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Aghajari constate la fin des réformes et appelle à la résistance passive

dépêche de presse du 15 février 2004 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Iran
TEHERAN - L'intellectuel dissident Hachem Aghajari, condamné à mort pour blasphème, a secoué du fond de sa prison la torpeur de la campagne électorale en prononçant dans une lettre la fin des réformes et en appelant les Iraniens à la résistance passive contre "l'islam des talibans".

L'agence estudiantine Isna a publié un courrier signé par Hachem Aghajari le 6 février, alors que la République islamique était en proie à l'une de ses plus graves crises politiques.

Hachem Aghajari, qui attend depuis des mois de savoir si sa condamnation à mort sera confirmée ou non, s'y émeut de l'invalidation de milliers de candidatures réformatrices aux législatives du 20 février. Il s'en prend au "totalitarisme". Mais il se montre aussi extrêmement dur contre les réformateurs eux-mêmes, qui ont manqué de "courage", et à leur chef de file, le président Mohammad Khatami.

Les élections qui s'annoncent "mettent fin aux réformes au sein du régime", dit, de sa cellule de la prison d'Evine à Téhéran, celui dont le nom avait été cité fin 2003 pour le Nobel de la paix attribué à sa compatriote Shirin Ebadi..

"Les gens ont compris, avec six années d'expérience", la durée de la présidence de M. Khatami, "que la préservation des structures actuelles rend vain tout espoir de réforme et de changement".

Il ne reste plus aux Iraniens que "la résistance passive", pour "dire non aux tenants du totalitarisme".

Car, avec la tenue d'élections faussées selon lui, "nous assistons à la répétition de l'histoire, sur le mode comique: en très peu de temps, le visage démocratique de la constitution iranienne va se transformer en un visage autocratique". Il oppose le combat "pour un islam libéré, les droits de l'Homme, la libem des talibans, au despotisme, au totalitarisme, à la violence, à la guerre et au terrorisme".

Mais, "en même temps que cette répétition comique de l'histoire, nous assistons à une tragédie: la tragédie Khatami". "Le président que non seulement les Iraniens mais aussi le monde entier connaissaient comme une figure de la défense des droits civiques, de la liberté et de la démocratie, a déçu ceux qui avaient placé leurs espoirs en lui et qui ne croient plus aujourd'hui que l'occasion a été manquée parce qu'il ne pouvait faire autrement ou parce qu'ils l'ont empêché d'agir".

La protestation des réformateurs contre le "coup d'Etat parlementaire" des conservateurs a "réchauffé le coeur", dit-il. Mais, depuis l'élection de Mohammad Khatami (en 1997) et la victoire des réformateurs aux législatives (en 2000), "de grandes chances ont été gaspillées par manque de volonté et de courage".

"La génération présente devrait avoir le droit de choisir ses propres structures de gouvernement et sa constitution", conclut-il.

Cette nouvelle remise en cause radicale secoue l'apathie de la campagne. Elle provient d'un combattant de la première heure de la Révolution islamique et de la guerre contre l'Irak condamné à la peine capitale, à huit ans de prison et au fouet le 6 novembre 2002.

Le tribunal à juge unique de Hamédan (ouest) accusait le professeur d'histoire d'avoir plaidé le 19 juin précédent pour une sorte de protestantisme islamique et déclaré que les musulmans ne sont pas des "singes" pour "suivre aveuglément un chef religieux".

Devant la contestation de plus en plus politisée suscitée par cette condamnation, la condamnation a été cassée et le jugement réformé. Les huit ans de prison sont devenus trois, le fouet a été converti en amende. La peine d'emprisonnement est devenue exécutoire. Mais le tribunal n'a pas encore tranché la question de la peine de mort.

La justice, conservatrice, a indiqué en janvier qu'elle réexaminerait l'affaire après les législatives où beaucoup prédisent la victoire de ces mêmes conservateurs. "Il est très probable que la pression sera plus forte pour moi après cette lettre", prédit M. Aghajari.
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