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Taïwan, bastion des droits de l'homme en Asie, s'accroche à la peine capitale

dépêche de presse du 4 janvier 2022 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Taiwan
La peine de mort toujours en vigueur à Taïwan entache sa réputation de bastion des droits de l'homme en Asie, dénoncent des militants qui se battent pour qu'un détenu condamné à cette peine maximale soit innocenté.

Wang Xin-fu fait partie des 38 prisonniers de l'île qui attendent dans les couloirs de la mort leur exécution par balle, une fois toutes les voies de recours épuisées.

M. Wang, 69 ans, est le condamné à mort le plus âgé du territoire. Il a toujours clamé son innocence.

Des organisations de défense des droits, dont l'Alliance taïwanaise pour l'abolition de la peine de mort (Taiwan Alliance to End the Death Penalty, TAEDP), ont lancé une campagne visant à le faire innocenter, faisant valoir qu'il a été condamné à tort dans l'assassinat d'un policier en 1990.

Le sexagénaire avait été arrêté dans sa jeunesse et était considéré comme un "voyou" par le gouvernement autoritaire de l'époque. Il a été condamné à mort pour avoir fourni une arme à un homme de main et lui avoir ordonné de tirer sur la victime, sur la base de déclarations de l'auteur du tir et de témoins.

Les militants affirment que sa condamnation présente "des failles évidentes", et pointent des témoignages incohérents, des soupçons de torture policière à l'encontre d'un témoin ainsi que l'absence de mobile ou d'empreintes digitales.

"C'est un soi-disant +mauvais gars+, mais ces +mauvais gars+ ont aussi des droits. Il ne devrait pas être condamné pour un crime dont il n'est pas responsable", affirme Lin Hsin-yi, directrice de la TAEDP.

M. Wang avait fui en Chine continentale après avoir appris qu'il était recherché. Il a été arrêté en 2006 à son retour à Taïwan où il était revenu pour traiter un problème oculaire.

Sa condamnation à mort a été confirmée par la Cour suprême de l'île en 2011.

- Dernière chance -

En novembre, des militants ont fait appel à Control Yuan, le principal organisme de contrôle du gouvernement taïwanais, après le rejet par le bureau du procureur général de leur demande de déposer un "recours spécial" pour M. Wang - l'un des seuls moyens de contester une condamnation définitive.

En 2018, Control Yuan avait conseillé au procureur général de déposer un appel en faveur du condamné à mort Hsieh Chih-hung, détenu depuis 19 ans pour meurtre. Il avait finalement été acquitté.

Aujourd'hui libre, M. Hsieh milite pour l'abolition de la peine de mort, arguant du fait que son acquittement et celui d'autres sont la preuve que la peine capitale est un système faillible.

Ses compagnons de combat se réfèrent à l'une des affaires les plus longues et contestées de Taïwan dans laquelle un tribunal a fini par annuler en 2012 les condamnations à mort de trois hommes pour le meurtre d'un couple, vingt ans auparavant.

L'année précédente, une autre affaire avait connu un grand retentissement médiatique: un tribunal militaire avait finalement déclaré innocent un soldat, exécuté 14 ans auparavant pour le viol et le meurtre d'une fillette âgée de cinq ans.

"Le gouvernement pense que procéder à des exécutions est conforme à la volonté du peuple mais est-ce que cela résout vraiment les problèmes?", dit M. Hsieh à l'AFP.

- Demande de moratoire -

La plupart des Taïwanais demeurent favorables à la peine de mort, même si l'île est l'une des démocraties les plus progressistes d'Asie.

Quelque 35 prisonniers ont été exécutés depuis 2010, lorsque Taïwan a repris les exécutions après quatre ans d'interruption. Deux détenus l'ont été depuis l'arrivée au pouvoir en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen.

Les défenseurs des droits critiquent son gouvernement, pourtant progressiste sur certains sujets comme le mariage homosexuel. Taïwan a été en 2019 le premier territoire d'Asie à reconnaître les unions de personnes de même sexe.

La présidente a qualifié d'épineuse la question de l'abolition de la peine de mort en raison d'un manque de soutien de la population.

Le ministère de la Justice dit avoir relancé en 2017 un groupe de travail visant à faciliter son abolition progressive.

De leur côté, les opposants demandent un moratoire sur les exécutions et un calendrier pour leur abandon.

"Si les gens savent qu'il existe des alternatives, ils ne soutiendront pas nécessairement la peine de mort, surtout s'ils sont au courant de condamnations injustifiées", soutient Mme Lin.

Une alternative est l'incarcération à perpétuité à condition que le condamné travaille en prison et qu'une partie de son salaire soit reversée aux familles des victimes à titre du préjudice subi, a-t-elle ajouté.

La famille de M. Wang n'a pas d'autre choix que d'attendre. Sa soeur Wen Mei-hui, 60 ans, dit espérer retrouver son frère en tant qu'homme libre.

"Je suis convaincue qu'il est innocent", a-t-elle déclaré à l'AFP. "J'espère que les autorités laisseront mon frère rentrer chez lui".

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