'époque, le requérant et Elizabeth Haysom, âgés respectivement de 18 et 20 ans, étaient étudiants à l'Université de Virginie. Ils disparurent ensemble de cet Etat en octobre 1985, mais en avril 1986 la police les arrêta en Angleterre en raison d'escroqueries sur des chèques.

13. Entre le 5 et le 8 juin 1986, un inspecteur du Sheriff's Department du comté de Bedford interrogea M. Soering en Angleterre. Dans une déclaration écrite sous serment du 24 juillet 1986, il indiqua que l'intéressé avait reconnu les meurtres en sa présence et devant deux fonctionnaires de police du Royaume-Uni. Selon ses dires, il était amoureux de Mlle Haysom mais comme les parents de la jeune fille s'opposaient à leur liaison, elle et lui avaient projeté de les tuer; ayant loué une voiture à Charlottesville, ils avaient gagné Washington où ils se forgèrent un alibi; de là, il s'était rendu à la maison des parents et avait discuté avec eux de ses relations avec leur fille; lorsqu'ils l'avertirent qu'ils feraient tout pour les contrecarrer, une dispute éclata et il les tua avec un couteau.

Le 13 juin 1986, un "grand jury" de la cour (Circuit Court) du comté de Bedford mit en accusation le requérant, du chef d'assassinat passible de la peine de mort (capital murder) sur la personne des parents Haysom et d'assassinats non passibles de cette peine (non-capital murders) sur la personne de chacun d'eux.

14. Le 11 août 1986, le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique sollicita l'extradition de M. Soering et de Mlle Haysom en vertu du traité anglo-américain d'extradition de 1972 (paragraphe 30 ci-dessous). Le 12 septembre, un juge de la Magistrates' Court de Bow Street reçut du ministre de l'Intérieur une invitation à décerner un mandat d'arrêt contre le requérant, sur la base de l'article 8 de la loi de 1870 sur l'extradition (paragraphe 32 ci-dessous). L'intéressé fut arrêté le 30 décembre à la prison de Chelmsford après y avoir purgé une peine pour escroquerie sur des chèques.

15. Le 29 octobre 1986, l'ambassade britannique à Washington adressa aux autorités américaines la demande suivante:

"En raison de l'abolition de la peine capitale en Grande-Bretagne, l'Ambassade a été chargée de chercher à obtenir, conformément au traité d'extradition, une assurance que dans le cas où M. Soering serait livré et reconnu coupable des crimes dont il se trouve accusé, la peine capitale, si elle est imposée, ne recevra pas exécution.

Si des motifs constitutionnels empêchaient le gouvernement américain de donner pareille assurance, les autorités britanniques le prient de s'engager à recommander aux autorités compétentes de ne pas prononcer la peine capitale ou, si elle est prononcée, de ne pas l'exécuter."

16. Le 30 décembre 1986, un procureur allemand (Staatsanwalt) de Bonn interrogea M. Soering en prison. Dans une attestation écrite sous serment, il rapporta que ce dernier lui avait affirmé notamment "n'avoir jamais voulu tuer M. et Mme Haysom et (...) pouvoir seulement se rappeler leur avoir infligé des blessures au cou, ce qui devait avoir un lien avec leur mort ultérieure"; les jours précédents, Elizabeth et lui-même n'avaient nullement parlé de les tuer. Le procureur se référait aussi à des documents mis à sa disposition, par exemple les déclarations du requérant à l'inspecteur de police américain, les rapports d'autopsie et deux rapports psychiatriques concernant l'intéressé (paragraphe 21 ci-dessous).

Le 11 février 1987, le tribunal de district de Bonn lança contre M. Soering un mandat d'arrêt relatif aux assassinats qu'on lui reprochait. Le 11 mars, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne réclama au Royaume-Uni l'extradition du requérant en vertu du traité d'extradition de 1872 entre les deux Etats (paragraphe 31 ci-dessous). Le ministre de l'Intérieur reçut alors du directeur des poursuites (Director of Public Prosecutions) l'avis que si la demande démontrait certes la compétence des juridictions allemandes pour juger l'intéressé, les éléments produits, à savoir de simples aveux passés devant le procureur de Bonn sans avertissement préalable (caution), ne constituaient pas un commencement de preuve de culpabilité; partant, la loi de 1870 sur l'extradition (paragraphe 32 ci-dessous) ne permettait pas au juge de placer M. Soering sous écrou extraditionnel en attendant son envoi en Allemagne.

17. Par une lettre du 20 avril 1987 au directeur du bureau des Affaires internationales, division des Affaires criminelles, ministère de la Justice des Etats-Unis, l'Attorney du comté de Bedford (Virginie), M. James W. Updike Jr, précisa que dans l'hypothèse où le requérant ne pourrait être jugé dans son propre pays sur la base de ses seuls aveux, il n'existait aucun moyen d'obliger des témoins à se rendre des Etats-Unis en Allemagne pour y comparaître devant un tribunal répressif. Par une note diplomatique du 23 avril, les Etats-Unis invitèrent le Royaume-Uni à livrer le requérant à eux-mêmes et non à la République fédérale.

18. Le 8 mai 1987, Elizabeth Haysom fut extradée vers les Etats-Unis. Après avoir plaidé coupable, le 22 août, de complicité dans l'assassinat de ses parents, elle s'entendit condamner le 6 octobre à 90 ans de réclusion (45 ans pour chaque assassinat).

19. Le 20 mai 1987, le gouvernement britannique informa la République fédérale que les Etats-Unis avaient, les premiers, "présenté une demande étayée par des commencements de preuve, en vue de l'extradition de M. Soering"; eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, ajoutait-il, il avait conclu que le tribunal devait continuer à examiner ladite demande de la manière habituelle. Il signalait en outre qu'il avait sollicité auprès des autorités américaines des assurances sur la question de la peine de mort et que si le tribunal plaçait le requérant sous écrou extraditionnel, la remise à ces mêmes autorités serait subordonnée à l'obtention d'assurances suffisantes.

20. En sa qualité de procureur du comté de Bedford, M. Updike fit le 1er juin 1987 la déclaration sous serment suivante:

"Je certifie par la présente que si Jens Soering devait être convaincu de l'assassinat aggravé qu'on l'accuse d'avoir commis dans le comté de Bedford, en Virginie (...), une démarche sera menée au nom du Royaume-Uni auprès du juge, au moment de la fixation de la peine, pour lui signaler que le Royaume-Uni souhaite ne voir ni infliger ni exécuter la peine de mort."

Communiquées au gouvernement britannique le 8 juin sous couvert d'une note diplomatique, ces assurances furent réitérées dans les mêmes termes par M. Updike dans une nouvelle déclaration sous serment du 16 février 1988, adressée au Royaume-Uni par une note diplomatique du 17 mai 1988. Dans cette même note, le gouvernement fédéral des Etats-Unis s'engageait à veiller au respect, par les autorités compétentes de l'Etat de Virginie, de leur promesse d'intervenir au nom du Royaume-Uni.

Au cours de la présente procédure, les autorités virginiennes ont avisé le gouvernement britannique que M. Updike ne comptait pas donner d'autres assurances et se proposait de requérir la peine capitale contre M. Soering car, selon lui, les éléments de preuve justifiaient une telle attitude.

21. Le 16 juin 1987, à la Magistrates' Court de Bow Street, une audience relative au placement sous écrou extraditionnel se déroula devant le Chief Stipendiary Magistrate.

Le gouvernement des Etats-Unis fournit des éléments de preuve d'après lesquels, dans la nuit du 30 mars 1985, M. Soering avait tué William et Nancy Astor Haysom chez eux, dans le comté de Bedford en Virginie. Il se fonda en particulier sur les aveux de l'intéressé tels que les relatait l'attestation de l'inspecteur de police du comté de Bedford (paragraphe 13 ci-dessus).

Les conseils du requérant produisirent le rapport d'un consultant de psychiatrie médico-légale, le Dr Henrietta Bullard. Daté du 15 décembre 1986, il indiquait que leur client, immature et inexpérimenté, avait perdu son identité personnelle dans une relation de symbiose avec son amie - jeune femme énergique, persuasive et perturbée. Il concluait:

"Entre Mlle Haysom et Soering, il existait une 'folie à deux'; le partenaire le plus perturbé était Mlle Haysom. (...)

Au moment de l'infraction, Jens Soering souffrait selon moi de troubles mentaux dus à des causes endogènes et qui altéraient fortement sa responsabilité. Le syndrome psychiatrique qualifié de 'folie à deux' est un état mental bien connu où l'un des partenaires est suggestible au point de croire aux hallucinations psychotiques de l'autre. La perturbation dont se trouve atteinte Mlle Haysom frise la psychose et, au fil de nombreux mois, la jeune fille a pu persuader Soering que pour permettre à leur couple de survivre il devrait peut-être tuer ses parents à elle. (...) [Elle] avait sur [lui] un effet stupéfiant et hypnotisant qui l'a plongé dans un état psychologique anormal l'empêchant de penser de manière rationnelle ou discuter les absurdités de la conception qu'[elle] avait de sa vie et de l'influence de ses parents. (...)

En conclusion, je considère qu'au moment des infractions, Soering souffrait d'une anomalie mentale qui, dans ce pays, lui permettrait de plaider non coupable d'assassinat, mais coupable d'homicide."

Les conclusions du Dr Bullard rejoignaient en substance celles d'un rapport psychiatrique antérieur, établi le 11 décembre 1986 par le Dr John R. Hamilton, médecin-chef de l'hôpital de Broadmoor, mais non produit devant la Magistrates' Court.

Le juge estima que l'expertise du Dr Bullard n'entrait en ligne de compte pour aucune des questions à trancher par lui et plaça le requérant sous écrou en attendant l'arrêté ministériel de renvoi aux Etats-Unis.

22. Le 29 juin 1987, M. Soering sollicita de la Divisional Court une ordonnance d'habeas corpus concernant sa détention et l'autorisation de demander un contrôle judiciaire. Le 11 décembre, il essuya un double refus de la Divisional Court (le Lord Justice Lloyd et le juge Macpherson).

A l'appui de ladite demande, il avait soutenu que l'assurance fournie par les autorités américaines avait si peu de valeur que nul ministre raisonnable ne pouvait la trouver satisfaisante au regard de l'article IV du traité anglo-américain d'extradition (paragraphe 36 ci-dessous). Dans son jugement, le Lord Justice convint qu'elle "laiss[ait] à désirer":

"L'article IV du traité envisage une assurance que la peine capitale ne recevra pas exécution. Il doit entendre par là, je présume, une assurance donnée par l'exécutif - en l'occurrence le gouverneur de l'Etat de Virginie - ou en son nom. Or l'attestation sous serment de M. Updike, loin de représenter une [telle] assurance (...), se ramène à un engagement de faire auprès du juge des démarches au nom du Royaume-Uni. Je ne puis croire qu'il s'agisse là de ce que l'on voulait à l'époque de la signature du traité. Toutefois, je comprends qu'il peut fort bien y avoir des difficultés à obtenir davantage au moyen d'une assurance, en raison du caractère fédéral de la Constitution des Etats-Unis."

La demande d'autorisation fut rejetée parce que prématurée. Le Lord Justice Lloyd déclara:

"Le ministre n'a pas encore décidé s'il faut tenir l'assurance pour satisfaisante, ni certainement s'il échet ou non de décerner un mandat pour l'extradition de Soering. D'autres éléments peuvent survenir. Notre Cour ne se laissera jamais placer dans la situation d'avoir à contrôler une décision administrative non arrêtée."

Il se fonda sur un motif supplémentaire:

"En second lieu, même si le ministre avait déjà résolu de considérer l'assurance comme satisfaisante, les éléments dont nous disposons actuellement ne suffisent de loin pas à me convaincre que pareille décision eût été irrationnelle au sens Wednesbury." (paragraphe 35 ci-dessous)

23. Le 30 juin 1988, la Chambre des Lords refusa au requérant l'autorisation de recourir contre la décision de la Divisional Court.

24. Le 14 juillet 1988, M. Soering invita le ministre de l'Intérieur à user de son pouvoir discrétionnaire de ne pas ordonner sa remise aux Etats-Unis, en vertu de l'article 11 de la loi de 1870 sur l'extradition (paragraphe 34 ci-dessous).

Le ministre n'y consentit pas et, le 3 août 1988, signa un arrêté prescrivant de livrer le requérant aux autorités américaines. Cependant, l'intéressé n'a pas été renvoyé aux Etats-Unis, à la suite des mesures provisoires indiquées dans la présente procédure par la Commission puis par la Cour européennes (paragraphes 4 ci-dessus et 77 ci-dessous).

25. Le 5 août 1988, le requérant fut transféré dans un hôpital pénitentiaire où il demeura, jusqu'au début de novembre 1988, sous le régime spécial applicable aux détenus risquant de se suicider.

D'après un rapport psychiatrique du Dr D. Somekh, daté du 16 mars 1989 et produit au nom de M. Soering, la crainte que celui-ci éprouve de subir des violences physiques extrêmes et des sévices homosexuels de la part d'autres détenus du "couloir de la mort" en Virginie a notamment un profond effet psychologique sur lui. Une montée de désespoir se manifesterait chez lui et il existerait des raisons objectives de redouter qu'il n'attente à ses jours.

26. Par une déclaration du 20 mars 1989, adressée à la Cour, le requérant précise que si le gouvernement britannique exigeait son expulsion en République fédérale d'Allemagne, il s'y plierait et n'élèverait aucune objection de fait ou de droit contre la délivrance ou l'exécution d'une ordonnance à cette fin.



II. Législation et pratique internes pertinentes du Royaume-Uni



A. Droit pénal

27. En Angleterre, l'assassinat se définit comme un homicide illicite et prémédité. La peine encourue est la réclusion à perpétuité. Il ne peut s'agir de la peine capitale (Murder (Abolition of the Death Penalty) Act 1965 - loi de 1965 sur l'abolition de la peine de mort pour assassinat, article 1). Selon l'article 2 de la loi de 1957 sur l'homicide (Homicide Act 1957), une personne qui en a tué une autre n'est pas déclarée coupable d'assassinat si elle souffrait, à l'époque, d'une anomalie mentale (due à un développement mental atrophié, à toute autre cause interne ou encore à une maladie ou un accident) telle que sa responsabilité se trouvait largement altérée. Du fait de cet article, elle peut se voir déclarer coupable d'homicide mais non d'assassinat.

28. Les tribunaux anglais n'ont pas compétence pour réprimer les actes commis à l'étranger par des étrangers, sauf dans certains cas sans rapport avec la présente affaire. En conséquence, ni le requérant, de nationalité allemande, ni Elizabeth Haysom, de nationalité canadienne, ne pouvaient ni ne peuvent être jugés au Royaume-Uni.



B. Extradition

29. Le droit général pertinent en matière d'extradition figure dans les lois de 1870-1935 sur l'extradition.

30. Les conditions de l'extradition entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique sont fixées par le traité d'extradition signé par les deux Etats le 8 juin 1972, un traité complémentaire signé le 25 juin 1982 et un échange de notes des 19 et 20 août 1986 portant amendement au traité complémentaire. Elles ont été intégrées au droit du Royaume-Uni par des ordonnances (Orders in Council) (the United States of America (Extradition) Order 1976, S.I. 1976/2144, et the United States of America (Extradition) (Amendment) Order 1986, S.I. 1986/2020).

Aux termes de l'article I du traité d'extradition, "chaque Partie contractante s'engage à extrader vers l'autre, dans les circonstances et sous réserve des conditions énoncées dans le présent traité, toute personne découverte sur son territoire qui est accusée ou reconnue coupable d'une infraction [mentionnée dans le traité et y compris l'assassinat], commise dans la juridiction de l'autre Partie".

31. L'extradition entre le Royaume-Uni et la République fédérale d'Allemagne se trouve régie par le traité du 14 mai 1872 entre le Royaume-Uni et l'Allemagne pour la remise mutuelle des criminels en fuite, renouvelé avec des amendements par un accord signé à Bonn le 23 février 1960 et ultérieurement modifié par un échange de notes des 25 et 27 septembre 1978. Ces accords ont été incorporés dans le droit du Royaume-Uni par des ordonnances (the Federal Republic of Germany (Extradition) Order 1960, S.I., 1960/1375, et the Federal Republic of Germany (Extradition) (Amendment) Order 1978, S.I., 1978/1403).

32. Saisi d'une demande d'extradition, le ministre peut, par ordonnance, inviter un magistrate à délivrer un mandat d'arrêt contre le criminel en fuite (loi de 1870 sur l'extradition, articles 7 et 8).

Au Royaume-Uni, la procédure d'extradition consiste en une audience devant un magistrate. D'après l'article 10 de la loi de 1870 sur l'extradition, si "des preuves sont apportées qui (sous réserve des dispositions de la présente loi) justifieraient, en droit anglais, le renvoi en jugement du détenu au cas où l'infraction dont on l'accuse aurait été commise en Angleterre, (...) le (...) juge ordonne sa détention; dans le cas contraire, il ordonne la mise en liberté". Il doit être convaincu qu'il existe assez de preuves pour renvoyer l'accusé en jugement; avant pareil renvoi, un commencement de preuve doit avoir été fourni. "Il s'agit de savoir si, au vu des seules preuves dont dispose le magistrate, un jury raisonnable, et éclairé par le président de manière satisfaisante, conclurait à la culpabilité" (Schtraks v. Government of Israel, Appeal Cases, 1964, p. 556).

33. L'article 11 de la loi de 1870 sur l'extradition permet de contester par la voie de l'habeas corpus les décisions prises dans pareille procédure. En pratique, la demande est présentée à une Divisional Court et, sur autorisation, à la Chambre des Lords. Les procédures d'habeas corpus tendent surtout à vérifier que le juge était bien compétent pour statuer, qu'il disposait de preuves suffisantes pour justifier la détention, que l'infraction commise est passible d'extradition et ne revêt pas un caractère politique, et qu'il n'existe aucun autre obstacle à l'extradition. L'article 12 de la loi de 1870 prévoit l'élargissement du détenu, s'il n'est pas livré, à l'issue de cette instance ou dans les deux mois qui suivent le placement sous écrou extraditionnel, sauf arguments suffisants en sens contraire.

34. D'après l'article 11 de la loi de 1870, le ministre peut ne pas signer l'arrêté d'extradition (Atkinson v. United States, Appeal Cases, 1971, p. 197). Cette latitude peut prévaloir sur toute décision judiciaire prescrivant de remettre le fugitif à l'Etat requérant, et tout détenu qui a présenté en vain une demande d'habeas corpus peut s'adresser à cet effet au ministre. En étudiant l'opportunité d'ordonner l'extradition du fugitif, le ministre est tenu de prendre en compte tout élément de preuve nouveau non produit devant le magistrate (Schtraks v. Government of Israel, loc. cit.).

35. Le détenu a en outre la faculté de contester, par une procédure de contrôle judiciaire, tant la décision du ministre rejetant sa demande que celle de signer l'arrêté. Le tribunal peut alors rechercher si l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le ministre se trouve entaché d'illégalité, d'irrationalité ou d'irrégularité procédurale (Council of Civil Service Unions and Others v. Minister for the Civil Service, All England Law Reports, 1984, vol. 3, p. 935).

L'irrationalité se détermine sur la base des principes de droit administratif exposés dans l'arrêt Associated Provincial Picture Houses Ltd v. Wednesbury Corporation (King's Bench, 1948, vol. 1, p. 223) et appelés les "principes Wednesbury" de l'attitude raisonnable. En matière d'extradition, le critère serait qu'un ministre raisonnable n'aurait jamais pris un arrêté de remise dans de telles circonstances. Comme le montre le jugement rendu en l'espèce par le Lord Justice Lloyd, de la Divisional Court, (paragraphe 22 ci-dessus), si le ministre s'appuie sur des assurances données par l'Etat requérant, on peut contrôler le caractère raisonnable de l'argument qu'il en tire. Selon le gouvernement britannique, en vertu du même principe un tribunal aurait compétence pour annuler la décision de livrer un fugitif à un pays où existe un risque sérieux et avéré de traitements inhumains ou dégradants, au motif qu'au vu de l'ensemble des circonstances de la cause aucun ministre raisonnable ne pouvait la prendre.

Dans R. v. Home Secretary, ex parte Bugdaycay (All England Law Reports, 1987, vol. 1, p. 940, à la p. 952) - une affaire de refus d'asile portée devant la Chambre des Lords -, Lord Bridge, tout en reconnaissant les limites des principes Wednesbury, a précisé que les tribunaux appliquent ceux-ci très strictement à l'encontre du ministre quand la vie de l'intéressé se trouve menacée:

"A l'intérieur de ces limites, j'estime que le tribunal doit, en fonction de la gravité de l'objet de la décision administrative, pouvoir soumettre cette dernière à l'examen le plus rigoureux pour s'assurer qu'elle n'est en aucune façon viciée. Le droit le plus fondamental de l'homme est le droit à la vie et, lorsqu'une décision administrative est attaquée comme de nature à mettre en danger la vie du requérant, les éléments sur lesquels elle se fonde appellent à coup sûr le contrôle le plus scrupuleux."

Lord Templeman ajoutait (à la page 956):

"Lorsqu'une décision viciée risque de menacer la vie ou la liberté, une responsabilité particulière incombe à mon avis au tribunal dans l'examen du processus décisionnel."

Toutefois, les tribunaux n'annulent pas une décision du ministre du seul fait qu'il a omis de rechercher s'il y avait ou non violation de la Convention européenne des Droits de l'Homme (R v. Secretary of State, ex parte Kirkwood, Weekly Law Reports, 1984, vol. 1, p. 913).

En outre, les tribunaux n'ont pas compétence pour prescrire à la Couronne des mesures provisoires dans une procédure de contrôle judiciaire (Kirkwood, ibid., et R v. Secretary of State for Transport, ex parte Factortame Ltd and Others, The Times, 19 mai 1989).

36. Les lois sur l'extradition ne contiennent aucune disposition sur la peine de mort, mais l'article IV du traité anglo-américain est ainsi libellé:

"Si l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée est passible de la peine de mort selon la législation pertinente de la Partie requérante, alors que la législation pertinente de la Partie requise ne prévoit pas cette peine dans les mêmes circonstances, l'extradition peut être refusée sauf si la Partie requérante donne à la Partie requise des assurances suffisantes que la peine capitale ne sera pas exécutée."

37. Dans le cas d'un fugitif réclamé par les Etats-Unis et passible de la peine capitale, le ministre a pour pratique, en vertu dudit article IV, d'accepter du parquet de l'Etat concerné l'assurance qu'une intervention sera faite auprès du juge, au moment du prononcé de la peine, pour exprimer le voeu du Royaume-Uni que la peine capitale ne soit ni infligée ni exécutée. M. David Mellor, alors secrétaire d'Etat à l'Intérieur, décrivait ainsi cet usage:

"Les assurances écrites concernant la peine capitale, que le ministre obtient des autorités fédérales, équivalent à l'engagement que les vues du Royaume-Uni seront exposées au juge. Au moment du prononcé de la peine, le juge sera informé que le Royaume-Uni ne souhaite pas que la peine capitale soit infligée ou exécutée. Autrement dit, les autorités britanniques livrent un fugitif, ou consentent à envoyer une personne devant un tribunal américain, s'il est clairement entendu que la peine capitale ne sera pas exécutée; elle ne l'a jamais été en pareil cas. L'exécution d'un individu renvoyé de la sorte porterait gravement atteinte aux accords d'extradition entre nos deux pays." (Hansard, 10 mars 1987, col. 955)

Il n'y a cependant jamais eu de cas où l'efficacité d'une telle assurance ait été vérifiée.

38. Des demandes concurrentes d'extradition pour la même infraction et provenant de deux Etats différents ne sont pas courantes. Si elles arrivent en même temps, le ministre décide à laquelle il faut donner suite, compte tenu de tous les faits de la cause, notamment la nationalité du fugitif et le lieu d'accomplissement de l'infraction.

A cet égard, l'article X du traité anglo-américain d'extradition dispose:

"Si l'extradition d'un individu est demandée concurremment par l'une des Parties contractantes et par un ou plusieurs autres Etats, pour la même infraction ou pour des infractions différentes, la Partie requise doit prendre sa décision, dans la mesure où sa législation le lui permet, compte tenu de toutes les circonstances, notamment les dispositions figurant à cet égard dans tout accord en vigueur entre la Partie requise et la Partie requérante, la gravité relative et le lieu d'accomplissement des infractions, les dates respectives des demandes, la nationalité de la personne recherchée et la possibilité de l'extrader ultérieurement à un autre Etat."



III. Législation interne pertinente de l'Etat de Virginie



A. Législation concernant l'assassinat

39. La définition et la classification pertinentes de l'assassinat et les peines correspondantes se trouvent régies par le code de Virginie de 1950, avec ses amendements, et par la jurisprudence des tribunaux de l'Etat et de la Fédération.

40. L'article 18.2-31 du code de Virginie énumère huit types d'homicide passibles de la peine capitale et relevant de la catégorie 1 des crimes les plus graves, y compris "le fait de tuer sciemment, délibérément et avec préméditation plus d'une personne dans le cadre du même acte ou de la même opération" (alinéa g)). La peine prévue pour un crime de la catégorie 1 est "la mort ou la réclusion à vie" (code de Virginie, article 18.2-10 a)). Mis à part le cas d'un tueur à gages, seul le "tireur", à savoir l'auteur effectif de l'homicide, peut être accusé d'assassinat passible de la peine capitale (Johnston v. Commonwealth, 220 Virginia Reports (Va.) 146, 255 South Eastern Reporter, Second Series (S.E.2d) 525 (1979)).

L'assassinat non passible de la peine capitale est classé comme assassinat de premier ou deuxième degré, puni de durées variables d'emprisonnement (code de Virginie, articles 18.2-10 b) et 18.2-32).

41. Dans la plupart des procès pour crimes graves, y compris l'assassinat passible de la peine capitale, l'accusé a le droit d'être jugé par un jury. Il peut y renoncer mais le fait rarement.



B. Procédure de prononcé de la peine

42. En Virginie, le prononcé de la peine dans une affaire d'assassinat passible de la peine capitale suit une procédure distincte de la détermination de la culpabilité. Après avoir constaté la culpabilité de l'accusé dans une telle affaire, le même jury, ou le même magistrat siégeant sans jury, continue à recueillir des éléments relatifs à la peine. Est recevable toute preuve pertinente concernant l'infraction et l'accusé. Les données plaidant pour la démence ne sont soumises à presque aucune limitation, tandis que la loi restreint celles qui militent pour la rigueur (code de Virginie, article 19.2-264.4).

43. On ne peut pas prononcer la peine de mort si l'accusation n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'il existe au moins l'une des circonstances aggravantes prévues par la loi: "dangerosité future" ou "atrocité".

Il y a "dangerosité future" s'il apparaît probable que l'accusé commettra à l'avenir "des actes de violence criminelle" qui constitueraient une "menace grave et permanente pour la société" (code de Virginie, article 19.2-264.2).

Il y a "atrocité" si le crime était "outrageusement atroce ou commis pour le plaisir, de manière horrible ou inhumaine en ce qu'il comportait torture, dépravation de l'esprit ou voies de fait qualifiées sur la victime" (code de Virginie, ibidem). Les mots "dépravation de l'esprit" visent "un degré de turpitude morale et d'avilissement psychique dépassant ce qui est inhérent à la définition légale habituelle de l'intention coupable et de la préméditation". Les mots "voies de fait qualifiées" s'entendent de violences qui "dépassent qualitativement et quantitativement le minimum nécessaire pour accomplir un acte d'assassinat" (Smith v. Commonwealth, 219 Va. 455, 248 S.E.2d 135 (1978),certiorari refusé, 441 United States Supreme Court Reports (U.S.) 967 (1979)). La preuve de blessures multiples subies par la victime - notamment une blessure au cou qui, même considérée isolément, constitue une voie de fait qualifiée compte tenu de la manière sauvage et méthodique dont son auteur l'a infligée, puis a laissé sa victime souffrir atrocement en attendant la mort - est considérée comme répondant au critère d'"atrocité" prévu dans cet article (Edmonds v. Commonwealth, 229 Va. 303, 329 S.E.2d 807, certiorari refusé, 106 Supreme Court Reporter (S.Ct.) 339, 88 United States Supreme Court Report, Lawyers' Edition, Second Series (L.Ed.2d) 324 (1985)).

44. La loi de Virginie n'interdit pas d'infliger la peine de mort à un jeune ayant atteint la majorité - fixée à 18 ans dans cet Etat (code de Virginie, article 1.13.42). L'âge est un élément à apprécier par le jury. (Peterson v. Commonwealth, 225 Va. 289, 302 S.E.2d 520, certiorari refusé, 464 U.S. 865, 104 S.Ct. 202, 78 L.Ed.2d 176 (1983)).

45. La loi précise de manière non limitative les circonstances atténuantes:

"i) l'accusé n'a pas d'antécédents criminels importants, ou ii) le crime grave a été commis alors que l'accusé se trouvait sous l'empire d'une perturbation mentale ou émotionnelle extrême, ou iii) la victime a participé à la conduite de l'accusé ou a consenti à l'acte, ou iv) au moment où le crime grave a été commis, la capacité de l'accusé d'apprécier le caractère criminel de sa conduite ou de conformer celle-ci aux exigences de la loi était sensiblement réduite, ou v) l'âge de l'accusé au moment où il a perpétré le crime grave" (code de Virginie, article 19.2-264.4B).

46. Si un procès pour crime passible de la peine capitale se déroule devant un jury, celui-ci doit, avant de prononcer la peine, examiner tous les éléments de preuve, favorables ou défavorables, pertinents pour la fixer. En particulier, il ne peut condamner à mort l'accusé qu'après avoir envisagé les circonstances atténuantes de l'infraction (Watkins v. Commonwealth, 229 Va. 469, 331 S.E.2d 422 (1985), certiorari refusé, 475 U.S. 1099, 106 S.Ct. 1503, 89 L.Ed.2d 903 (1986)). En outre, sauf unanimité au sein du jury la peine ne peut pas être la mort, mais la réclusion à vie (code de Virginie, article 19.2-264.4). Même s'il constate une ou plusieurs des circonstances aggravantes prévues par la loi, le tribunal demeure libre de prononcer une peine de réclusion à vie plutôt que la mort, à la lumière des circonstances atténuantes ou par simple humanité (Smith v. Commonwealth, loc. cit.).

47. Après une condamnation à mort, le juge doit ordonner l'établissement d'un rapport d'enquête sur les antécédents de l'accusé et sur "tout autre fait pertinent, afin que le tribunal puisse déterminer si la peine capitale est appropriée et juste"; après examen du rapport, le juge peut annuler la peine de mort et infliger une peine de réclusion à vie (code de Virginie, article 19.2-264.5).

48. A la suite d'un moratoire consécutif à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis (Furman v. Georgia, 92 S.Ct. 2726 (1972)), l'imposition de la peine capitale a repris en Virginie en 1977; depuis lors, sept personnes ont été exécutées. Le mode d'exécution est l'électrocution.

La jurisprudence estime constitutionnel le régime juridique de la peine capitale en Virginie, y compris le contrôle obligatoire de la peine (paragraphe 52 ci-dessous): il empêche d'infliger ladite peine de manière arbitraire ou capricieuse et délimite étroitement le pouvoir discrétionnaire du juge la prononçant (Smith v. Commonwealth, loc. cit.; Turnver v. Bass, 753 Federal Reporter, Second Series (F.2d) 342 (4th Circuit, 1985); Briley v. Bass, 750 F.2d 1238 (4th Circuit, 1984)). La peine capitale prévue par la législation sur l'assassinat ne constitue pas davantage une peine cruelle et inhabituelle et elle ne refuse à l'accusé ni droits de la défense ni égalité de protection (Stamper v. Commonwealth, 220 Va. 260, 257 S.E.2d 808 (1979), certiorari refusé, 445 U.S. 972, 100 S.Ct. 1666, 64 L.Ed.2d 249 (1980)). La Cour suprême de Virginie a rejeté la thèse selon laquelle la mort par électrocution provoquerait "des souffrances inutiles avant la mort et des souffrances émotionnelles en attendant l'exécution de la peine" (ibidem).



C. Démence, troubles mentaux et responsabilité atténuée

49. Le droit virginien n'admet généralement pas comme moyen de défense la diminution de la capacité de discernement (Stamper v. Commonwealth, 228 Va. 707, 324 S.E.2d 682 (1985)).

50. En Virginie, la démence est un moyen de défense reconnu qui, s'il aboutit, empêche tout verdict de culpabilité. Il vaut lorsque l'accusé sait son acte mauvais, mais le commet sous l'empire d'une impulsion irrésistible, provoquée par une maladie mentale affectant sa volonté (Thompson v. Commonwealth, 193 Va. 704, 70 S.E.2d 284 (1952), et Godley v. Commonwealth, 2 Virginia Court of Appeals Reports (Va. App.) 249 (1986)), ou lorsqu'il ne comprend pas la nature, le caractère et les conséquences de son acte ou ne peut distinguer le bien du mal (Price v. Commonwealth, 228 Va. 452, 323 S.E.2d 106 (1984)). Si aucun moyen de défense tiré de la démence n'est présenté, l'état mental de l'accusé n'entre en ligne de compte, au stade de l'examen de la culpabilité, que dans la mesure où il pourrait prouver un fait litigieux, par exemple la préméditation de l'homicide (Le Vasseur v. Commonwealth, 225 Va. 564, 304 S.E.2d 644 (1983), certiorari refusé, 464 U.S. 1063, 104 S.Ct. 744, 79 L.Ed.2d 202 (1984)).

51. Dans un procès pour assassinat passible de la peine capitale, l'état mental de l'accusé au moment du crime, y compris une maladie mentale quelconque, peut être invoqué comme circonstance atténuante au stade de la fixation de la peine. Parmi les éléments de preuve pertinents figurent, entre autres, ceux d'où il ressort que l'intéressé subissait l'influence d'un trouble mental ou émotionnel extrême ou qu'au moment de l'infraction, son aptitude à apprécier le caractère criminel de sa conduite se trouvait gravement réduite (code de Virginie, article 19.2-264.4B - paragraphe 45 ci-dessus).

De plus, les indigents accusés d'assassinat passible de la peine capitale ont droit à se voir désigner un expert agréé en santé mentale qui aidera à préparer et présenter les informations concernant leurs antécédents, leur personnalité et leur état mental en vue d'établir l'existence de circonstances atténuantes (code de Virginie, article 19.2-264.3:1).

Sur présentation de preuves relatives à l'état mental de l'accusé, on peut choisir d'infliger la réclusion à vie au lieu de la peine de mort.



D. Recours pour les condamnés à mort

52. La Cour suprême de Virginie revoit systématiquement toute affaire dans laquelle la peine capitale a été prononcée, que l'accusé ait ou non plaidé coupable. Outre qu'elle examine "toute erreur" alléguée par le condamné dans son recours, elle recherche si la sentence capitale a été rendue "sous l'influence de la passion, d'un préjugé ou de tout autre facteur arbitraire" et si elle est excessive ou hors de proportion "avec la peine infligée dans des affaires analogues" (code de Virginie, article 17-110.1).

Ce recours direct et automatique est régi par le règlement de la Cour suprême de Virginie, qui fixe différents délais pour déposer les dossiers. En outre, le contrôle des condamnations à mort bénéficie d'une priorité absolue (article 5.23; voir aussi code de Virginie, article 17-110.2). En général, le temps nécessaire ne dépasse pas six mois.

Une fois la procédure achevée, la peine de mort est exécutée sauf sursis à exécution c'est-à-dire, en pratique, sauf si le détenu exerce un nouveau recours.

Depuis 1977, il semble y avoir eu un seul cas dans lequel la Cour suprême de Virginie a commué elle-même la peine capitale en réclusion à vie.

53. Le condamné peut demander à la Cour suprême des Etats-Unis de réexaminer par certiorari l'arrêt de la Cour suprême de Virginie. S'il échoue, il peut attaquer le verdict et la peine par la voie de l'habeas corpus devant les tribunaux de l'Etat comme de la Fédération.

Il peut déposer une demande d'habeas corpus soit devant la Cour suprême de Virginie, soit devant la juridiction du fond avec possibilité de recours à la Cour suprême de Virginie, puis saisir derechef la Cour suprême des Etats-Unis pour faire contrôler par certiorari la décision d'habeas corpus rendue au niveau de l'Etat.

Il peut alors former une demande d'habeas corpus devant le tribunal fédéral de district, dont la décision est susceptible de recours devant la cour d'appel fédérale du ressort puis, en cas d'échec, d'une demande de certiorari devant la Cour suprême des Etats-Unis.

A chaque étape de ses recours parallèles, le condamné peut solliciter un sursis à exécution jusqu'à la décision définitive sur ses demandes.

54. Les lois et les règlements des tribunaux de Virginie et de la Fédération fixent des délais pour attaquer une condamnation ou les décisions rendues dans une procédure d'habeas corpus. Il n'existe cependant aucun délai pour déposer la première demande d'habeas corpus au niveau de l'Etat ou de la Fédération.

55. Les moyens recevables en appel et dans le cadre d'une procédure d'habeas corpus sont limités par "la règle des objections simultanées" à ceux qui ont été invoqués au cours du procès (article 5.25 du règlement de la Cour suprême de Virginie). Elle repose sur le principe que le procès lui-même est "l'événement principal", de sorte que les véritables questions litigieuses doivent se discuter et se trancher en première instance et non en appel ou dans toute autre procédure de contrôle ultérieur. Elle a été adoptée pour empêcher de tendre des pièges aux juges du fond (Keeney v. Commonwealth, 147 Va. 678, 137 South Eastern Reporter (S.E.) 478 (1927)), pour permettre à ceux-ci de statuer sur les points litigieux intelligemment et pour éviter des recours superflus, des renversements de décisions et des procès viciés (Woodson v. Commonwealth, 211 Va. 285, 176 S.E.2d 818 (1970), certiorari refusé, 401 U.S. 959 (1971)). Elle s'applique également dans les affaires où il y a risque de peine capitale et les juridictions fédérales la reconnaissent (Briley v. Bass, 584 Federal Supplement (F. Supp.) 807 (district oriental de Virginie), confirmé, 742 F.2d 155 (4th Circuit, 1984)).

Par exception, les erreurs n'ayant suscité aucune objection pendant le procès peuvent être dénoncées en appel si l'intérêt de la justice l'exige ou si l'on démontre l'existence d'une cause valable. La Cour suprême de Virginie s'est prévalue de cette exception pour renverser une condamnation à mort pour assassinat (Ball v. Commonwealth, 221 Va. 754, 273 S.E.2d 790 (1981)). Si la peine capitale a été prononcée, sa proportionnalité et le point de savoir si elle a été infligée sous l'influence de la passion, d'un préjugé ou de tout autre facteur arbitraire (paragraphe 52 ci-dessus), font l'objet d'un contrôle même si l'objection n'a pas été soulevée au procès (Briley v. Bass, loc. cit.).

56. L'intervalle moyen entre le procès et l'exécution en Virginie, calculé sur la base des sept exécutions qui ont eu lieu depuis 1977, va de six à huit ans. Les retards découlent surtout d'une stratégie des condamnés détenus, consistant à prolonger le plus possible les procédures de recours. La Cour suprême des Etats-Unis n'a pas encore examiné ni tranché la question du "syndrome du couloir de la mort", et en particulier celle de savoir s'il échappe à l'interdiction des "peines cruelles ou inhabituelles" par le Huitième Amendement à la Constitution des Etats-Unis.



E. Assistance d'un avocat pour les recours

57. Tout détenu condamné à mort a un avocat pour le représenter, choisi à titre privé ou désigné d'office. Toutefois, aucune loi n'exige expressément l'octroi de l'assistance judiciaire aux détenus indigents désireux de former une demande en habeas corpus. Néanmoins, une cour d'appel des Etats-Unis a jugé récemment qu'il incombe à l'Etat de Virginie d'assurer aux détenus indigents et condamnés à mort l'assistance d'avocats pour contester la sentence par une action d'habeas corpus au niveau de l'Etat (Giarratano v. Murray, 847 F.2d 1118 (4th Circuit, 1988) (plénière) - affaire actuellement pendante devant la Cour suprême des Etats-Unis). La jurisprudence n'édicte pas la même obligation pour les procédures d'habeas corpus et de certiorari au niveau fédéral (ibid., p. 1122, col. 1), au motif qu'un tribunal fédéral disposerait du dossier de la juridiction de recours, du compte rendu officiel des débats et de l'avis du tribunal de l'Etat (dans une procédure de certiorari) ou des conclusions écrites d'un avocat, du compte rendu et de l'avis du tribunal (dans une procédure d'habeas corpus).

Les détenus de Virginie bénéficient aussi de renseignements et d'une aide juridiques grâce à des bibliothèques de droit et à des avocats pénitentiaires. Ces derniers peuvent les assister "pour toute question juridique touchant à leur incarcération" (code de Virginie, article 53.1-40), notamment pour rédiger des demandes en habeas corpus et en désignation d'un défenseur.

Le détenu n'est pas obligé d'avoir le ministère d'un avocat; il peut ester seul devant les tribunaux de l'Etat et de la Fédération. Pourtant, de nos jours, aucun détenu condamné à mort en Virginie ne s'est trouvé sans l'assistance d'un avocat pendant le procès et les procédures d'appel ou d'habeas corpus. Jamais non plus il n'a dû affronter l'exécution sans avocat.



F. Autorités impliquées dans la procédure de la peine de mort

58. Pour chaque comté de l'Etat de Virginie, il existe un Attorney (procureur), élu tous les quatre ans (article VII (4) de la Constitution de Virginie). Sa fonction principale consiste à exercer les poursuites dans toutes les affaires pénales de son ressort (code de Virginie, article 15.1-18.1). Il peut choisir la catégorie d'assassinat à viser dans l'acte d'accusation, mais cette latitude est limitée par le respect de l'éthique propre à sa charge et par le devoir qu'il a, envers la loi et la population, d'opter pour la qualification la mieux étayée par les pièces du dossier. Il est indépendant dans l'exercice de ses fonctions: en aucun cas - qu'il s'agisse d'inculper, de requérir une peine ou de donner des assurances à ce sujet - il ne reçoit d'ordres de l'Attorney General de Virginie (code de Virginie, article 2.1-124), du gouverneur de Virginie ou de personne d'autre. Il a la faculté d'engager des négociations sur ce que plaidera la défense, mais le tribunal n'est pas tenu d'accepter tout accord qui en résulterait (article 3A.8 du règlement de la Cour suprême de Virginie).

59. Les juges des tribunaux de district et des juridictions supérieures de l'Etat de Virginie ne sont pas élus, mais désignés. Leurs activités sont régies par des normes de déontologie judiciaire (Canons of Judicial Conduct), qui sont publiées et que la Cour suprême de Virginie a adoptées comme règlement. La première d'entre elles exige le respect de strictes règles de conduite afin de préserver l'intégrité et l'indépendance de la magistrature.

60. Le gouverneur de l'Etat de Virginie a le pouvoir illimité "de commuer la peine capitale" (article V, paragraphe 12, de la Constitution de Virginie). Par principe il ne promet pas, avant le verdict et le prononcé de la peine, d'en user plus tard. Depuis 1977, il ne l'a jamais exercé.



G. Conditions de réclusion au pénitencier de Mecklenburg

61. On compte actuellement 40 condamnés à mort en Virginie. La plupart se trouvent au pénitencier de Mecklenburg, établissement moderne de sécurité maximale, d'une capacité totale de 335 détenus. Le règlement intérieur (IOP 821.1) fixe des procédures uniformes de fonctionnement pour l'administration, la sécurité, le contrôle et la fourniture des services nécessaires aux détenus du couloir de la mort. En outre, les conditions de réclusion sont définies en détail par une ordonnance d'homologation d'un règlement amiable (consent decree), rendue par le tribunal fédéral de district de Richmond dans l'affaire Alan Brown et al. v. Allyn R. Sielaff et al. (5 avril 1985). Le service de l'exécution des peines (Department of Corrections) de Virginie et une association (American Civil Liberties Union) veillent au respect des termes de cette décision. Le tribunal fédéral de district reste lui aussi compétent pour en assurer l'observation.

62. Les moyens permettant de formuler des réclamations et, si elles sont fondées, de les faire aboutir sont les suivants: 1) la procédure, approuvée par un tribunal fédéral, du service de l'exécution des peines de Virginie concernant la présentation des griefs des détenus; y participent le directeur de la prison, l'administrateur régional et le directeur des prisons ainsi que le médiateur régional; 2) les contacts officiels ou officieux entre défenseurs des détenus et personnel de la prison; 3) une plainte en justice pour infraction au consent decree; 4) une action en responsabilité civile, intentée en vertu de la législation fédérale ou virginienne.

63. Une cellule de condamné à mort mesure 3 m sur 2,2. Les détenus ont environ 7 h 30 de récréation par semaine l'été, et 6 h l'hiver, si le temps le permet. Le quartier des condamnés à mort comprend deux cours de récréation, toutes deux équipées de terrains de basket-ball et l'une de poids et haltères. Les condamnés peuvent aussi quitter leur cellule en d'autres occasions, par exemple pour recevoir des visites ou se rendre à la bibliothèque de droit ou à l'infirmerie de la prison. En outre, ils disposent tous les matins d'une heure à passer en dehors de leur cellule dans une zone commune. Tout condamné à mort peut être affecté à des corvées, par exemple de nettoyage. Quand les détenus se déplacent dans la prison, ils portent des menottes et des fers spéciaux autour de la taille.

Lorsqu'ils sortent de leur cellule, les détenus du couloir de la mort se trouvent dans une zone commune appelée "pod". Les gardiens restent dans une guérite à l'extérieur. En cas de trouble, ou de rixe entre détenus, ils ne peuvent intervenir tant que leur supérieur présent ne les en a pas chargés.

64. Le requérant a produit maints documents pour établir la tension extrême, la dégradation psychologique et les risques de sévices homosexuels et d'agressions que subissent les détenus du couloir de la mort, y compris au pénitencier de Mecklenburg. Le gouvernement britannique les a vivement contestés sur la base de déclarations sous serment d'agents du service de l'exécution des peines de Virginie.

65. Les condamnés à mort bénéficient des mêmes services médicaux que les autres détenus. Une infirmerie, dotée des installations, du matériel et du personnel voulus, fournit nuit et jour des possibilités d'hospitalisation, et un service des urgences fonctionne dans chaque bâtiment. Mecklenburg offre aussi des services psychologiques et psychiatriques aux détenus du couloir de la mort. Le tribunal fédéral du district oriental de Virginie a récemment estimé suffisant le traitement psychiatrique mis à la disposition des condamnés à mort de Mecklenburg (Stamper et al. v. Blair et al., décision du 14 juillet 1988).

66. Les détenus peuvent recevoir des visites, dans un parloir muni d'hygiaphones, les samedis, dimanches et jours de fête entre 8 h 30 et 15 h 30. Les avocats ont accès à leurs clients pendant les heures ouvrables normales, sur demande, ainsi qu'aux heures normales de visite. Les condamnés à mort connus pour leur bonne conduite peuvent recevoir, dans des parloirs sans séparation, la visite de membres de leur proche famille deux jours par semaine. Le courrier écrit par les détenus est relevé tous les jours et celui qu'ils reçoivent leur est distribué tous les soirs.

67. Pour des raisons de sécurité, et en vertu de règles applicables à tous les établissements de Virginie, des fouilles de routine ont lieu dans l'ensemble du pénitencier chaque trimestre. Elles peuvent durer environ une semaine. Pendant ces périodes, dites de "bouclage", on confine les détenus dans leur cellule; ils prennent des douches, reçoivent des soins médicaux, dentaires ou psychologiques en dehors de leur cellule, si le personnel médical le juge nécessaire, et sur demande peuvent se rendre à la bibliothèque de droit; ils sont aussi autorisés à recevoir la visite de leur avocat et à communiquer avec lui par téléphone. Les autres services, tels les repas, leur sont assurés dans leur cellule. Pendant le "bouclage", les privilèges et activités hors cellule augmentent peu à peu jusqu'au retour à la normale.

Un "bouclage" peut aussi être ordonné de temps à autre pour le couloir de la mort s'il apparaît que certains détenus projettent peut-être des troubles, une prise d'otage ou une évasion.

68. Quinze jours avant la date prévue pour sa mise à mort, le condamné est transféré dans un bâtiment voisin de la chambre d'exécution où se trouve la chaise électrique. Il y demeure sous surveillance constante et isolé. Il n'a pas de lumière dans sa cellule, tandis que l'extérieur reste éclairé en permanence. Un détenu qui exerce les voies de recours peut être placé à plusieurs reprises dans ledit bâtiment.



H. La fourniture et l'effet d'assurances en matière de peine capitale

69. Les relations entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique en matière d'extradition relèvent des autorités fédérales et non de celles des Etats. Pour les infractions à la législation d'un Etat, les autorités fédérales n'ont cependant aucun pouvoir juridiquement contraignant de donner, dans une affaire d'extradition, l'assurance que la peine capitale ne sera pas prononcée ou exécutée. En pareil cas seul l'Etat jouit d'un tel pouvoir; s'il décide d'en user, il appartient au gouvernement des Etats-Unis d'assurer le gouvernement requis que la promesse sera honorée.

Selon des pièces fournies par les autorités virginiennes, la procédure de prononcé de la peine capitale en Virginie, et notamment les dispositions relatives au rapport d'enquête après le verdict (paragraphe 47 ci-dessus), permettrait au juge appelé à fixer la peine d'avoir égard aux représentations qui seraient faites au nom du gouvernement britannique en vertu de l'assurance fournie par l'Attorney du comté de Bedford (paragraphe 20 ci-dessus). En outre, le gouverneur aurait la faculté d'avoir égard aux voeux du gouvernement britannique en examinant un recours en grâce (paragraphe 60 ci-dessus).



I. Entraide en matière pénale

70. Il n'y a aucun moyen d'obliger des témoins américains à déposer à un procès en République fédérale d'Allemagne, mais ils seraient en principe libres, sauf s'ils se trouvaient détenus, de comparaître volontairement devant un tribunal allemand et les autorités allemandes assumeraient leurs frais. En outre, un tribunal fédéral américain peut, sur commission rogatoire ou demande d'un tribunal étranger, ordonner à quelqu'un de faire une déposition ou déclaration, ou de produire une pièce ou autre chose aux fins d'une procédure devant un tribunal étranger (28 United States Code, article 1782). De plus, les documents publics, par exemple le compte rendu d'un procès pénal, peuvent être communiqués aux autorités étrangères de poursuite.



IV. Législation et pratique pertinentes de la République fédérale d'Allemagne

71. Le droit pénal allemand s'applique aux actes commis à l'étranger par un ressortissant allemand dès lors qu'ils y sont punissables (code pénal, article 7 § 2).

72. L'article 211 § 2 du code pénal définit ainsi l'assassinat:

"Est assassin celui qui tue un être humain par envie de tuer, pour assouvir son instinct sexuel, par cupidité ou pour d'autres motifs vils, sournoisement ou cruellement ou par des moyens constituant un danger public, ou pour permettre l'accomplissement d'une autre infraction, ou pour la dissimuler."

L'assassinat est passible de la réclusion à vie (code pénal, article 211 § 1), la Constitution (article 102 de la Loi fondamentale de 1949) ayant aboli la peine de mort.

73. Aux termes de la loi (modifiée) de 1953 sur les tribunaux pour jeunes, si un jeune adulte - une personne d'au moins 18 ans, mais de moins de 21 (article 1 § 3) - accomplit une infraction, le juge applique les dispositions qui valent pour les mineurs - les personnes ayant au moins 14 ans, mais pas encore 18 au moment de l'infraction (ibidem) - si, entre autres, "l'appréciation générale portée sur la personnalité du délinquant, compte tenu aussi des conditions de son environnement, révèle qu'étant donné son développement moral et mental il demeurait assimilable à un mineur au moment [de] l'infraction" (article 105 § 1). Les jeunes adultes relevant de cet article encourent au maximum un emprisonnement spécial de six mois à dix ans ou, sous certaines conditions, de durée indéterminée (articles 18, 19 et 105 § 3).

Si au contraire le développement personnel du jeune adulte délinquant correspond à son âge, le droit pénal général s'applique mais le juge peut infliger de dix à quinze ans d'emprisonnement au lieu d'une peine perpétuelle (article 106 § 1).

74. Si, au moment de l'infraction, le délinquant était incapable d'apprécier le caractère délictueux de l'acte, ou de se comporter en conséquence, à cause d'un trouble mental ou émotionnel morbide, d'un trouble profond de la conscience, d'une déficience mentale ou d'une autre anomalie mentale ou émotionnelle grave, on ne peut le déclarer coupable, ni le sanctionner (code pénal, article 20), mais on peut ordonner son placement dans un établissement psychiatrique pour une durée indéterminée (code pénal, article 63).

Dans l'hypothèse d'une responsabilité atténuée, c'est-à-dire si l'aptitude du délinquant à apprécier le caractère délictueux de l'acte, ou à se comporter en conséquence, au moment de l'infraction se trouve grandement diminuée pour l'une des raisons énumérées à l'article 20 (code pénal, article 21), la peine peut être réduite; en particulier, dans les affaires d'homicide un emprisonnement de trois ans au moins remplace la réclusion à vie (code pénal, article 49 §§ 1 et 2). Le tribunal peut aussi ordonner le placement en hôpital psychiatrique.

75. En cas de risque de condamnation à mort, le gouvernement fédéral n'accorde l'extradition que si l'Etat requérant lui donne sans équivoque l'assurance que la peine capitale ne sera pas prononcée ou exécutée. Le traité germano-amér
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