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Mauritanie/islam: peine de mort confirmée pour un blogueur mais renvoi devant la Cour suprême

dépêche de presse du 22 avril 2016 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Mauritanie
Cheikh Ould Mohamed M'Kheitir
Nouakchott - La condamnation à mort d'un blogueur mauritanien pour apostasie a été confirmée jeudi en appel, mais les faits ont été requalifiés en mécréance, une accusation moins lourde, entraînant le renvoi du dossier à la Cour suprême, a appris l'AFP de source judiciaire.

La cour d'appel de Nouadhibou, dans le nord-ouest de la Mauritanie, a confirmé la peine de mort prononcée contre le jeune blogueur le 24 décembre 2014, mais pour mécréance, en raison de son repentir, dont la Cour suprême devra apprécier la sincérité, en vue de son éventuelle relaxe, a précisé cette source.

La peine de mort prévue pour apostasie par l'article 306 du Code pénal est sans appel, mais en cas de mécréance, ce texte prévoit que, si le condamné se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisisse la Cour suprême, a expliqué la même source, jointe par téléphone de Nouakchott.

C'est cette dernière disposition qui a été retenue et qui se traduira par le renvoi de son dossier devant la Cour suprême pour s'assurer de la sincérité de son repentir et éventuellement l'innocenter, a-t-on ajouté.

L'accusé, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed, un musulman âgé d'une trentaine d'années, est détenu depuis le 2 janvier 2014 pour un article sur internet considéré comme blasphématoire envers le prophète de l'islam.

L'accusation a réclamé jeudi la confirmation de la peine prononcée par la Cour criminelle de Nouadhibou, tandis que l'accusé et ses conseils - deux avocats mauritaniens et deux tunisiens, assurant bénévolement sa défense - ont insisté sur son repentir, a-t-on appris de source judiciaire.

Malgré la confirmation de la peine, le plus important est que la Cour a décidé de renvoyer le dossier d'Ould Mkheitir devant la Cour suprême pour s'assurer de son repentir, a estimé une de ses avocates, Fatimata Mbaye.

On peut dire que c'est un pas décisif sur cette voie, il reste à la Cour suprême de statuer en dernier ressort, s'est félicitée Me Mbaye.

La salle était pleine mais la pression sensiblement moins forte à l'audience et autour du palais de Justice qu'en première instance, a souligné une source judiciaire locale.

Alors que l'opinion mauritanienne avait favorablement accueilli le verdict de première instance - l'annonce de la sentence avait été saluée par des manifestations de joie à Nouadhibou et à Nouakchott - l'organisation Amnesty International a appelé jeudi dans un communiqué à l'annulation de la condamnation du blogueur et à sa libération sans condition.

La peine capitale prononcée pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent la religion à des fins de discrimination est injuste, a déclaré Gaëtan Mootoo, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International, cité dans le texte.

Pour l'ONG, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir est un prisonnier d'opinion, uniquement emprisonné pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d'expression.

En première instance, il avait plaidé non coupable et expliqué qu'il n'avait pas l'intention de critiquer le prophète, mais de défendre une composante sociale mal considérée et maltraitée, la caste des forgerons (maalemine), dont il est lui-même issu, traditionnellement au bas de l'échelle sociale.

Ex-colonie française devenue indépendante en 1960, la Mauritanie est une République islamique où la charia (loi islamique) est officiellement en vigueur mais dont les sentences extrêmes comme les peines de mort et de flagellation ne sont plus appliquées depuis une trentaine d'années.

La peine de mort n'y est pas officiellement abolie mais la dernière exécution remonte à 1987, selon des défenseurs des droits humains. Cette affaire est le premier cas de condamnation à mort pour apostasie dans le pays.

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