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Etats-Unis: un verdict peut être annulé en cas de juré raciste

dépêche de presse du 7 mars 2017 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Washington - La Cour suprême des Etats-Unis a enfoncé lundi un coin historique dans un grand principe du droit pénal américain, celui du secret des délibérations du procès d'assises, en décidant qu'un verdict pouvait être annulé a posteriori si un des jurés était raciste.

Très divisée sur la question, la haute cour siégeant à Washington a rendu son arrêt à la courte majorité de cinq magistrats sur huit.

La décision crée une exception à une règle sacro-sainte, considérée comme absolue depuis des siècles au nom de l'impartialité et de l'équité de la justice.

L'affaire examinée par les sages concerne un Hispanique, Miguel Angel Pena-Rodriguez, accusé en 2007 d'une tentative d'agression sexuelle sur deux adolescentes dans un hippodrome de Denver, dans l'Etat du Colorado.

L'homme avait comparu devant un jury classique, composé de 12 citoyens tirés au sort, qui avaient promis de fonder leur intime conviction uniquement sur les faits reprochés. Ils ont finalement conclu à une culpabilité partielle de Pena-Rodriguez, condamné à deux ans de mise à l'épreuve.

En théorie, le public était censé ignorer ce que se sont dit les jurés, après qu'ils se sont retirés pour délibérer. Et, en théorie toujours, ces discussions ne pouvaient servir après coup à remettre en cause le verdict.

Mais deux des jurés, visiblement choqués par ce qu'ils avaient entendu de la bouche d'un autre membre du jury, ont trahi ce secret. Ils ont rapporté à l'avocat de Pena-Rodriguez des propos ouvertement racistes tenus selon par l'un des douze, un ancien policier.

- 'C'est un Mexicain' -

"Je pense qu'il (Pena-Rodriguez, NDLR) a fait ça parce que c'est un Mexicain et que les Mexicains agissent comme bon leur semble", a par exemple asséné le juré en présence de ses pairs.

Exigeant en raison de ces déclarations la tenue d'un nouveau procès, l'avocat de Pena-Rodriguez a saisi la justice du Colorado, mais s'est vu débouter en première instance et en appel.

La Cour suprême a en dernier ressort examiné l'affaire en octobre, appelée à évaluer si l'obligation de juger sans racisme, prévue par le sixième amendement de la Constitution américaine, devait primer sur le secret des délibérations du jury.

La plus haute instance judiciaire américaine a finalement tranché par l'affirmative, dans un arrêt rédigé par le juge conservateur modéré Anthony Kennedy, qui a rejoint le bloc des quatre magistrats progressistes de la juridiction.

"Les préjugés racistes soulèvent des inquiétudes sans comparaison sur le plan historique, constitutionnel et institutionnel", a souligné le juge octogénaire.

"Un effort pour s'attaquer aux préjugés racistes les plus graves n'est pas une tentative de perfectionner un jury, mais un moyen de nous assurer que notre système judiciaire reste fidèle à sa mission d'équité devant la loi, si cruciale au bon fonctionnement d'une démocratie", a-t-il écrit.

Les trois magistrats les plus conservateurs de la haute cour ont rendu des opinions de désaccord, en s'alarmant d'une atteinte inédite au sanctuaire du jury pénal.

- 'Porte entrouverte' -

"Les jurés sont des gens ordinaires", a rappelé le juge Samuel Alito. "On attend d'eux qu'ils parlent, débattent, argumentent et décident de la même façon que les gens ordinaires le font dans leur vie de tous les jours".

"Pour protéger ce droit, la porte de la chambre des délibérations reste hermétiquement fermée et le secret des discussions du jury est bien gardé", a-t-il poursuivi, en reprochant à l'arrêt rendu lundi d'avoir "entrouvert la porte".

Désormais rien n'empêche, a-t-il soutenu, que d'autres verdicts soient remis en cause par d'autres "intrusions" sur des motifs différents.

C'est la deuxième fois en deux semaines que la Cour suprême aborde le sujet sensible du racisme qui entache le système judiciaire américain.

Elle avait suspendu le 22 février l'exécution prévue au Texas d'un condamné à mort, qui avait été présenté lors de son procès comme potentiellement plus dangereux car étant un Noir.

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