Le Parlement européen,
– vu la communication de la Commission du 6 octobre 2020 sur la politique d'élargissement de l'UE (COM(2020)0660) et le rapport 2020 sur la Turquie qui l'accompagne (SWD(2020)0355),
– vu le cadre de négociation avec la Turquie du 3 octobre 2005 et le fait que l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne dépend du plein respect des critères de Copenhague, comme c'est le cas pour tous les pays candidats, et la nécessité d'harmoniser ses relations avec tous les pays membres de l'Union, y compris la République de Chypre,
– vu la communication de la Commission du 29 mai 2019 sur la politique d'élargissement de l'UE (COM(2019)0260) et le rapport 2019 sur la Turquie qui l'accompagne (SWD(2019)0220),
– vu la communication de la Commission du 5 février 2020 intitulée «Renforcer le processus d'adhésion – Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux» (COM(2020)0057),
– vu la déclaration du 21 septembre 2005 de ce qui était alors la Communauté européenne et de ses États membres, à la suite de la déclaration faite par la Turquie lors de la signature, le 29 juillet 2005, du protocole d'Ankara, qui dispose notamment que la reconnaissance de tous les États membres est une composante nécessaire des négociations et prévoit la nécessité pour la Turquie d'harmoniser ses relations avec tous les États membres ainsi que de mettre pleinement en œuvre le protocole additionnel d'Ankara à l'égard de tous les États membres en éliminant tous les obstacles à la libre circulation des marchandises sans restriction ni discrimination,
– vu l'article 46 de la convention européenne des droits de l'homme, qui dispose que les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans les litiges auxquels elles sont parties, et, par conséquent, l'obligation de la Turquie de se conformer à tous les arrêts des cours européennes, y compris la CEDH,
– vu les conclusions du Conseil du 26 juin 2018 et du 18 juin 2019 sur l'élargissement et le processus de stabilisation et d'association, les conclusions du Conseil du 15 juillet et du 14 octobre 2019 sur les activités de forage illégales de la Turquie en Méditerranée orientale, les conclusions du Conseil européen du 12 décembre 2019, des 1er et 2 octobre 2020 et des 15 et 16 octobre 2020, la déclaration des ministres des affaires étrangères de l'Union du 15 mai 2020 et leur visioconférence du 14 août 2020 sur la situation en Méditerranée orientale, les conclusions de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union à Gymnich les 27 et 28 août 2020, ainsi que toutes les précédentes conclusions du Conseil et du Conseil européen en la matière,
– vu la déclaration de l'UNESCO du 10 juillet 2020 sur Sainte-Sophie (Istanbul),
– vu la communication conjointe de la Commission et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 22 mars 2021 intitulée «État des lieux en ce qui concerne les relations politiques, économiques et commerciales entre l'UE et la Turquie (JOIN(2021)0008),
– vu le rapport de la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe du 19 février 2020 faisant suite à sa visite en Turquie du 1er au 5 juillet 2019,
– vu les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies sur Chypre, et notamment la résolution 550 (1984) et la résolution 789 (1992),
– vu la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016,
– vu la communication de la Commission du 30 avril 2020 intitulée «Quatrième rapport annuel sur la facilité en faveur des réfugiés en Turquie» (COM(2020)0162),
– vu le classement mondial de la liberté de la presse en 2020 publié par Reporters sans frontières, qui classe la Turquie au 154e rang sur 180 pays, et le rapport 2020 sur la Turquie de l'indice de transformation de Bertelsmann,
– vu sa résolution du 15 avril 2015 sur le centenaire du génocide arménien,
– vu les avis de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, en particulier ceux des 10 et 11 mars 2017 sur les modifications de la Constitution adoptées par la Grande Assemblée nationale le 21 janvier 2017 et soumises au référendum national le 16 avril 2017, sur les mesures adoptées en vertu des décrets-lois promulgués récemment, sous l'angle du respect de la liberté de la presse, sur les devoirs, les compétences et le fonctionnement des juges de paix en matière pénale, ceux des 6 et 7 octobre 2017 sur les dispositions du décret-loi nº 674 du 1er septembre 2016 relatif à l'exercice de la démocratie locale, ceux des 9 et 10 décembre 2016 sur les décrets-lois d'urgence nº 667-676 adoptés après l'échec du coup d'État du 15 juillet 2016, et ceux des 14 et 15 octobre 2016 sur la suspension du deuxième paragraphe de l'article 83 de la Constitution relatif à l'inviolabilité parlementaire,
– vu ses résolutions précédentes sur la Turquie, notamment celles du 13 mars 2019 sur le rapport 2018 de la Commission concernant la Turquie, du 19 septembre 2019 sur la situation en Turquie, notamment le limogeage de maires élus, du 24 octobre 2019 sur les opérations militaires de la Turquie dans le nord-est de la Syrie et leurs répercussions, du 17 septembre 2020 sur la préparation du Conseil européen extraordinaire, particulièrement l'escalade des tensions et le rôle de la Turquie en Méditerranée orientale, et du 26 novembre 2020 sur l'escalade des tensions à Varosia à la suite des mesures illégales prises par la Turquie et la nécessité de rouvrir les pourparlers de toute urgence,
– vu l'article 54 de son règlement intérieur,
– vu l'avis de la commission des pétitions,
– vu le rapport de la commission des affaires étrangères (A9-0153/2021),
A. considérant que la Turquie est liée à l'Union européenne par un accord d'association depuis 1964 et qu'une union douanière a été établie en 1995; que le Conseil européen a accordé le statut de pays candidat à la Turquie en décembre 1999 et que les négociations d'adhésion ont été ouvertes en 2005; que la Turquie bénéficie par conséquent, depuis 1999, du modèle de relations le plus ambitieux et le plus mutuellement exigeant que l'Union puisse offrir à un pays tiers, à savoir le statut de candidat à l'adhésion à l'UE; qu'en tant que pays candidat et partenaire important de l'Union européenne, la Turquie est censée respecter et faire respecter les critères de Copenhague, ainsi que les normes les plus élevées en matière de démocratie, de respect des droits de l'homme et d'état de droit, y compris en respectant les conventions internationales auxquelles l'Union a adhéré; que cela suppose la nécessité de s'engager, de manière tangible, dans le cadre d'un processus d'adhésion dynamique, dans les réformes requises au titre des différents chapitres ouverts et la nécessité, par conséquent, de s'aligner progressivement sur l'acquis de l'Union et de se rapprocher à tous égards des valeurs, des intérêts, des normes et des politiques de l'Union; que le fait d'être un pays candidat implique la nécessité de poursuivre et d'entretenir des relations de bon voisinage avec l'Union et ses États membres sans distinction; qu'en tant que pays candidat et dans le cadre du processus d'adhésion, la Turquie a entrepris une série de réformes importantes qui, pendant un certain temps, ont laissé espérer des progrès vers l'adhésion à l'UE; que pendant toutes ces années, l'Union a fortement soutenu le processus d'adhésion, tant politiquement que financièrement;
B. considérant que le respect de l'état de droit et du droit international, y compris en ce qui concerne, en particulier, la séparation des pouvoirs, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, la liberté d'association et de manifestation pacifique, la liberté d'expression et les droits des minorités ethniques et d'autres minorités et communautés, constitue une composante essentielle des bonnes relations entre l'Union européenne et la Turquie;
C. considérant qu'une analyse des rapports de la Commission sur la Turquie depuis 2014, en particulier de ses rapports 2019 et 2020, révèle que, malheureusement, le gouvernement turc s'éloigne rapidement et de plus en plus nettement des valeurs de l'Union et de son cadre normatif, contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'un pays candidat, non seulement par un recul de la démocratie à l'intérieur du pays, mais aussi par des manœuvres agressives de politique étrangère, y compris des actions illégales contre des États membres de l'Union; que ces rapports indiquent que la Turquie n'a pas mis en œuvre les recommandations des rapports précédents, ce qui souligne une absence d'engagement de la part de la Turquie et remet en doute sa volonté d'adhésion; que l'évaluation critique d'un recul général de la Turquie et l'inquiétude qu'il suscite sont également partagées par d'autres organisations internationales compétentes, telles que le Conseil de l'Europe, et par les organisations internationales des droits de l'homme; que cela se traduit également par le nombre croissant d'affaires et d'arrêts critiques rendus par la Cour européenne des droits de l'homme; que ce retour en arrière a été observé dans trois domaines principaux: la détérioration de l'état de droit et des droits fondamentaux, le cadre institutionnel et les réformes le concernant ainsi qu'une politique étrangère qui est de plus en plus conflictuelle et axée sur les options militaires plutôt que sur le dialogue et la diplomatie; que dans ces trois domaines, un fossé évident vis-à-vis des normes, des politiques et des intérêts de l'Union se creuse;
D. considérant que, dans son précédent rapport annuel, le Parlement a souligné ses préoccupations quant à l'évolution de la situation en Turquie et au grave retour en arrière, et a demandé à la Turquie de s'abstenir de toute action qui violerait la souveraineté et les droits souverains des États membres de l'Union, ainsi que de toute provocation qui compromettrait la perspective d'un dialogue constructif et sincère, et a invité la Commission et les États membres à suspendre officiellement les négociations d'adhésion avec la Turquie conformément au cadre de négociation; que le Parlement reste attaché au dialogue démocratique et politique avec la Turquie; que le Parlement a demandé à plusieurs reprises l'ouverture du chapitre 23 sur les droits judiciaires et fondamentaux et du chapitre 24 sur la justice, la liberté et la sécurité, alors que le gouvernement turc s'était engagé à mener d'amples réformes; que le Parlement européen a considérablement réduit le financement de préadhésion pour la Turquie, compte tenu du recul de la démocratie dans le pays et de son incapacité à respecter l'état de droit; que la Commission a indiqué qu'en ce qui concerne les ressources financières allouées aux programmes en Turquie, l'Union propose désormais le strict minimum de soutien à la société civile et aux parties prenantes concernées, telles que les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme;
E. considérant que, malgré la position de principe du Parlement et la situation générale actuelle, le Conseil européen, dans ses conclusions des 1er et 2 octobre 2020, a proposé à la Turquie un programme positif, renouvelé et complet, à condition que les efforts constructifs de la Turquie destinés à mettre un terme aux activités illégales à l'égard de la Grèce et de Chypre se poursuivent, que des concessions mutuelles soient faites, que les tensions s'atténuent et que les comportements agressifs cessent, dans une nouvelle tentative de rétablir les relations entre les deux parties; que, dans les mêmes conclusions, le Conseil européen souligne qu'en cas de nouvelles actions unilatérales ou provocations de la Turquie en violation du droit international, l'UE utilisera tous les instruments et toutes les options à sa disposition, y compris conformément à l'article 29 du traité sur l'Union européenne et à l'article 215 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, pour défendre ses intérêts et ceux de ses États membres, et prendra des décisions, le cas échéant; que la Turquie a récemment accepté de reprendre des discussions exploratoires avec la Grèce afin de tenter de régler les questions en suspens ayant une incidence sur les relations entre la Turquie et la Grèce et sur les droits souverains de la Grèce; qu'il s'agit d'une évolution positive qui pourrait marquer le début d'une nouvelle période de dialogue et de coopération entre la Turquie et l'Union européenne et ses États membres; alors que des mesures et des initiatives plus positives, et surtout des actions concrètes, au-delà des déclarations, de la part de la Turquie contribueraient grandement à une nouvelle interprétation de l'avenir des relations bilatérales; que, dans ces circonstances, il importe de favoriser l'instauration d'un climat de confiance et d'élargir le champ de réflexion sur l'avenir des relations entre la Turquie et l'UE et de permettre à la diplomatie de répondre aux aspirations et aux attentes concernant les relations entre l'UE et la Turquie, tout en maintenant un degré élevé de vigilance et de dialogue sur la situation des droits de l'homme en Turquie;
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L'état de droit et les droits fondamentaux
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24. est consterné par les déclarations de hauts représentants du pouvoir exécutif et de la coalition au pouvoir concernant le possible rétablissement de la peine de mort, que la Turquie avait abolie en 2004; prévient que cette initiative regrettable serait non seulement contraire aux engagements internationaux existants de la Turquie, mais serait en outre incompatible avec le processus d'adhésion à l'Union;
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