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Question de la peine de mort : Rapport du Secrétaire général (2006)

E/CN.4/2006/83
rapport du 12 janvier 2006 - Secrétaire général des Nations Unies
NATIONS UNIES
Conseil économique et social
E/CN.4/2006/83
12 janvier 2006

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-deuxième session
Point 17 a) de l'ordre du jour provisoire
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME: ÉTAT DES PACTES INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME

Question de la peine de mort
Rapport du Secrétaire général

Résumé
Par sa résolution 2005/59, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixante-deuxième session, après consultation des gouvernements, des institutions spécialisées et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine capitale et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment du délit et à des personnes atteintes d'une forme quelconque de déficience mentale ou intellectuelle (voir aussi la résolution 1984/50 du Conseil économique et social datée du 25 mai 1984).
Le présent rapport, qui contient des renseignements portant sur la période allant de janvier 2004 à décembre 2005, indique que la tendance à l'abolition de la peine de mort se poursuit, comme le montre, notamment, l'accroissement du nombre de pays où la peine de mort est abolie et du nombre de ratifications des instruments internationaux qui en prévoient l'abolition.

TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION
II. CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE
A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions
B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun
C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation
D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort
E. Pays observant un moratoire sur les exécutions
F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions
III. APPLICATION DE LA PEINE DE MORT
IV. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL
V. APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT
VI. LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE − RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 2005
VII. CONCLUSIONS

Annexes
I. Tables indicating the status of the death penalty worldwide as of 31 december 2005
II. Résumé des observations reçues des États membres


I. INTRODUCTION

1. Au paragraphe 11 de sa résolution 2005/59, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général "de lui présenter, à sa soixante-deuxième session, après consultation des gouvernements, des institutions spécialisées et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine capitale et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment du délit et à des personnes atteintes d'une forme quelconque de déficience mentale ou intellectuelle"(1). À ce jour, sept rapports quinquennaux ont été présentés, le plus récent en 2005 (E/2005/3), pour la période allant de 1999 à 2003.
Le septième rapport quinquennal a été présenté à la Commission des droits de l'homme à sa soixante et unième session en 2005(2). Le présent rapport supplémentaire contient des informations couvrant la période allant de janvier 2004 à décembre 2005, afin de combler les lacunes éventuelles depuis la dernière version du rapport quinquennal.

2. Les rapports quinquennaux ont été établis par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à Vienne, à partir d'un questionnaire détaillé envoyé aux États. Les rapports utilisent également d'autres sources disponibles, y compris les recherches criminologiques, et des informations émanant d'institutions spécialisées et d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Le dernier rapport quinquennal donne des précisions sur l'évolution de la situation en ce qui concerne la peine de mort et son application, le respect des garanties destinées à protéger les droits des personnes passibles de la peine de mort, et les faits nouveaux survenus sur le plan international dans ce domaine.

3. En vue du présent rapport établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et en application de la résolution 2005/59 de la Commission des droits de l'homme, les États et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales ont été priés de donner des informations sur les changements survenus dans la législation et la pratique concernant la peine de mort ainsi que l'application des garanties. Suite à cette demande, des renseignements ont été reçus des États suivants: Algérie, Chili, Colombie, Costa Rica, Fédération de Russie, Japon, Maroc, Mexique, Philippines, Qatar, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Turquie et Venezuela (République bolivarienne du). Ces informations sont résumées dans l'annexe II du présent rapport et peuvent en outre être consultées au secrétariat. De plus, les organisations suivantes ont envoyé leurs publications et autres documents sur la question traitée dans le rapport: Amnesty International, la Communauté de Sant'Egidio, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

4. Dans le présent rapport, conformément à la pratique adoptée dans les rapports quinquennaux, les États sont classés en pays abolitionnistes, pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun, pays abolitionnistes de fait ou pays favorables au maintien de la peine de mort. Sont considérés comme abolitionnistes les pays qui excluent la peine de mort pour toutes les infractions, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre. Les pays considérés comme abolitionnistes pour les infractions de droit commun sont ceux qui ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions de droit commun commises en temps de paix. Dans ces pays, la peine de mort n'est maintenue que pour des circonstances exceptionnelles, celles par exemple qui peuvent prévaloir en temps de guerre pour des infractions militaires, ou pour des infractions contre l'État, telles que la trahison ou l'insurrection armée. Sont considérés comme abolitionnistes de fait les pays dont la législation prévoit la peine de mort pour les infractions de droit commun mais où aucune exécution n'a eu lieu depuis au moins 10 ans. Tous les autres pays sont considérés comme favorables au maintien de la peine de mort, c'est-à-dire que cette peine y est en vigueur et que des exécutions y ont effectivement lieu, même si elles sont relativement rares dans beaucoup d'entre eux.

II. CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE

5. Les changements d'ordre législatif peuvent porter sur l'adoption d'une nouvelle législation abolissant ou rétablissant la peine de mort, ou qui en limite ou en élargit le champ d'application, ainsi que sur la ratification d'instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort. Sur le plan de la pratique, les changements peuvent concerner des mesures autres que les mesures législatives qui traduisent une transformation importante dans la façon de concevoir le recours à la peine de mort; des pays peuvent, par exemple, tout en maintenant la peine de mort, annoncer un moratoire sur son application. Il peut s'agir également de mesures visant à commuer les condamnations à la peine capitale. D'après les renseignements reçus ou recueillis auprès des sources disponibles, les changements survenus dans la législation et la pratique depuis le 1er janvier 2004 sont indiqués ci-après.

A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions

6. En mars 2004, la peine de mort a été abolie au Bhoutan par un décret royal. En février 2005, la Grèce a ratifié le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit la peine de mort en toutes circonstances. En janvier 2004, le Samoa a aboli la peine de mort par une loi modifiant la loi sur les infractions. En décembre 2004, le Parlement sénégalais a voté une loi qui abolit la peine de mort pour toutes les infractions. En 2004, la Turquie a interdit la peine de mort pour toutes les infractions, en vertu de sa constitution, et elle l'a supprimée de son code pénal; en janvier 2004, elle a signé le Protocole no 13 à la Convention européenne susmentionnée. En 2005, le Libéria et le Mexique ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions.

B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun

7. Au cours de la période à l'examen, aucun pays n'a aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun.

C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation

8. En novembre 2004, la chambre des députés du Parlement du Tadjikistan a adopté des modifications du Code pénal qui prévoient la détention à perpétuité pour cinq infractions qui étaient passibles auparavant de la peine de mort. Ces modifications ont été ratifiées par la Chambre haute du Parlement en février 2005 et signées par le Président en mars 2005.

9. Le 1er mars 2005, la Cour suprême des États-Unis a jugé, dans l'affaire Roper c. Simmons, que l'application de la peine de mort aux coupables qui avaient moins de 18 ans au moment de l'infraction était contraire à la Constitution, qui interdisait les châtiments cruels ou exceptionnels.

D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort

10. Il y a un instrument international et trois instruments régionaux en vigueur qui engagent les États parties à abolir la peine de mort, à savoir: le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Protocole no 6 et le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l'homme; et le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort. Le Protocole no 6 à la Convention européenne concerne l'abolition de cette peine en temps de paix. Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme prévoient l'abolition totale de la peine de mort mais autorisent les États qui le souhaitent à la maintenir en temps de guerre, s'ils formulent une réserve à cet effet au moment de la ratification. Le Protocole no 13 est relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre.

11. Au cours de la période à l'examen, cinq États ont adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques: le Canada le 25 novembre 2005, l'Estonie le 30 janvier 2004, le Libéria le 16 septembre 2005, la République tchèque le 15 juin 2004 et Saint-Marin le 17 août 2004. La Turquie a signé le Protocole le 6 avril 2004. Deux États ont ratifié le Protocole no 6 à la Convention européenne des droits de l'homme, Monaco le 30 novembre 2005 et la Serbie-et-Monténégro le 3 mars 2004. Treize États ont ratifié le Protocole no 13 à la Convention européenne: l'Allemagne le 10 novembre 2004, l'Autriche le 12 janvier 2004, l'Estonie le 25 février 2004, l'ex-République yougoslave de Macédoine le 13 juillet 2004, la Finlande le 29 novembre 2004, la Grèce le 1er février 2005, l'Islande le 10 novembre 2004, la Lituanie le 29 janvier 2004, Monaco le 30 novembre 2005, la Norvège le 16 août 2005, la République tchèque le 2 juillet 2004, la Serbie-et-Monténégro le 3 mars 2004 et la Slovaquie le 18 août 2005.

E. Pays observant un moratoire sur les exécutions

12. Au Kirghizistan, un décret présidentiel a prolongé le moratoire officiel jusqu'à la fin de 2005. Au Kazakhstan, le moratoire instauré en décembre 2003 a été respecté. Dans la Fédération de Russie, le moratoire de fait qui est en place depuis août 1996 continuait d'être observé. Le 30 avril 2004, le Président du Tadjikistan a instauré un moratoire et signé une loi à cet effet le 15 juillet 2004. L'Ouzbékistan continue d'appliquer et d'exécuter la peine de mort, mais en août 2005 le Président a signé un décret prévoyant l'abolition de cette peine à compter du 1er janvier 2008.

13. En 2004, le Président du Malawi a commué 79 condamnations à mort. En 2004, le Président de la Zambie a commué plusieurs condamnations à mort.

F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions

14. En juin 2005, plusieurs exécutions ont eu lieu après que l'Autorité palestinienne ait autorisé la reprise des exécutions, mettant un terme à un moratoire de trois ans. La peine de mort a été rétablie en Iraq, où les premières exécutions ont eu lieu en août 2005. Le 20 novembre 2004, le Cabinet du Président de Sri Lanka a annoncé que la peine de mort serait exécutée dans les affaires de viol, assassinat ou trafic de stupéfiants. Un moratoire sur les exécutions était en vigueur dans le pays depuis 1976. En avril 2004 est intervenue en Afghanistan la première exécution depuis la mise en place du gouvernement provisoire en 2001. En août 2004 on a enregistré en Inde la première exécution depuis les dernières années 90.

III. APPLICATION DE LA PEINE DE MORT

15. D'après les statistiques disponibles, au moins 7 395 personnes ont été condamnées à mort dans 64 pays et au moins 3 797 prisonniers ont été exécutés en 2004 dans 25 pays(3).

IV. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL

16. La question continue de figurer à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme. Par sa résolution 2005/59, la Commission engage tous les États qui maintiennent encore la peine de mort à l'abolir définitivement et, en attendant, à instituer un moratoire sur les exécutions; à limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine et, pour le moins, à ne pas en étendre l'application aux crimes auxquels elle ne s'applique pas aujourd'hui; à rendre publics les renseignements concernant l'application de la peine de mort et toute exécution prévue. Par cette résolution, la Commission prie instamment les États, entre autres choses, de ne pas appliquer la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans, d'en exempter les femmes enceintes et les mères ayant des enfants en bas âge et de ne pas l'appliquer à des personnes atteintes d'une quelconque forme de déficience mentale ou intellectuelle, ni d'exécuter un condamné atteint d'une telle déficience(4).

17. Le Comité des droits de l'homme a poursuivi l'examen des affaires impliquant la peine de mort en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans des constatations adoptées les 20 et 24 août et 10 décembre 2004, les 13 avril, 7 et 16 novembre 2005(5), le Comité a suivi sa jurisprudence habituelle en matière de violation du droit à la vie, en vertu de l'article 6 du Pacte, par l'application (et, dans le cas de Saidov et Khalilova, l'exécution) de la peine de mort, dans des circonstances où le droit de l'individu à un procès équitable n'était pas garanti. Dans des constatations adoptées les 7 septembre et 8 décembre 2004 et les 25 et 31 octobre 2005(6), le Comité a renvoyé à sa jurisprudence selon laquelle l'imposition automatique et obligatoire de la peine de mort constituait une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte, dès lors que cette peine était imposée sans qu'il soit possible de prendre en considération la situation personnelle du défendeur ou les circonstances du délit commis. L'imposition automatique de la peine de mort dans ces cas violait le droit de l'individu à la vie, consacré au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

18. Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a continué à surveiller la situation en ce qui concerne la peine capitale afin d'assurer le respect des engagements acceptés par tous les États membres du Conseil, dans le cadre de sa procédure de suivi thématique. La question continue à être examinée lors des réunions des délégués des ministres, à intervalles réguliers, "jusqu'à ce que l'Europe devienne une zone libre de jure de la peine de mort". En octobre 2005, le Comité des ministres a adopté une décision par laquelle il appelait la Fédération de Russie à prendre sans tarder toutes les mesures nécessaires pour transformer le moratoire sur les exécutions en abolition de jure de la peine de mort et à ratifier le Protocole no 6 à la Convention européenne des droits de l'homme. Il encourageait les États qui n'avaient pas encore signé ou ratifié le Protocole no 13 à le faire rapidement. En mai et octobre 2004, le Comité des ministres a soumis, au nom du Conseil de l'Europe, des déclarations à l'appui des "exposés en qualité d'amicus curiae" rédigés par l'Union européenne pour des affaires individuelles de condamnation à mort(7) aux États-Unis d'Amérique.

19. La Cour européenne des droits de l'homme a reconnu l'évolution considérable de la situation juridique en matière de peine capitale. Dans un arrêt rendu le 12 mai 2005 par la Grande Chambre dans l'affaire ÷çalan c. Turquie, la Cour a estimé que la peine de mort en temps de paix en est venue à être considérée comme une forme de sanction inacceptable qui n'est plus autorisée par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit à la vie. Pour la Cour, le fait de prononcer la peine de mort à l'encontre du requérant à l'issue d'un procès inéquitable devant un tribunal dont l'indépendance et l'impartialité étaient sujettes à caution constituait un traitement inhumain en violation de l'article 3 de la Convention.

20. Au cours de sa trente-huitième session ordinaire, en 2005, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a adopté une résolution relative à la composition et à l'opérationnalisation du Groupe de travail sur la peine de mort.

21. Le 10 octobre 2005, la Coalition mondiale contre la peine de mort a organisé la troisième Journée mondiale contre la peine de mort. L'accent y était mis sur l'Afrique car l'évolution récente fait apparaître une tendance croissante à l'abolition dans les pays africains.

V. APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT

22. Les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort sont notamment les suivantes: a) une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves; b) le droit de bénéficier d'une peine moins grave si, après que le crime a été commis, une disposition à cet effet est adoptée sous forme de loi; c) les personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis ne devraient pas être condamnées à mort, et la sentence ne devrait pas être exécutée dans le cas d'une femme enceinte, de la mère d'un jeune enfant ou de personnes frappées d'aliénation mentale; d) la peine capitale ne peut être exécutée que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant aucune place à une autre interprétation des faits; e) la peine capitale ne peut être exécutée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent après une procédure juridique offrant toutes les garanties possibles pour assurer un procès équitable, y compris le droit de l'accusé de bénéficier d'une assistance judiciaire appropriée; f) le droit de faire appel de la condamnation à mort devant une juridiction supérieure; g) le droit de se pourvoir en grâce ou de présenter une pétition en commutation de peine; h) la peine capitale ne sera pas exécutée lorsqu'une procédure d'appel ou toute autre procédure de recours est pendante; et i) lorsque la peine capitale est appliquée, elle est exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possibles.

23. Parmi les pays qui maintiennent la peine de mort, le Japon, les Philippines et le Qatar ont fait des observations sur les garanties (voir l'annexe II ci-dessous).

24. La Commission des droits de l'homme a chargé à mainte reprise la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de surveiller la mise en oeuvre des normes internationales en vigueur relatives aux garanties et restrictions concernant l'application de la peine capitale. La Rapporteuse spéciale a continué d'intervenir lorsqu'il y avait lieu de penser que les règles internationales n'étaient pas respectées, et lorsque l'application de la peine capitale pouvait constituer une violation du droit à la vie. En vue d'ouvrir un dialogue utile avec les gouvernements, des communications ont été envoyées, entre autres choses, lorsque la peine de mort avait été prononcée en application de lois ou à la suite de procédures judiciaires ne répondant pas aux normes internationales prévoyant un procès équitable; lorsque la peine capitale avait été appliquée pour des infractions qui ne semblaient pas entrer dans la catégorie des crimes les plus graves; et dans des affaires où la peine de mort avait été prononcée par des juridictions d'exception et en vertu d'une législation spéciale qui ne garantissait pas un procès équitable. La Rapporteuse spéciale s'est occupée tout particulièrement des cas où la peine de mort avait été prononcée de façon automatique. Elle est demeurée particulièrement préoccupée par la question de l'interdiction de l'application de la peine capitale aux mineurs délinquants. Des progrès ont été enregistrés au cours de la période à l'étude. Cependant, des informations répétées selon lesquelles dans quelques pays la peine de mort était encore prononcée pour des actes commis avant l'âge de 18 ans ont amené la Rapporteuse spéciale à intervenir de nouveau. Des pourparlers sont en cours à ce sujet entre la Rapporteuse spéciale et ces pays.

25. En 2005, la Commission, dans sa résolution 2005/59, a prié instamment tous les États qui maintiennent la peine de mort "de ne pas la prononcer dans le cas de personnes âgées de moins de 18 ans…" ou de "personnes atteintes d'une quelconque forme de déficience mentale ou intellectuelle, ni d'exécuter un condamné atteint d'une telle déficience". La Commission a réaffirmé la résolution 2000/17 de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme relative au droit international et à l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission du délit(8). Dans deux résolutions supplémentaires, adoptées en 2005(9), la Commission a engagé tous les États qui n'avaient pas encore aboli la peine de mort à respecter les obligations qu'ils avaient contractées en vertu des dispositions pertinentes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à savoir notamment les articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant et les articles 6 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ayant présentes à l'esprit les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.

26. Au cours de la période écoulée de janvier 2004 à décembre 2005, le Comité des droits de l'enfant a examiné avec cinq États parties à la Convention relative aux droits de l'enfant la question de l'abolition de la peine de mort pour les délits commis par des personnes de moins de 18 ans, au cours de l'examen des rapports de ces États. Le Comité a appris avec satisfaction que l'Arménie avait aboli la peine de mort de manière inconditionnelle(10) et que la République populaire de Chine l'avait abolie pour les délits commis par les personnes de moins de 18 ans(11). En revanche, il a relevé avec préoccupation qu'au Nigéria(12) et dans la République islamique d'Iran(13), la peine capitale était maintenue pour les délits commis avant cet âge. Pour les Philippines, le Comité a constaté avec satisfaction que des mesures juridiques avaient été promulguées pour interdire l'application de la peine de mort pour les délits commis avant l'âge de 18 ans mais il a déploré le fait que des personnes pouvaient être condamnées à mort sans que la preuve de leur âge ait été réellement établie(14).

27. En vue d'aboutir à l'abolition totale de la peine de mort, Amnesty International a lancé une campagne internationale, intitulée "Halte à l'exécution de mineurs délinquants", et visant à supprimer cette peine dans le cas des jeunes délinquants(15). Selon Amnesty International, 4 mineurs délinquants ont été exécutés en 2004 et 8 en 2005.

VI. LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE - RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 2005

28. Le dernier rapport quinquennal et sa version révisée contiennent un certain nombre de tableaux illustrant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde. Quelques-uns de ces tableaux sont reproduits dans l'annexe I du présent rapport et mis à jour pour tenir compte des faits nouveaux survenus jusqu'au 31 décembre 2005. Le tableau ci-dessous, établi à partir des renseignements figurant à l'annexe I, est un résumé de la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 31 décembre 2005:

Tableau 1
La peine de mort dans le monde - Résumé de la situation au 31 décembre 2005





Pays favorables au maintien de la peine de mort65
Pays abolitionnistes pour toutes les infractions85
Pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun12
Pays qui peuvent être considérés comme des pays abolitionnistes de fait34


VII. CONCLUSIONS

29. La tendance en faveur de l'abolition se poursuit. Le nombre de pays qui sont abolitionnistes pour toutes les infractions est passé de 77 à 85. Le nombre total de pays favorables au maintien de la peine de mort a baissé de 66 à 65. Le nombre de pays qui ont ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort est en nette augmentation.




Notes

1 The Safeguards guaranteeing protection of the rights of those facing the death penalty are contained in Economic and Social Council resolution 1984/50 of 25 May 1984. Economic and Social Council resolution 1989/64 of 24 May 1989 recommended steps for their implementation.

2 See E/CN.4/2005/94.

3 Amnesty International, "The death penalty worldwide: developments in 2004" (ACT 50/001/2005), p.3.

4 Para. 7(a-c).

5 Communication No. 964/2001, Saidova v. Tajikistan and Communication No. 1117/2002, Khomidov v. Tajikistan, Communication No. 912/2000, Deolall v. Guyana., Communication No. 973/2001, Khalilova v. Tajikistan, Communication No. 907/2000, Siragev v. Uzbekistan, Communication No. 985/2001, Aliboeva v. Tajikistan.

6 Communication no. 1167/2003, Rayos v. Philippines, Communication no. 1110/2002, Rolando v. Philippines, Communication No. 862/1999, Hussain and Hussain v. Guyana, Communication No. 913/2000, Chan v. Guyana.

7 The first, in May 2004, was in the case of Roper v. Simmons, concerning the application of the death penalty in the United States against persons who were below 18 years of age at the time of the offence. The second amicus curiae brief, of October 2004, was in the case of Jose Medellin and concerns the right of detained foreign nationals to be informed of the right to consular access (Art 36 of the Vienna Convention on Consular Relations).

8 Commission resolution 2005/59, preamble.

9 See Commission resolutions 2005/34 (Extrajudicial, summary or arbitrary executions), para 6; 2005/44 (Rights of the child), para. 27(a).

10 CRC/C/15/Add.225.

11 CRC/C/CHN/CO/2.

12 CRC/C/15/Add.257.

13 CRC/C/15/Add.254.

14 CRC/C/15/Add.258.

15 ACT 50/015/2004.
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