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Etats-Unis: feu vert de la Cour suprême à une méthode d'exécution controversée

dépêche de presse du 29 juin 2015 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Malgré la longue agonie endurée par plusieurs condamnés à mort, la Cour suprême des Etats-Unis a donné son feu vert lundi aux exécutions par l'injection d'une substance controversée, estimant qu'elles ne constituaient pas un châtiment inhumain contraire à la Constitution.

La plus haute juridiction du pays, qui se prononçait pour la première fois sur la peine capitale en sept ans, était saisie par quatre condamnés à mort de l'Oklahoma (sud) qui craignaient de mourir dans des souffrances proscrites par la Constitution, au regard de récentes exécutions manifestement douloureuses.

Les cinq juges conservateurs, contre les quatre progressistes, ont estimé que les plaignants n'avaient pas montré «un quelconque risque substantiel de souffrances» en cas de recours au midazolam, un anxiolytique utilisé avant l'administration du produit mortel.

Pour la majorité, le juge Samuel Alito a estimé que «les prisonniers n'avaient pas identifié une méthode d'exécution disponible et alternative qui implique un moins grand risque de souffrance».

A la grande satisfaction de la gouverneure de l'Oklahoma, la haute Cour a, en conséquence, jugé cette méthode d'exécution conforme au 8e Amendement de la Constitution qui interdit les châtiments «cruels et inhabituels».

«En protégeant même ceux qui ont commis les crimes les plus odieux, le 8e Amendement réaffirme le devoir d'un gouvernement à respecter la dignité de toutes les personnes», a estimé la juge Sonia Sotomayor, au nom des quatre juges progressistes de la minorité.

Stricto sensu, la question que se posait la haute Cour portait sur la constitutionnalité du midazolam, qui a été utilisé par l'Oklahoma, la Floride, l'Ohio et l'Arizona, en association avec un ou deux autres produits, et reste envisagé par d'autres Etats.

Mais à l'audience le 29 avril, comme en rendant la décision lundi, le débat a porté sur l'injection létale, approuvée il y a sept ans par cette même Cour, et l'avenir de la peine capitale aux Etats-Unis.

Deux juges progressistes, dont Stephen Breyer, ont estimé lundi qu'il était «grand temps de se poser une question basique: est-ce que la peine de mort elle-même est constitutionnelle?».

Cette affaire portait «tout autant sur l'existence même de la peine de mort que sur l'injection létale», a dit à l'AFP l'experte Deborah Denno, jugeant «inexcusable» que la Cour suprême «continue de valider depuis des décennies un système d'exécution qui devient chaque année plus irréfléchi et monstrueux».

Les 31 Etats (sur 50) qui autorisent la peine de mort souffrent d'une pénurie d'anesthésiants, que les fabricants européens refusent de leur fournir à des fins d'exécutions.

Devant l'impasse, certains Etats sont revenus à la chaise électrique, à l'inhalation d'azote ou même au peloton d'exécution. D'autres ont recours à des préparateurs en pharmacie non homologués pour obtenir des produits et continuer à exécuter par injection.

Les autres Etats avaient préféré suspendre leurs exécutions, dans l'attente de la décision de la Cour suprême. Dix Etats au total n'exécutent plus pour diverses raisons tandis que 19 Etats ont purement et simplement aboli la peine de mort.

«La plus grande partie de l'Amérique a tourné le dos à la peine de mort, seule une poignée de comtés persistent à mettre les gens à mort, il est temps de mettre fin à cette désastreuse expérience», a jugé la puissante Union américaine de défense des libertés.

Pour Richard Dieter, du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC), on se souviendra plus de ce jugement, qui reste volontairement «étroit», pour l'avis des juges de la minorité car ils ont «planté le drapeau pour de futurs débats sur la peine capitale elle-même».

Dale Baich, l'avocat des plaignants, a promis de continuer à se battre «devant les tribunaux pour (...) empêcher d'autres exécutions problématiques à l'avenir».

Le midazolam était en cause dans plusieurs exécutions apparemment accompagnées de souffrances.

Le 16 janvier 2014, dans l'Ohio (nord), Dennis McGuire est mort au bout de 26 minutes après avoir visiblement suffoqué. Le 29 avril, en Oklahoma, Clayton Lockett a succombé au bout de 43 minutes de râles et gémissements. Le 23 juillet, Joseph Wood en Arizona (sud-ouest) a péri 117 minutes après l'injection, contre une dizaine de minutes habituellement.

Et Charles Warner, l'un des plaignants de cette affaire, a été exécuté en janvier 2015, alors que quatre des neuf juges suprêmes s'y étaient opposés. Sur la table d'exécution, il a dit: «Mon corps est en feu».
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