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Libye : l'ONU condamne le manque d'équité dans le procès d'anciens responsables du régime de Qadhafi

communiqué de presse du 28 juillet 2015 - Organisation des Nations Unies
Pays :
peine de mort / Libye
Seif al-Islam Kadhafi
28 juillet 2015 – La Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme (HCDH) ont condamné mardi les verdicts et peines prononcés à l'issue du procès d'ancien hauts responsables du régime de Mouammar Qadhafi, au motif que les normes internationales relatives au droit à un procès équitable n'ont pas été respectées.

Suite à l'annonce par la Cour d'assise de Tripoli des jugements concernant 37 responsables du précédent régime, accusés d'avoir tenté d'étouffer la révolution libyenne de 2011, le Directeur de la Division des droits de l'homme, de la justice transitionnelle et de l'état de droit de la MANUL, Claudio Cordone, s'est inquiété dans un communiqué de presse des conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès.

Selon M. Cordone, la Cour a annoncé plus tôt dans la journée que Saif al-Islam Qadhafi, fils du dictateur défunt, ainsi que six autres responsables ont été jugés par contumace. A l'issue du procès, Saif al-Islam Qadhafi, l'ancien chef des renseignements Abdallah al-Senoussi, le dernier Premier ministre du régime al-Baghdadi al Mahmoudi et six autres accusés ont été condamnés à mort par un peloton d'exécution. Huit autres accusés ont reçu des peines d'emprisonnement à vie et le reste des personnes reconnues coupables a été condamné à des peines allant de cinq à douze ans d'emprisonnement. Quatre accusés sur les 37 ont en outre été acquittés, a précisé le responsable de la MANUL.

M. Cordone s'est dit préoccupé par le fait que plusieurs accusés n'ont pas assisté à un certain nombre de séances de la Cour. De plus, a-t-il regretté, les preuves de la culpabilité des accusés ont été en majorité établies de manière collective, de sorte que la Cour n'a déployé que peu d'efforts pour établir leur responsabilité pénale individuelle, comme le préconise les standards juridiques internationaux.

Le responsable de la MANUL a également déploré l'absence totale de témoins ou de documents présentés par l'accusation, qui s'est cantonnée à l'utilisation des preuves écrites disponibles dans le dossier d'accusation, « passant ainsi à côté d'une opportunité historique de bâtir un registre public des crimes commis par l'ancien régime – une étape clé dans le processus libyen de justice transitionnelle ».

Selon M. Cordone, la prochaine étape de la procédure juridique consistera uniquement à un examen de la conformité des jugements prononcés par rapport à la loi libyenne, au lieu d'une procédure d'appel portant sur les faits, comme l'exigeraient les bonnes pratiques juridiques internationales.

De son côté, le HCDH s'est également déclaré profondément troublé par les jugements prononcés à l'issue du procès.

« Parmi les principales lacunes [de la Cour] figurent son incapacité à établir la responsabilité pénale individuelle pour des crimes spécifiques. Il y a aussi eu de graves problèmes liés à l'accès des accusés à des avocats, ainsi que des allégations de mauvais traitements et la conduite du procès par contumace », a dénoncé une porte-parole du HCDH, Ravina Shamdasani, lors d'un point de presse à Genève, en Suisse.

Mme Shamdasani s'est par ailleurs élevée contre les neuf condamnations à mort prononcées dans le cadre du procès.

« L'ONU s'oppose à l'utilisation de la peine de mort en toute circonstance. Dans ce cas précis, où les normes d'équité du procès n'ont manifestement pas été respectées, nous déplorons encore plus vivement l'utilisation de la peine de mort », a expliqué la porte-parole du HCDH.

Mme Shamdasani a par conséquent exhorté les autorités libyennes à entreprendre une réforme juridique de toute urgence, afin de garantir le respect des droits humains dans l'administration de la justice et de faire en sorte que les jugements de la Cour d'assise puissent faire l'objet de procédures d'appel.
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