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Les opposants japonais à la peine de mort montent à la tribune

dépêche de presse du 6 décembre 2005 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Japon
Mié KOHIYAMA

TOKYO - Les opposants japonais à la peine de mort ont fait entendre leur voix mardi, à l'occasion d'une conférence internationale sans précédent au Japon où l'écrasante majorité de l'opinion est en faveur du maintien de la peine capitale.

Si le nombre d'exécutions baisse au Japon (quatre pendaisons depuis 2003), celui des condamnés à mort est en hausse (77 en 2005 contre 56 en 2003).

"Il n'est pas admissible qu'une nation tue des gens au nom de la peine de mort", a martelé Shizuka Kamei, un député japonais conservateur qui préside la la Ligue parlementaire japonaise pour l'abolition de la peine capitale.

M. Kamei est intervenu lors d'une conférence internationale sur les droits de l'Homme et la peine de mort, co-organisée pour la première fois au Japon par l'Union européenne et les barreaux américains et japonais.

Ce colloque qui se tient jusqu'à mercredi à Tokyo, survient quelques jours après la millième exécution d'un condamné à mort aux Etats-Unis ainsi que la pendaison d'un Australien à Singapour.

Les opposants japonais à la peine capitale, avocats, députés et ONG, sont montés à la tribune, une occasion rare dans un pays où plus de 80% de l'opinion soutient la peine capitale selon un récent sondage, et où le débat public sur le sujet est limité.

Depuis plusieurs années, Amnesty international dénonce le secret qui entoure les pendaisons au Japon où les condamnés à mort sont prévenus le jour même de l'exécution.

D'infimes progrès ont récemment été obtenus par les partisans de l'abolition: les députés sont désormais autorisés à se rendre sur les lieux des exécutions et à rencontrer les condamnés à mort, ce qui était interdit depuis des décennies, souligne Nobuto Hosaka, secrétaire général de la Ligue parlementaire contre la peine capitale.

La Ligue, qui compte une centaine de députés, plaide en faveur d'alternatives à la peine de mort, comme la prison à vie.

L'association des barreaux japonais souhaite pour sa part l'application d'un moratoire pour pouvoir ouvrir un débat national.

La nomination début novembre d'un nouveau ministre de la Justice, Seiken Sugiura, opposé à la peine de mort, a donné une lueur d'espoir aux abolitionnistes.

Dès son entrée en fonctions, il avait affirmé qu'il ne signerait aucun ordre d'exécution mais il a dû faire machine arrière après s'être fait tancer par le Premier ministre Junichiro Koizumi.

Lors de la conférence, un représentant du ministère de la Justice a affirmé que la société japonaise n'était pas encore prête pour une suppression de la peine de mort qui est à la "base" du code pénal nippon.

Les autorités mettent en avant un sondage réalisé en décembre dernier par le gouvernement auprès de 3.000 personnes, selon lequel 81,4% des Japonais approuvent la peine capitale en cas de crimes cruels. Plus de 60% estiment que le châtiment suprême est dissuasif.

Les opposants à la peine capitale dénoncent la méthodologie "simpliste et partisane" de ce type de sondage.

"Si on demande simplement à une personne si un criminel qui a commis un crime odieux doit être exécuté, il est naturel de répondre oui", souligne M. Kamei qui souligne l'absence de débat sur les erreurs judiciaires.

Une grande majorité de Japonais ignore par ailleurs le recul de la peine de mort dans le monde, souligne M. Hosaka.

"Ils sont nombreux à penser que la France utilise encore la guillotine", affirme-t-il.

Pour pallier cette ignorance et faire pencher l'opinion dans le camp des abolitionnistes, son organisation compte faire venir l'année prochaine au Japon une militante de choc contre la peine de mort, l'actrice française Catherine Deneuve, star au pays du Soleil levant.
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