Plan du site

Le Conseil des droits de l'homme tient une une réunion-débat sur la situation des enfants de condamnés à mort

communiqué de presse du 11 septembre 2013 - Conseil des droits de l'homme
Pays :
peine de mort / Belgique
MATIN

11 septembre 2013

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur «les droits de l'homme des enfants dont les parents sont condamnés à la peine de mort ou ont été exécutés, en mettant particulièrement l'accent sur les moyens de garantir la pleine jouissance de leurs droits».

Le débat a été ouvert par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Flavia Pansieri et la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les violences faites aux enfants, Mme Marta Santos Pais (dont la déclaration a été lue). Des exposés ont ensuite été présentés par les experts suivants: M. Jorge Cardona Llorens, membre du Comité pour les droits de l'enfant; Mme Sandra Jones, professeur associé à l'Université Rowan aux États-Unis; Mme Nisreen Zerikat, du Centre national des droits de l'homme de Jordanie; et M. Francis Ssuubi, Directeur exécutif de l'organisation Wells of Hope en Ouganda.

La discussion, dont l'initiative revenait à la Belgique, était animée par son représentant, M. Bernard de Crombrugghe, qui a indiqué que la réunion poursuivait trois objectifs: analyser l'incidence négative de l'exécution d'un parent sur les droits de l'homme de ses enfants; mieux comprendre les normes internationales des droits de l'homme relatives à leurs droits; et discuter de la protection et de l'assistance à leur apporter.

Mme Pansieri a rappelé que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme militait pour l'abolition de la peine de mort et pour l'adoption d'un moratoire international. Il faut rechercher des alternatives à la peine de mort, qui a des répercussions disproportionnées sur les enfants. La Haut-Commissaire adjointe a aussi souligné que les enfants devenus ainsi orphelins sont vulnérables et peuvent être victimes de violences physiques ou psychologiques. Mme Santos Pais souligne pour sa part, dans son message au Conseil, que les enfants concernés sont traumatisés et profondément atteints dans leur personne; ils risquent d'adopter des comportements violents et de se replier sur eux-mêmes.

M. Cardona Llorens a rappelé que l'intérêt supérieur de l'enfant constituait une «considération primordiale» face à toute décision risquant de l'affecter; concrètement, s'il existe une possibilité d'alternative à la peine capitale, afin de concilier l'intérêt supérieur de l'enfant avec celui de la société, cette alternative doit être privilégiée. Mme Jones a fait part de son expérience avec les enfants de parents attendant leur exécution ou déjà exécutés aux États-Unis, qui vivent souvent dans un état de chagrin permanent et sont victimes de stigmatisation menant parfois à la violence, aux problèmes mentaux, à l'addiction, au suicide. M. Ssuubi a lui aussi témoigné du chagrin, de l'anxiété, du stress, de la perte de confiance en soi, autant de sentiments que vivent ces enfants de condamnés à la peine capitale, ajoutant que certains deviennent violents, voire délinquants. Mme Zerikat a observé pour sa part que, de par leurs compétences juridiques, les institutions nationales des droits de l'homme jouaient un rôle clé dans la protection des enfants dont les parents ont été exécutés, et a fait valoir le rôle du Centre national des droits de l'homme de la Jordanie à cet égard.

Lors des échanges, les délégations ont majoritairement exprimé leur rejet de la peine de mort et demandé aux États qui la pratiquent encore d'y renoncer ou d'adopter un moratoire. En outre, elles ont plaidé pour la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, plusieurs d'entre elles se préoccupant des conditions d'application de la peine de mort, dans le sens d'une meilleure adaptation aux droits des enfants. Il faut que les États qui appliquent la peine de mort adoptent aussi des mesures d'accompagnement pour les enfants de condamnés à mort. Certains États ont estimé que la Convention relative aux droits de l'enfant fournissait déjà des règles pertinentes en la matière, chaque État restant souverain dans sa façon d'appliquer la justice. Une délégation a plaidé pour la tenue d'un séminaire d'experts des Nations Unies afin de réfléchir aux mesures à prendre pour atténuer les conséquences de la peine de mort sur les enfants. Une ONG a affirmé que l'application de la peine de mort entraîne immanquablement des violations des droits fondamentaux des familles concernées.

Les délégations suivantes se sont exprimées: France, Norvège, Argentine, Espagne, Suède, Irlande, Cuba (au nom du CELAC), Italie, Pakistan (au nom d'un groupe de pays), Suisse, Belgique, Autriche, Union européenne, République de Moldova, Royaume-Uni, Monténégro , Portugal, Afrique du Sud, Pologne, Nouvelle-Zélande, Égypte, Émirats arabes unis, Maroc et Thaïlande.

Les organisations non-gouvernementales suivantes ont aussi pris la parole: Penal Reform International,Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Amnesty International et Servas International.

Cet après-midi, le Conseil se penchera sur des rapports concernant, d'une part, les produits et déchets dangereux et, d'autre part, l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Il doit conclure auparavant, à la mi-journée, son débat entamé hier sur les rapports présentés par l'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable et par le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires.


Réunion-débat sur les droits de l'homme des enfants dont les parents sont condamnés à la peine de mort ou ont été exécutés

Introduction et observations liminaires

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a rappelé que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme milite pour l'abolition de la peine de mort et pour l'adoption d'un moratoire international. Elle a aussi souligné que 150 des 193 États Membres de l'ONU ont aboli la peine de mort ou instauré un moratoire, de droit ou de fait, sur son application. D'autres pays ont convenu que la peine capitale est contraire aux droits de l'homme. De nombreux instruments internationaux abordent également la question de la peine de mort et la limitent aux cas les plus graves, comme l'article 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politique, et l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui interdit cette peine pour les moins de 18 ans.

La résolution 22/11 du Conseil des droits de l'homme, par laquelle il a décidé de la présente réunion, met l'accent sur l'impact de la peine de mort sur les enfants de parents exécutés. La Haut-Commissaire adjointe a souligné que nombre d'études ont révélé que la peine de mort a des répercussions disproportionnées sur les enfants, en particulier dans les milieux défavorisés. Les enfants dont les parents sont condamnés à mort ou ont été exécutés subissent donc une double discrimination. Les enfants devenus ainsi orphelins sont vulnérables et peuvent être victimes de toutes sortes de violence, dont des violences physiques, psychologiques, voire sexuelles. Mme Pansieri a recommandé de rechercher des alternatives à la peine de mort, sans compromettre pour autant l'administration de la justice lorsqu'un crime est commis, mais en examinant, sous tous les angles, les conséquences qu'une telle sentence risque d'avoir sur les enfants de parents exécutés.

La Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, MME MARTA SANTOS PAIS, dans une déclaration lue par Mme Marcia Kran, Directrice de la Division recherche et droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a constaté qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas d'informations exactes sur le nombre d'enfants concernés par la perte d'un parent condamné à mort, ni de renseignements sur la façon dont leur vie quotidienne en est affectée. La Représentante spéciale encourage à mener de nouvelles recherches sur ce problème. Soulignant que les enfants concernés sont traumatisés et profondément atteints dans leur personne, Mme Santos Pais relève que ceux-ci risquent d'adopter des comportements violents et de se replier sur eux-mêmes. Enfin, le manque de soins dont ils sont victimes leur fait courir le péril de sombrer dans la criminalité. En conséquence, la situation de ces enfants exige une attention urgente pour éviter qu'ils soient victimes de discrimination et de stigmatisation.

M. BERNARD DE CROMBRUGGHE (Belgique), modérateur de la réunion-débat, a rappelé que celle-ci se tient à l'initiative de son pays, avant de déclarer que le bon sens commande la convocation d'une telle réunion, compte tenu de l'incidence très négative de l'exécution d'un parent sur son enfant, et les répercussions sociales, financières et psychologiques qui s'ensuivent. La Belgique est convaincue que le Conseil est le forum idoine pour examiner les problèmes de droits de l'homme liés aux exécutions capitales. Dans ce contexte, la résolution 22/11 du Conseil vise clairement à remédier aux conséquences de l'application de la peine de mort sur les enfants innocents. Selon M. Crombrugghe, la présente réunion-débat poursuit trois objectifs: analyser l'incidence négative de l'exécution d'un parent sur les droits de l'homme de ses enfants; mieux comprendre les normes internationales de droits de l'homme relatives aux droits de ces enfants; et discuter de la protection et de l'assistance à apporter à ces enfants.

M. JORGE CARDONA LLORENS, Professeur de droit international et membre du Comité des droits de l'enfant, a indiqué la doctrine bien établie du Comité des droits de l'enfant établit un «intérêt supérieur de l'enfant» qui doit être pris en compte en priorité dans toute décision le concernant. M. Cardona a souligné que trois données clés peuvent être tirées de l'observation générale numéro 14 du Comité des droits de l'enfant dans ce contexte: le concept de droit de l'enfant, les décisions le concernant et la notion de «considération primordiale». À la question de savoir si la condamnation à mort d'un parent a des répercussions sur un enfant, la réponse ne fait aucun doute. En conséquence de quoi, la condamnation à la peine capitale étant une question concernant l'enfant, celui-ci a droit à ce que son intérêt supérieur constitue une considération primordiale lorsqu'il y a une décision à prendre. Cela signifie, en premier lieu, qu'avant de prononcer la sentence, la justice doit évaluer les possibles répercussions, positives ou négatives, sur l'enfant ou les enfants intéressés. Les États ayant ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant ont l'obligation d'évaluer toute conséquence d'une décision susceptible d'affecter un enfant. À la lumière de cette évaluation, on doit déterminer quel est l'intérêt supérieur de l'enfant en relation avec la décision qui sera adoptée. Et cet intérêt devra être pondéré avec les autres intérêts en présence. Concrètement, s'il existe une possibilité d'alternative à la peine capitale, afin de concilier l'intérêt supérieur de l'enfant avec celui de la société, tout en prenant éventuellement en compte d'autres considérations, cette alternative doit être privilégiée, a expliqué M. Cardona. En outre, si une mesure de grâce est possible une fois adoptée la sentence, l'organe étatique qui doit prendre la décision a l'obligation de considérer l'intérêt supérieur de l'enfant comme élément «primordial». Si, au bout du compte, la peine de mort est prononcée, il y a obligation de prévoir les mesures nécessaires pour assurer la protection des enfants du futur supplicié.

MME SANDRA JONES, Professeur associé à l'Université Rowan, États-Unis, a partagé son expérience avec les enfants de parents attendant leur exécution ou déjà exécutés aux États-Unis. Ils vivent souvent dans un état de chagrin permanent et sont victimes de stigmatisation. Les relations avec leurs parents, souvent des pères, est compliquée par les procédures de sécurité dans les prisons. Ils ne peuvent donc pas avoir des rapports normaux avec leurs pères. À l'école, la stigmatisation qu'ils subissent entraîne de mauvais résultats scolaires, et parfois de la violence. Ces enfants perdent également confiance en l'État et en la justice, souffrent de troubles mentaux et du comportement, connaissent des problèmes de drogues, d'insomnie, de phobie sociale et se suicident, a encore indiqué l'experte.
MME NISREEN ZERIKAT, Centre national des droits de l'homme de la Jordanie, a observé que, de par leurs compétences juridiques, les institutions nationales des droits de l'homme jouent un rôle clé dans la protection des enfants dont les parents ont été exécutés. Le Centre national des droits de l'homme de la Jordanie promeut activement la protection des enfants dont les parents sont emprisonnés, la peine de mort ayant été suspendue en Jordanie il y a plusieurs années. Il accompagne les détenus dans les centres de détention, contrôle le respect de leurs droits fondamentaux et veille à ce que les familles bénéficient d'une assistance adéquate. Le Centre travaille avec les médias pour minimiser les effets pour les enfants de la couverture journalistique des crimes et délits. Il consacre en outre des séances de sensibilisation des enseignants aux droits et besoins des enfants concernés, afin d'éviter leur stigmatisation. Le Centre forme aussi les policiers sur la manière de procéder lors de l'arrestation d'un adulte à domicile, de façon à minimiser le traumatisme subi par les enfants. Le Centre préconise, enfin, une nouvelle stratégie nationale de protection des droits de l'enfant basée sur la prise en compte de ses intérêts supérieurs.

M. FRANCIS SSUUBI, Directeur exécutif de Wells of Hope en Ouganda, a indiqué que 408 personnes, dont 31 femmes, étaient condamnées à mort dans son pays, 2040 enfants étant concernés. Il a donné des exemples concrets en citant le cas d'une jeune fille qui a tenté de se suicider en se jetant sous une voiture parce que sa mère avait été exécutée. Il a raconté, le chagrin, l'anxiété, le stress, la perte de confiance en soi, autant de sentiments que vivent ces enfants de condamnés à la peine capitale. Ils se sentent complètement perdus, sont montrés du doigt et peuvent même être victimes d'actes de sorcellerie. Certains deviennent violents, voire délinquants, d'autres perdent la raison. En classe, ils se tiennent bien souvent en retrait. La plupart des condamnés étant des hommes, leurs enfants, les filles en particulier, deviennent des proies faciles et sans défense, d'autant qu'il ne va pas de soi de porter plainte lorsque l'on a un parent dans le couloir de la mort. En outre, ces enfants perdent souvent contact avec le parent emprisonné, d'autant qu'on ne leur dit bien souvent pas la vérité. Dans certains cas, ils doivent également s'occuper de leurs frères et sœurs une fois orphelins, lorsque le père a tué la mère par exemple. En conclusion, M. Ssuubi a lancé un appel à l'action pour améliorer le sort de ces enfants.

Débat

Les délégations d'États dans leur majorité ont exprimé leur rejet de la peine de mort et demandé aux États qui la pratiquent encore d'y renoncer ou d'adopter un moratoire. Pour la France, la peine de mort n'est rien de moins qu'une violation des droits de l'homme. Quel que soit le crime qu'un individu peur commettre, il ne faut pas oublier les conséquences que peut avoir son exécution sur sa famille et notamment ses enfants, a ajouté la délégation. Cela est d'autant plus vrai que de nombreuses études montrent que la peine de mort n'a pas d'effet dissuasif. La Norvège a plaidé pour la tenue d'un séminaire d'experts des Nations Unies en vue de réfléchir aux mesures à prendre pour atténuer les conséquences de la peine de mort sur les enfants. Ces derniers n'ont commis aucun crime et sont des victimes cachées. Des victimes d'une politique d'État, a ajouté l'Argentine, plaidant aussi pour que l'intérêt supérieur de l'enfant soit toujours pris en compte, rejoint en cela par les délégations de l'Espagne et de la Suède.

Il faut que les États qui appliquent la peine de mort adoptent aussi des mesures d'accompagnement pour les enfants de condamnés à mort, ont plaidé l'Irlande et Cuba, ce dernier pays s'exprimant au nom de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC). Cela implique aussi que les dépouilles soient rendues aux familles, a ajouté Cuba. Ces mesures sont d'autant plus importantes que l'absence de chiffres fiables sur cette question est criante, a dit l'Italie, ajoutant que des études ont montré que les enfants de condamnés refusent l'autorité de l'État et peuvent finir par tomber eux-mêmes dans la délinquance.

Au nom d'un groupe de pays, le Pakistan a estimé que la Convention relative aux droits de l'enfant fournit déjà les règles pertinentes en la matière et que chaque État reste souverain dans sa façon d'appliquer la justice. S'il y a un besoin de protéger les enfants des conséquences de la peine capitale appliquée à leurs parents, il y a aussi un besoin de protéger les enfants des personnes en détention, soumises à une extradition ou victimes d'exécutions extrajudiciaires, notamment par les drones. Les Émirats arabes unis ont noté qu'il n'existe pas de lien juridique entre les condamnés à mort et leurs enfants. L'objectif du débat ne doit pas être d'inciter à l'abolition de la peine de mort. La délégation a rappelé que l'application de la peine de mort fait partie des prérogatives des États souverains.

La Suisse a jugé urgent que les États informent leur personnel chargé de l'application des lois de leurs obligations en matière d'assistance consulaire concernant les détenus d'origine étrangère. L'enfant d'un condamné à mort doit pouvoir visiter son parent en détention, qu'il réside ou non dans le même pays. La Belgique a préconisé la transparence dans l'application de la sentence: le ou les enfants des condamnés doivent être informés de l'avancement des processus légaux liés à la sentence, du lieu et de la date d'exécution, notamment. L'Autriche a observé que tous les enfants dont un parent est détenu, pour quelque motif que ce soit, souffrent d'un traumatisme comparable. La question qui importe est de savoir si ce parent assume des responsabilités parentales.

Résolument opposée à la peine de mort, l'Union européenne estime qu'un État qui procède à l'exécution d'un condamné est responsable de la prise en charge de ses enfants et des soins à leur apporter. Cette responsabilité est clairement stipulée à l'article 9 de la Convention relative aux droits de l'enfant, ratifiée par 193 États. L'Union européenne a demandé aux panélistes de dire comment la notion d'intérêt supérieur de l'enfant s'applique dans ce cas. La République de Moldova a appelé les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant et à abolir la peine de mort. La Pologne a demandé aux États de tenir compte, en condamnant un justiciable, de l'intérêt supérieur de ses enfants ainsi que des conséquences économiques, sociales et mentales de cette action.

Le Royaume-Uni a relevé qu'il faudra mener de nouvelles recherches pour déterminer combien d'enfants sont concernés par la condamnation à mort d'un parent et quels problèmes concrets se posent alors à eux. Le Monténégro a demandé aux experts de décrire les effets du processus de deuil sur les enfants de détenus condamnés à mort. Le Portugal a demandé l'avis des panélistes sur l'intérêt de préparer des lignes directrices internationales pour aider les États qui appliquent la peine de mort à garantir la protection et le soutien indispensables aux enfants concernés.

L'Afrique du Sud a voulu savoir comment les États peuvent concilier la nécessité de protéger les enfants et la volonté d'assurer la sécurité publique en appliquant la peine de mort.

La Nouvelle-Zélande a espéré que, malgré le caractère polémique de la peine de mort, les États trouveront un terrain d'entente sur la nécessité de protéger les enfants vulnérables des répercussions de cette peine.

L'Égypte a dit s'intéresser en particulier aux bonnes pratiques dans le domaine du soutien aux enfants concernés. Le Maroc a estimé que la protection accordée aux enfants dont les parents sont condamnés à mort doit être appliquée sur un pied d'égalité avec les autres enfants qui ont besoin de cette assistance, compte dûment tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant. La Thaïlande, qui applique la peine de mort, accorde une grande attention aux enfants dont les parents sont condamnés à la peine capitale. Elle organise en particulier des visites virtuelles et offre des bourses d'études aux enfants concernés. Le Département de la protection des droits et libertés étudie la possibilité d'abolir la peine de mort.

Les États devraient réfléchir à des peine alternatives à l'exécution, a déclaré l'une des organisations non gouvernementales, Penal Reform International. Comment l'intérêt supérieur de l'enfant peut-il être préservé dans de telles situations, s'est demandé le Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers. Verein Südwind Entwicklungspolitik a pour sa part présenté le témoignage d'un enfant dont les parents ont été exécutés, qui a conclu en lançant un appel aux États pour qu'ils prennent en compte le sort de ces enfants.

Amnesty International a déclaré que l'application de la peine de mort entraîne immanquablement des violations des droits fondamentaux des familles concernées. L'organisation a ajouté que les autorités de plusieurs pays ne remettent pas les corps des personnes exécutées à leurs familles et qu'elles ne leur communiquent pas la date d'exécution. Pour Servas International, la peine de mort n'est pas à même de résoudre les problèmes du monde, au contraire de l'éducation, formelle ou informelle.

Commentaires des panélistes

M. CARDONA LLORENS a souligné que la Convention des droits de l'enfant avait été ratifiée par tous les États sauf trois, dont les États-Unis. Ces derniers ont néanmoins entériné la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. Dans la pondération entre cet intérêt et celui de sanctionner le condamné, l'obligation de considérer le droit de l'enfant rend la peine capitale incompatible dans la pratique avec l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-il reconnu.

M. Cardona a rappelé que ce sont les États qui ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et ont, dès lors, souscrit à l'idée de privilégier l'intérêt supérieur de l'enfant en toutes circonstances. La sentence de peine de mort relève des catégories de peines graves qui a des conséquences sur la vie de l'enfant et son intérêt supérieur. L'observation générale 14 du Comité met en relief les conditions nécessaires pour protéger et assister l'enfant d'un condamné à mort. Les organes conventionnels gagneraient à mener une réflexion sur l'impact de cette situation sur l'enfant pour parvenir au plein respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, a préconisé M. Cardenas.

MME JONES a abondé dans le sens de la remarque de l'Italie selon laquelle l'exécution ou la condamnation à mort de parents faisait fréquemment de leurs enfants de nouveaux délinquants. Elle a cité plusieurs exemples confirmant ce phénomène. Il y a en quelque sorte une «reproduction» du parent à l'enfant, une sorte d'imitation, selon elle. Trop souvent par ailleurs, la famille d'un accusé passible de la peine de mort se voit interdire tout contact avec la famille de sa victime, y compris des années après la sentence. De tels contacts pourraient pourtant être utiles. Pour Mme Jones, le moratoire est justifié par la simple existence d'enfants de condamnés à la peine capitale. Ces enfants ont des besoins qui ne doivent pas être ignorés.

Mme Jones a également déclaré qu'à l'évidence, l'enfant d'un parent condamné à mort ou exécuté se sentira exclu et stigmatisé. L'impact de cette procédure est très lourd et ne prend en compte ni le sentiment de perte et de chagrin ni celui de l'absence irréversible du parent. Mme Jones a souligné que tant que la peine de mort ne sera pas abolie, il convient de prendre des mesures de protection et d'assistance, en particulier pendant le procès et dans les procédures administratives de visite. Aux États-Unis, la Californie est le seul État à permettre les visites avec un contact direct entre l'enfant et le parent condamné, a fait remarquer Mme Jones. Nombre de procédures sont aussi menées sans que l'enfant soit informé, a-t-elle ajouté.

MME ZERIKAT a estimé que les enfants des condamnés devraient bénéficier de garanties, notamment sous forme de programmes de travail et d'insertion, et que les organisations de la société civile devraient se voir accorder un plus grand rôle à cet égard. Elle a aussi soulevé le problème posé par l'obtention d'aveux par l'usage de la torture. Mme Zerikat a aussi rappelé qu'en Jordanie comme ailleurs, aucune étude n'a démontré le caractère dissuasif de la peine de mort, ajoutant que, depuis son abolition en 2006 dans son pays, la criminalité a eu au contraire tendance à diminuer.

Mme Zerikat a encouragé à mieux définir l'intérêt supérieur de l'enfant et à la mise en place d'un environnement social, économique et culturel favorisant le développement de l'enfant. Les institutions nationales des droits de l'homme peuvent jouer un rôle clé, tandis que la société civile gagnerait à faire pression pour la tenue de visites aux prisonniers qui soient plus humaines et plus intimes, en particulier lorsque des enfants sont concernés.

M. SSUUBI a constaté que tous les orateurs étaient favorables à la prise en compte des enfants dont les parents ont été condamnés à mort. En cas de commutation de la peine, la situation des enfants ne s'améliore pas sensiblement, a-t-il par ailleurs relevé. Il a souligné la grande souffrance psychologique des enfants de condamnés à mort qui ne savent pas quand et si leur parent sera effectivement exécuté, une situation angoissante qui peut se prolonger pendant des années.

M. Ssuubi a aussi déclaré que les États devraient assurer un contact entre le condamné et ses enfants. Il importe beaucoup que les enfants rendent visite à leurs parents détenus. D'autre part, il faut soutenir les enfants concernés ainsi que les personnes qui en ont la charge. Enfin, il faudrait assurer la protection sociale et médicale des enfants. Les enfants ne doivent pas payer le prix des erreurs de leurs parents. Les États doivent cesser de discuter et agir, a demandé M. Ssuubi.
Partager…