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Cameroun. Quatre condamnés à mort pour le meurtre de sept écoliers

dépêche de presse du 10 septembre 2021 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Cameroun
Quatre militants séparatistes présumés ont été condamnés à mort cette semaine, pour le meurtre de sept écoliers il y a moins d'un an, dans une région anglophone du Cameroun, en proie à un conflit meurtrier entre l'armée et des indépendantistes. Le 24 octobre 2020, une dizaine d'hommes armés à moto avaient pris d'assaut l'école bilingue Mother Francisca International Bilingual Academy de Kumba, dans la région du Sud-Ouest, et ouvert le feu sur des élèves, tuant sept enfants âgés de 9 à 12 ans. Une douzaine d'autres avaient été blessés par balle ou à coups de machette.

Mardi, un tribunal militaire a condamné quatre accusés sur une dizaine à «la peine de mort avec fusillade sur la place publique», a annoncé le ministère de la Défense, dans un message transmis à l'AFP. Les quatre hommes, présentés par l'accusation comme des séparatistes anglophones, ont été condamnés pour «actes de terrorisme, hostilité contre la patrie, insurrection, sécession et assassinat» par le tribunal militaire de Buea, chef-lieu du Sud-Ouest.

Plusieurs condamnations à la peine capitale ont été prononcées dans le conflit séparatiste qui ensanglante les régions anglophones depuis quatre ans mais – comme dans le reste du pays – aucune n'a été exécutée depuis plus de 20 ans. Les condamnés ont dix jours pour faire appel, selon le ministère. Leurs avocats n'avaient pas pu être joints vendredi à la mi-journée.

Conflit meurtrier
Dans les deux régions Sud-Ouest et Nord-Ouest, où vit l'essentiel de la minorité anglophone d'un pays majoritairement francophone dirigé par l'indéboulonnable Paul Biya, 88 ans dont près de 39 au pouvoir, les groupes armés séparatistes et les forces de sécurité dépêchées par Yaoundé s'affrontent dans un conflit meurtrier depuis près de cinq ans. Les deux camps sont régulièrement accusés par les ONG internationales et l'ONU d'exactions et de crimes contre les civils.

Les séparatistes armés attaquent régulièrement des écoles auxquelles ils reprochent d'enseigner en français, et tuent des fonctionnaires, dont des enseignants, qu'ils accusent de «collaborer» avec Yaoundé ou enlèvent des élèves qu'ils libèrent par la suite. Mais c'est la première fois que des enfants étaient tués dans une école depuis le début du conflit en 2017. Le 10 février 2021, l'armée avait assuré avoir tué lors d'un raid le chef du commando qui avait attaqué l'école de Kumba, surnommé «Above the Law» (au-dessus des lois) avec quatre autres séparatistes.

Écoles fermées
Les écoles sont régulièrement prises pour cibles, notamment aux périodes de la rentrée. En novembre 2019, l'Unicef évoquait plus de 855'000 enfants non scolarisés dans les régions anglophones. Environ 90% des écoles primaires publiques, soit plus de 4100 écoles et 77% des écoles secondaires publiques, étaient alors fermées ou non opérationnelles.

Les combats au Cameroun anglophone, mais aussi les exactions et meurtres de civils par les deux camps, selon de nombreuses ONG, ont fait plus de 3500 morts et forcé plus de 700'000 personnes à fuir leur domicile depuis 2017.
En février 2020, au moins 23 civils dont 15 enfants selon l'ONU, avaient été tués dans un raid de militaires et de leurs supplétifs dans le village de Ngarbuh, dans le nord-ouest. L'armée et Yaoundé avaient d'abord affirmé qu'ils avaient péri dans l'explosion d'une citerne d'essence lors de combats entre séparatistes et militaires. Avant de reconnaître, sous d'intenses pressions internationales, qu'ils avaient été massacrés par des soldats «incontrôlés» ayant désobéi et menti, épaulés par une milice supplétive. Trois militaires sont poursuivis pour meurtres et ont plaidé «non-coupable».

Le conflit avait éclaté en 2017 après de nombreuses manifestations d'une partie de la minorité anglophone qui s'estimait ostracisée. En 2019, après d'intenses pressions internationales, Paul Biya, intraitable jusqu'alors et accusé de mener une répression aveugle par les ONG internationales, avait consenti à ouvrir un Grand dialogue national sur la question anglophone. Or, ce dernier avait accouché d'une souris au goût de ceux qui réclament l'indépendance de l'«Ambazonie» ou tout simplement une solution fédéraliste: l'État avait seulement conféré un peu plus d'autonomie aux deux régions dans des domaines non-régaliens.
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