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Rapport initial présenté par les Etats-Unis au Comité des droits de l'homme (extrait)

CCPR/C/81/Add.4
rapport du 24 août 1994 - Comité des droits de l'homme - Etats-Unis
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Thème :
ETATS-UNIS D'AMERIQUE
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Rapports initiaux que les Etats parties devaient présenter en 1993 - Additif
[29 juillet 1994]

[...]

Article 6 - Droit à la vie


Droit à la vie, droit à ne pas en être privé arbitrairement

131. Ce droit est protégé par les constitutions et législations fédérales et des Etats. Le Cinquième Amendement à la Constitution des Etats-Unis dispose que nul ne peut être "privé de la vie, de la liberté ou de ses biens en l'absence d'une procédure régulière". Le Quatorzième Amendement dispose qu'"aucun Etat ne privera quiconque de la vie, de la liberté ou de ses biens en l'absence des garanties d'une procédure régulière". Ces dispositions reprennent le principe consacré par la Constitution selon lequel tout être humain a un droit inhérent à la vie, et la doctrine selon laquelle ce droit est protégé par la loi. Les Cinquième et Quatorzième Amendements rendent aussi inconstitutionnelles les disparitions de personnes qui seraient le fait des pouvoirs publics.


132. La valeur de la vie humaine est d'autre part consacrée par les codes pénaux des Etats-Unis, des 50 Etats, des divers territoires et autres juridictions relevant des Etats-Unis, qui qualifient tous de crime la privation arbitraire et injustifiée de la vie. Chaque juridiction dispose de lois qui punissent le meurtre et imposent les sanctions pénales les plus sévères pour tout homicide s'accompagnant de circonstances aggravantes particulières.


133. Les lois fédérales qui protègent la vie et punissent le fait de l'ôter soit par la peine capitale soit par l'emprisonnement à perpétuité visent les délits suivants :


Assassinat avec circonstances aggravantes (18 U.S.C. par. 1111);


Meurtre d'un témoin [18 U.S.C. par. 1512 a)];


Assassinat du Président, du Président nouvellement élu, du Vice-Président ou d'un petit nombre d'autres personnes spécifiées par la loi (18 U.S.C. par. 1751);


Meurtre commis par toute personne se livrant régulièrement à des activités criminelles liées au trafic de stupéfiants ou meurtre d'un agent de la force publique commis lors de l'accomplissement d'une felony (infraction majeure) liée aux stupéfiants [21 U.S.C. par. 848 e)];


Destruction volontaire d'un aéronef ou d'un véhicule à moteur dans l'intention de porter atteinte à la sécurité de toute personne se trouvant à bord et ayant entraîné mort d'homme (18 U.S.C. par. 34);


Acte commis délibérément en vue de faire dérailler un train, de le mettre hors service, de le faire exploser ou de le réduire à l'état d'épave et ayant entraîné mort d'homme (18 U.S.C. par. 1992);


Infraction comportant le transport de matières explosives, sachant qu'elles seront utilisées pour

tuer, blesser ou intimider [18 U.S.C. par. 844 d)];


Destruction par le feu, ou au moyen d'explosifs, de biens appartenant au Gouvernement des Etats-Unis, ayant entraîné mort d'homme [18 U.S.C. par. 844 f)];


Envoi d'objets dangereux dans l'intention de tuer ou de blesser, ayant entraîné mort d'homme (18 U.S.C. par. 1716);


Génocide [18 U.S.C. par. 1091 b)], consistant à tuer, gravement blesser ou recourir à d'autres moyens spécifiés de destruction des membres d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux dans l'intention avérée de détruire ce groupe complètement ou en grande partie;


Terrorisme (18 U.S.C. par. 2331), consistant à tuer un national des Etats-Unis hors des Etats-Unis, ou à tenter de tuer ou fomenter un complot hors des Etats-Unis en vue de tuer un national des Etats-Unis; la loi exige une attestation écrite émanant d'un haut fonctionnaire du Ministère de la justice selon laquelle, à son avis, ce crime avait pour but de contraindre ou intimider un gouvernement ou une population civile ou d'exercer des représailles à leur encontre [18 U.S.C. par. 2332 d)];


Entente délictueuse en vue de causer la mort d'une autre personne (18 U.S.C. par. 1117);


Meurtre ou tentative de meurtre d'une personne placée sous protection internationale (18 U.S.C. par. 1116), y compris mais non exclusivement les chefs d'Etat, les ministres étrangers et les membres de leur famille les accompagnant lorsqu'ils se trouvent dans un pays autre que le leur; les représentants, fonctionnaires, agents et employés des Etats-Unis ou d'un gouvernement étranger ou d'une organisation internationale ayant droit à une protection en droit international. Le présumé coupable dont la nationalité n'est pas prise en considération doit se trouver sur le territoire des Etats-Unis;


Trahison, définie par la loi comme le fait pour quiconque devant allégeance aux Etats-Unis de prendre les armes contre eux ou de s'allier à leurs ennemis en leur donnant aide et facilités aux Etats-Unis même ou ailleurs (18 U.S.C. par. 2381);


Espionnage (18 U.S.C. par. 794); et


Piraterie aérienne ayant entraîné mort d'homme [49 U.S.C. par. 1472 i), n)].


Le Code uniforme de justice militaire prescrit aussi la peine capitale pour certaines infractions (10 U.S.C. par. 801 et suivants).


134. Le Code des Etats-Unis proscrit également la tentative de meurtre, qui est punissable d'une peine de 20 ans de prison (18 U.S.C. par. 1113), et l'homicide, défini comme le fait de tuer un être humain illégitimement sans intention criminelle (18 U.S.C. par. 1112). L'homicide volontaire désigne le fait de tuer quelqu'un au cours d'une longue querelle ou sous l'empire de la passion; l'homicide involontaire peut être commis à l'occasion d'un acte illicite ne constituant pas une infraction majeure, d'un acte licite accompli d'une manière illicite ou d'un acte licite susceptible de provoquer la mort en l'absence de la prudence et des précautions nécessaires.


135. D'autres délits, tels que l'incendie criminel et l'enlèvement, sont passibles de peines sévères, qui sont augmentées lorsque ces actes ont mis en danger la vie humaine et des peines encore plus lourdes lorsqu'ils ont entraîné mort d'homme. C'est ainsi que l'auteur d'un incendie criminel encourt une peine fédérale de cinq ans de prison mais que si cet incendie a mis une vie humaine en danger, son auteur est passible de 20 ans de prison (Voir 18 U.S.C. par. 81). De même, les peines prévues pour les tentatives de voies de fait sont portées de 3 ans à 10 ans de prison lorsque ces infractions sont commises à l'aide d'une arme meurtrière ou dangereuse. Les auteurs de certains délits graves liés aux stupéfiants encourent aussi des sanctions plus lourdes lorsqu'ils ont utilisé une arme à feu [18 U.S.C. par. 924 c) 1)].


136. Chaque Etat qualifie aussi d'infractions pénales les actes délibérés ayant provoqué la mort ou ayant gravement mis la vie humaine en danger. Toutefois, la définition des infractions peut varier dans le détail d'un Etat à l'autre. Les lois pénales des Etats concernant le meurtre, l'homicide et l'entente délictueuse sont pour l'essentiel analogues à la législation fédérale; les peines les plus sévères sont prévues pour les cas où l'intention de donner la mort est la plus manifeste. A l'heure actuelle, la législation de 37 Etats prévoit la peine de mort pour le meurtre et celle de quelques-uns d'entre eux pour d'autres infractions, celles-ci étant presque toujours de nature à entraîner la mort.


137. La question de la race et de la peine de mort est évoquée à propos de l'article 2; les conditions régnant dans les quartiers réservés aux condamnés à mort sont évoquées à propos de l'article 7.


Recours à la force par les agents de l'Etat

138. Le droit à la vie est également protégé par les textes législatifs réglementant l'usage de la force par les agents de l'Etat. Les gardiens de prison, shérifs, policiers et autres fonctionnaires qui abusent de leur pouvoir en faisant un usage excessif de la force peuvent être punis conformément au titre 18 du Code des Etats-Unis (par. 241 et 242), ainsi qu'il est indiqué à propos de l'article 2. Lorsque des agents de la force publique se sont rendus coupables d'un recours excessif à la force, soit individuellement soit en collusion avec d'autres, leurs victimes bénéficient d'une protection s'agissant des droits garantis par les Quatrième, Huitième et Quatorzième Amendements à la Constitution des Etats-Unis. L'amendement applicable est fonction du statut de la victime : personne placée en état d'arrestation (Quatrième Amendement), détenu en attente de jugement (Quatorzième Amendement) ou prisonnier condamné (Huitième Amendement) [Graham c. Connor, 490 U.S. 386 (1989)].


Peine de mort

139. L'application de la peine capitale continue de faire l'objet de controverses publiques très vives aux Etats-Unis. La majorité des citoyens ont choisi, par l'intermédiaire de leurs représentants librement élus, de maintenir la peine de mort pour les crimes les plus graves, ce qui semble correspondre à un sentiment majoritaire dans le pays. Par ailleurs, la loi fédérale prévoit la peine capitale pour certains actes considérés comme des crimes particulièrement graves par la législation fédérale. La peine de mort n'est appliquée qu'en vertu de lois en vigueur à l'époque où le crime a été commis et seulement après qu'un très grand nombre de recours aient été épuisés.

La Cour suprême des Etats-Unis a estimé que le Huitième Amendement à la Constitution des Etats-Unis (qui proscrit les châtiments cruels et inhabituels) n'interdisait pas la peine capitale [Gregg c. Géorgie, 428 U.S. 153 (1976)] (avis de la majorité). Toutefois, la peine de mort n'est applicable que pour les crimes d'une gravité exceptionnelle et en raison de sa sévérité, cette peine appelle une procédure particulière qui ne s'impose pas pour d'autres condamnations pénales.


140. Tout d'abord, cette peine ne peut être prononcée, même pour un crime grave - tel que le viol, l'enlèvement ou le vol à main armée - que si celui-ci a entraîné la mort de la victime [Coker c. Géorgie, 433 U.S. 584 (1977); Enmund c. Floride, 458 U.S. 782, 797 (1982); Eberheart c. Géorgie, 433 U.S. 917 (1977); Hooks c. Géorgie, 433 U.S. 917 (1977)]. En outre, il n'est pas suffisant, pour que la peine capitale soit appliquée, que le crime ait entraîné la mort; il doit aussi être entouré de circonstances aggravantes. En d'autres termes, les restrictions apportées à l'application de la peine capitale sont liées à l'exigence constitutionnelle que le châtiment ne soit pas disproportionné à la culpabilité personnelle du coupable [Tison c. Arizona, 481 U.S. 137, 149 (1987)], et à la gravité du crime [Coker c. Géorgie, 433 U.S. 584, 592 (1977)] (la peine de mort est un châtiment disproportionné pour le crime de viol).


141. Ainsi, certaines infractions (par exemple l'assassinat avec circonstances aggravantes) énoncées dans plusieurs lois fédérales adoptées avant 1968 (date de la décision rendue dans l'affaire Etats-Unis c. Jackson, 390 U.S. 570), sont théoriquement punissables de la peine de mort mais, comme ces crimes ne sont pas caractérisés avec suffisamment de précision comme étant assortis des circonstances aggravantes prévues par la législation, la peine de mort ne peut en réalité être appliquée à leurs auteurs.


142. Ainsi qu'il est indiqué par ailleurs, le principe de la non-rétroactivité des lois consacré dans la Constitution interdit toute aggravation rétroactive des peines applicables en matière pénale. Cette clause a pour effet d'interdire aux autorités d'appliquer la peine de mort à l'auteur d'une infraction qui, à l'époque où elle a été commise, n'était pas punissable par la peine capitale.


143. La peine de mort ne peut être appliquée que si elle a été prononcée en vertu d'un jugement rendu par un tribunal compétent et réexaminé en appel. Sur les 36 Etats où la peine capitale était légalement applicable à la fin de 1991, 34 prévoyaient l'examen en appel automatique de toute condamnation à mort et 31 d'entre eux prévoyaient aussi le réexamen automatique de la déclaration de culpabilité. Les Etats où le réexamen n'est pas automatique autorisent ce réexamen lorsque le défendeur souhaite faire appel. Etant donné qu'une juridiction d'appel de l'Etat réexamine chaque condamnation à mort pour établir si elle est proportionnée à d'autres condamnations prononcées pour des crimes analogues, il est peu vraisemblable que la peine de mort soit infligée arbitrairement et de manière inconséquente, ce qui en ferait un châtiment cruel et inhabituel [Gregg c. Géorgie, 428 U.S. 153 (1976)]. En général, le réexamen a lieu que le défendeur le souhaite ou non et il est effectué par l'instance de recours la plus élevée de l'Etat. Dans les Etats où le réexamen n'est pas automatique, le défendeur peut faire appel de la condamnation, de la déclaration de culpabilité ou des deux. Si une instance de recours annule soit la condamnation soit la déclaration de culpabilité, elle peut renvoyer l'affaire au tribunal qui l'a jugée pour complément de procédure ou en vue d'un nouveau procès. La peine de mort peut à nouveau être prononcée à l'issue de la nouvelle condamnation ou du nouveau procès.


144. Enfin, la Cour suprême des Etats-Unis a estimé que lorsqu'un jury chargé de prononcer la condamnation peut infliger la peine capitale, il doit savoir si le défendeur aurait ou non la possibilité de bénéficier d'une libération conditionnelle, ou en d'autres termes, si une condamnation à la prison à perpétuité pourrait ou non déboucher sur une libération conditionnelle [Simmons c. Caroline du Sud, 114 S.Ct. 2187 (1994)] (avis de la majorité).


Droit de présenter un recours en grâce ou une demande de commutation de peine


145. Le système juridique des Etats-Unis n'autorise aucun Etat à s'opposer aux mesures de clémence prises par l'exécutif et notamment à une amnistie, à une grâce et à une commutation de peine [Gregg c. Géorgie, 428 U.S. 153, 199 (1976)]. Bien plus, dans un arrêt récent de la Cour suprême [Herrera c. Collins, 113 S.Ct. 853 (1993)], la Cour a reconnu le droit de recours en grâce de condamnés à mort dont la déclaration de culpabilité avait été confirmée, qui avaient exercé et épuisé tous les recours à leur disposition et qui revendiquaient par la suite à nouveau leur innocence en présentant des arguments nouveaux.


[...]


Réserve émise par les Etats-Unis


147. L'application de la peine capitale à des personnes ayant commis à l'âge de 16 ou 17 ans des crimes entraînant une telle peine continue de faire l'objet d'une controverse publique aux Etats-Unis, où la peine de mort peut être appliquée aux auteurs de crimes qui étaient âgés de 16 ou 17 ans au moment des faits. La Cour suprême a considéré qu'il était inconstitutionnel d'appliquer la peine de mort à l'auteur d'un crime qui était âgé de 15 ans au moment des faits [Thompson c. Oklahoma, 487 U.S. 815 (1988)] (avis de la majorité), mais elle a approuvé, en invoquant le Huitième Amendement, l'application de la peine de mort à un meurtrier âgé de 16 ans au moment des faits [Stanford c. Kentucky, 492 U.S. 361 (1989)]. Quatre des neuf juges ont dans ce dernier cas émis un avis dissident, faisant valoir que l'exécution d'un condamné de moins de 18 ans était une peine disproportionnée et inconstitutionnelle (ibid., p. 403). Dans une décision plus récente portant sur la même question, la Cour suprême a relevé que sur les 36 Etats dont la législation autorisait la peine capitale au moment de ladite décision, 12 se refusaient à l'appliquer à des personnes âgées de 17 ans ou moins, et 15 se refusaient à l'appliquer à des condamnés âgés de 16 ans [Stanford c. Kentucky, 492 U.S. 361 (1989)].


148. La moitié environ des Etats ayant adopté une législation qui permettait de poursuivre des jeunes gens âgés de 16 ans et plus comme s'ils étaient des adultes lorsqu'ils ont commis des crimes d'une gravité exceptionnelle, et la Cour suprême ayant confirmé la constitutionnalité de ces lois, les Etats-Unis ont émis la réserve suivante au Pacte :


"Les Etats-Unis se réservent le droit, sous réserve des limitations imposées par leur Constitution, d'imposer la peine de mort à toute personne (autre qu'une femme enceinte) dûment reconnue coupable en vertu de lois en vigueur ou futures permettant l'imposition de la peine de mort, y compris pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans."
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