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Question de la peine de mort : Rapport du Secrétaire général (2003)

E/CN.4/2003/106
rapport du 30 janvier 2003 - Secrétaire général des Nations Unies
Conseil économique et social

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-neuvième session
Point 17 a) de l'ordre du jour provisoire

ÉTAT DES PACTES INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME
Question de la peine de mort
Rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution 2002/77*

* Le rapport a été présenté après la date limite pour permettre de tenir compte des réponses reçues.


Résumé
Dans sa résolution 2002/77, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général de lui présenter, en consultation avec les gouvernements, les institutions spécialisées et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment du délit (1). Le présent rapport contient des renseignements portant sur la période allant de janvier 2001 à décembre 2002 afin d'assurer qu'il n'y a pas de lacunes depuis la dernière version du sixième rapport quinquennal (2) qui contenait des renseignements allant jusqu'à la fin de 2000. Le rapport indique que la tendance à l'abolition de la peine de mort se poursuit, comme le montre, notamment, l'accroissement du nombre de ratifications des instruments internationaux qui prévoient l'abolition de cette peine.


TABLE DES MATIÈRES - Paragraphes

I. INTRODUCTION 1 _ 4

II. CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE 5 _ 13
A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions 6
B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun 7
C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation 8
D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort 9 _ 11
E. Pays ayant instauré un moratoire sur les exécutions 12
F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions 13

III. APPLICATION DE LA PEINE DE MORT 14

IV. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL 15 _ 23

V. APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT 24 _ 30

VI. LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE _ RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 1ER DÉCEMBRE 2002 31

VII. CONCLUSIONS 32

Annexes

I. Tableaux indiquant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 1er décembre 2002
II. Résumé des observations reçues des États membres

I. INTRODUCTION

1. Au paragraphe 8 de sa résolution 2002/77, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général «de continuer à lui présenter, à sa cinquante-neuvième session, en consultation avec les gouvernements, les institutions spécialisées et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (3) en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment du délit». À ce jour, six rapports ont été présentés, le plus récent en 2000 (E/2000/3), pour la période allant de 1994 à 1998. Une version révisée et mise à jour du dernier rapport a également été présentée à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa dixième session en 2001 (E/CN.15/2001/10), pour la période allant de 1994 à la fin de 2000. Le présent rapport supplémentaire contient des informations couvrant la période allant de janvier 2001 à décembre 2002.

2. Les rapports quinquennaux ont été établis par le Centre pour la prévention de la criminalité internationale, à l'Office des Nations Unies à Vienne, à partir d'un questionnaire détaillé envoyé aux États. Les rapports utilisent également d'autres sources disponibles, y compris les recherches criminologiques, et des informations émanant d'institutions spécialisées et d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Le dernier rapport quinquennal donne des précisions sur l'évolution de la situation en ce qui concerne la peine de mort et son application, le respect des garanties destinées à protéger les droits des personnes passibles de la peine de mort, et les faits nouveaux survenus sur le plan international dans ce domaine.

3. En vue du présent rapport établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et en application de la résolution 2002/77 de la Commission des droits de l'homme, tous les États qui sont encore favorables au maintien de la peine de mort ont été priés de communiquer des informations concernant l'application de la peine capitale et l'observation des garanties. En outre, le secrétariat a demandé à tous les États et aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales des informations sur les changements survenus dans la législation et la pratique concernant la peine de mort, ainsi que l'application des garanties, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment du délit. Suite à cette demande, des renseignements ont été reçus des États suivants: Antigua-et-Barbuda, Bélarus, Chili, Costa Rica, Cuba, Équateur, Éthiopie, Jordanie, Liban, Maroc, Mexique, Panama, République fédérale de Yougoslavie, Thaïlande et Turquie. Ces informations sont résumées dans l'annexe II du présent rapport et peuvent en outre être consultées au secrétariat. De plus, les organisations suivantes ont envoyé leurs publications et autres documents sur la question traitée dans le rapport: le Conseil de l'Europe, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Amnesty International, la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme et l'Organisation mondiale contre la torture.

4. Dans le présent rapport, conformément à la pratique adoptée dans les rapports quinquennaux, les États sont classés en pays abolitionnistes, pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun, pays abolitionnistes de fait ou pays favorables au maintien de la peine de mort. Sont considérés comme abolitionnistes, les pays qui excluent la peine de mort pour toutes les infractions, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre. Les pays considérés comme abolitionnistes pour les infractions de droit commun sont ceux qui ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions de droit commun commises en temps de paix. Dans ces pays, la peine de mort n'est maintenue que pour des circonstances exceptionnelles, celles par exemple qui peuvent prévaloir en temps de guerre pour des infractions militaires, ou pour des infractions contre l'État, telles que la trahison ou l'insurrection armée. Sont considérés comme abolitionnistes de fait les pays dont la législation prévoit la peine de mort pour les infractions de droit commun mais où aucune exécution n'a eu lieu depuis au moins 10 ans. Tous les autres pays sont considérés comme favorables au maintien de la peine de mort, c'est-à-dire que cette peine y est en vigueur et que des exécutions y ont effectivement lieu, même si elles sont relativement rares dans beaucoup d'entre eux.

II. CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE

5. Les changements survenus sur le plan législatif peuvent comporter l'adoption d'une nouvelle législation abolissant ou rétablissant la peine de mort, ou qui en limite ou en élargisse le champ d'application, ainsi que la ratification d'instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort. Les changements d'ordre pratique peuvent concerner des mesures autres que les mesures législatives qui traduisent un important changement dans la façon de concevoir le recours à la peine de mort; des pays peuvent, par exemple, tout en maintenant la peine de mort, annoncer un moratoire sur son application. Ces changements pourraient également comporter des mesures visant à commuer les condamnations à la peine capitale. D'après les renseignements reçus ou recueillis auprès de sources disponibles, les changements survenus dans la législation et la pratique depuis le 1er janvier 2001 sont les suivants.

A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions

6. Chypre est devenue un pays abolitionniste pour toutes les infractions depuis le 19 avril 2002, date à laquelle son Code pénal militaire a été modifié avec l'abrogation de la peine de mort pour les crimes commis en temps de guerre. La République fédérale de Yougoslavie est devenue un pays abolitionniste pour toutes les infractions en 2002 lorsque la République de Serbie et la République du Monténégro ont toutes deux amendé leur Code pénal afin de supprimer totalement le recours à la peine de mort.

B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun

7. Le Gouvernement chilien a indiqué que la peine de mort pour les infractions de droit commun avait été abolie le 5 juin 2001, tandis que la loi no 19734 prévoyant l'application de la peine de mort en temps de guerre reste en vigueur. Le Gouvernement turc a signalé que, aux termes de la loi no 4771, qui est entrée en vigueur le 9 août 2002, la peine de mort est abolie dans le système juridique turc, sauf en temps de guerre et de menace de guerre imminente.

C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation

8. Bien que l'Ouzbékistan continue d'imposer et d'appliquer la peine de mort, en 1998, le Commissaire parlementaire aux droits de l'homme de l'Ouzbékistan a annoncé que le pays suivait une politique consistant à abolir la peine de mort par étapes. Le 29 août 2001, la peine de mort avait été abolie pour quatre infractions supplémentaires, à savoir la trahison, l'association de malfaiteurs, la vente illicite de grandes quantités de stupéfiants et le viol de personnes de sexe féminin âgées de moins de 14 ans.

D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort

9. Il y a un instrument international et deux instruments régionaux en vigueur qui engagent les États parties à abolir la peine de mort, à savoir: le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Protocole no 6 relatif à la Convention du Conseil de l'Europe dite Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; et le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort. Le Protocole no 6 relatif à la Convention du Conseil de l'Europe concerne l'abolition de la peine de mort en temps de paix. Les deux autres protocoles prévoient l'abolition totale de la peine de mort mais autorisent les États qui le souhaitent à maintenir la peine de mort en temps de guerre, s'ils formulent une réserve à cet effet au moment de la ratification.

10. Au cours de la période à l'examen, trois nouveaux États ont adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à savoir la Bosnie-Herzégovine le 16 mars 2001, la Lituanie le 28 mars 2002 et la Yougoslavie le 6 septembre 2001. Deux États ont ratifié le Protocole no 6 relatif à la Convention du Conseil de l'Europe pour la sauvegarde des droits de l'homme, à savoir l'Azerbaïdjan le 15 avril 2002 et la Bosnie-Herzégovine le 12 juillet 2002. L'Arménie a signé le Protocole le 25 janvier 2001. Le Chili a signé le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme le 9 octobre 2001.

11. Le 21 février 2002, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l'homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Le 3 mai 2002, le Protocole no 13 a été ouvert à la signature, à l'adhésion ou à la ratification. Dix ratifications sont nécessaires pour qu'il entre en vigueur. Au 1er décembre 2002, trois États membres, l'Irlande, Malte et la Suisse, avaient ratifié le Protocole. Au total, 35 États membres ont signé le Protocole sans le ratifier.

E. Pays ayant instauré un moratoire sur les exécutions

12. Un moratoire de fait est en place en Arménie depuis 1990. Cependant, les tribunaux continuent de prononcer la peine de mort et le Président exerce le droit de grâce qui lui est conféré par la Constitution. Au Kirghizistan, un moratoire officiel a été prolongé jusqu'à la fin de 2002 par le décret présidentiel du 11 janvier 2002. Un moratoire avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 1999 était toujours en place en Moldova. Dans la Fédération de Russie, un moratoire de fait en place depuis août 1996 continuait d'être observé.

F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions

13. Le 23 septembre 2002, le moratoire sur la peine de mort a été suspendu dans la République démocratique du Congo.

III. APPLICATION DE LA PEINE DE MORT

14. Les seuls chiffres disponibles suggèrent qu'au moins 5 265 personnes ont été condamnées à mort dans 68 pays et qu'au moins 3 048 personnes ont été exécutées dans 31 pays en 2001 (4).

IV. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL

15. La question continue de figurer en permanence à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme. Dans ses résolutions, la Commission a engagé tous les États qui n'ont pas encore aboli la peine de mort à limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine; à instituer un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir définitivement la peine de mort; et à rendre publics les renseignements concernant la peine de mort.

16. La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme et son groupe de travail de session sur l'administration de la justice ont examiné l'évolution de la situation en ce qui concerne la peine capitale. M. El Hadji Guissé, membre de la Sous-Commission, a fait des déclarations sur cette question au groupe de travail en 2001 et 2002 (voir, par exemple, les documents E/CN.4/Sub.2/2001/7 et E/CN.4/Sub.2/2002/7). À sa cinquante-quatrième session, tenue en 2002, la Sous-Commission a instamment prié les autorités des États-Unis de surseoir à l'exécution de M. Javier Suarez Medina, ressortissant mexicain détenu depuis 13 ans dans le couloir de la mort dans l'État du Texas, et de réexaminer son cas en garantissant son droit à bénéficier de la protection consulaire et son droit à un procès équitable. La Sous-Commission et le Gouvernement mexicain ont ensuite exprimé leur regret lorsque M. Medina a été exécuté à la date prévue.

17. Le Comité des droits de l'homme a continué d'examiner des affaires concernant la peine capitale au titre du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le 19 octobre 2000 (5), le Comité a conclu que l'État partie avait gravement manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu dudit Protocole en procédant à l'exécution des victimes présumées avant que le Comité n'ait achevé l'examen de la communication. C'était la première décision dans laquelle le Comité, statuant sur le fond d'une communication, se prononçait sur le caractère obligatoire de mesures intérimaires. Cette constatation a été reprise par le Comité dans ses constatations adoptées le 16 juillet 2001 (6) et le 21 mars 2002 (7). En outre, dans cette dernière communication, le Comité a noté que l'État partie avait exécuté la sentence alors qu'il était parfaitement informé du fait que l'auteur avait engagé des recours devant la cour d'appel de l'État partie, la section judiciaire du Conseil privé et le Comité des droits de l'homme. Le Comité a estimé que l'exécution de l'auteur alors qu'il n'avait pas été statué sur les recours formés contre l'exécution de la peine constituait une violation des paragraphes 1 et 2 de l'article 6 du Pacte.

18. Dans ses constatations adoptées le 18 octobre 2000 (8), le Comité des droits de l'homme a noté qu'en vertu de la législation de l'État partie la peine de mort était obligatoire dans tous les cas de «meurtre» et que l'imposition obligatoire de la peine de mort reposait exclusivement sur la catégorie de crime dont l'accusé est reconnu coupable, sans considération de la situation personnelle de celui-ci ou des circonstances du délit commis. Le Comité a en outre estimé qu'en l'espèce l'exécution de la sentence de mort constituerait une privation arbitraire de la vie en violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (9). Par la suite, dans ses constatations adoptées le 26 mars 2002 (10), le Comité est allé plus loin et a constaté que l'imposition obligatoire (11) de la peine de mort violait le paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

19. Dans ses constatations adoptées le 2 avril 2002 (12), Le Comité a émis l'avis que l'exécution d'une personne mentalement incapable constituait une violation de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, attendu que l'ordre d'exécution avait été notifié à l'intéressé nonobstant le fait qu'il était mentalement incapable au moment de la remise de la notification. Les informations concernant l'état d'incapacité mentale n'avaient pas été contestées par l'État partie. Le Comité ne disposait pas d'informations lui permettant d'examiner si, en l'espèce, l'article 6 avait été également violé.

20. Suite aux missions d'établissement des faits entreprises par des délégations du Conseil de l'Europe au Japon et aux États-Unis, qui ont le statut d'observateur et maintiennent la peine de mort dans leur législation et dans la pratique, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la résolution 1253 (2001) (13) invitant le Japon et les États-Unis, en particulier, à instituer un moratoire sur les exécutions et à prendre les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort et pour améliorer immédiatement la situation dans le «couloir de la mort». L'Assemblée parlementaire a décidé de mettre en question le maintien du statut d'observateur des deux États au cas où aucun progrès notable ne serait constaté le 1er janvier 2003 au plus tard, dans l'application de cette résolution.

21. Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a continué de suivre la situation en ce qui concerne la peine capitale afin d'assurer le respect des engagements acceptés par tous les États membres du Conseil. La question est examinée tous les six mois lors des réunions des Ministres délégués «jusqu'à ce que l'Europe devienne une zone libre de jure de la peine de mort». Le 9 novembre 2000, le Comité des ministres a adopté une «déclaration pour un espace européen sans peine de mort» (14).

22. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a continué de publier des rapports sur la peine de mort dans la zone de l'OSCE, rapports qui ont servi de documents de base pour les réunions sur la mise en œuvre des engagements concernant la dimension humaine, organisées à Varsovie en 2001 et 2002.

23. Le 23 mai 2002, la coalition mondiale contre la peine de mort a été officiellement constituée lors d'une réunion tenue à Rome. La Coalition se propose d'œuvrer pour l'abolition universelle de la peine capitale et est ouverte aux organisations abolitionnistes nationales et internationales, ainsi qu'aux associations d'avocats, aux syndicats et aux autorités locales et régionales telles que les conseils municipaux.

V. APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT

24. Les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort sont notamment les suivantes:
a) une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves;
b) le droit de bénéficier d'une peine moins grave si, après que le crime a été commis, une disposition à cet effet est adoptée sous forme de loi;
c) les personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis ne devraient pas être condamnées à mort, et la sentence de mort ne devrait pas être exécutée dans le cas d'une femme enceinte, de la mère d'un jeune enfant ou de personnes frappées d'aliénation mentale;
d) la peine capitale ne peut être exécutée que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant aucune place à aucune autre interprétation des faits;
e) la peine capitale ne peut être exécutée qu'en vertu d'un jugement final rendu par un tribunal compétent après une procédure juridique offrant toutes les garanties possibles pour assurer un procès équitable, y compris le droit de l'accuser de bénéficier d'une assistance judiciaire appropriée;
f) le droit de faire appel de la condamnation à la peine de mort devant une juridiction supérieure;
g) le droit de se pourvoir en grâce ou de présenter une pétition en commutation de peine;
h) la peine capitale ne sera pas exécutée pendant une procédure d'appel ou toute autre procédure de recours; et
i) lorsque la peine capitale est appliquée, elle est exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possibles.

25. Parmi les pays qui maintiennent la peine de mort, le Bélarus, Cuba, l'Éthiopie, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la Thaïlande ont communiqué des observations sur l'application des garanties. En outre, Antigua-et-Barbuda, qui est considéré comme un pays abolitionniste de fait, a présenté des observations sur les garanties (voir infra, annexe II).

26. De plus, les cas de non-respect des garanties sont souvent signalés à l'attention de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et il en est rendu compte dans ses rapports. Dans son rapport de 2002 à la Commission des droits de l'homme, la Rapporteuse spéciale a formulé les conclusions et recommandations suivantes:
«La Rapporteuse spéciale constate que les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort ne sont pas respectées dans un grand nombre des cas qui ont été portés à sa connaissance. Elle est également préoccupée par le manque de transparence et d'information sur la peine capitale et l'exécution des sentences de mort. Elle invite par conséquent tous les gouvernements des pays dans lesquels la peine capitale existe encore à instituer un moratoire sur les exécutions et, avant que celles-ci ne reprennent, à mettre en place des commissions nationales pour rendre compte de la situation à la lumière des normes et des résolutions internationales. L'exécution de personnes condamnées à mort pour des crimes commis quand elles avaient moins de 18 ans ne se pratique plus que dans un très petit nombre de pays. Il y a pratiquement consensus sur son abolition. La Rapporteuse spéciale engage les quelques pays qui exécutent encore des enfants à abolir cette pratique. Afin de s'assurer que les garanties entourant l'imposition de la peine capitale soient bien respectées, il est instamment demandé que toute décision de justice condamnant à cette peine comporte la liste des garanties à respecter et soit rendue publique.» (15).

27. Au cours de la période à l'examen, la Rapporteuse spéciale est intervenue, notamment, dans des affaires dans lesquelles les accusés, selon les renseignements communiqués, avaient été condamnés à mort à la suite de procès qui étaient loin de satisfaire aux normes internationales concernant une procédure équitable, dans lesquels des personnes souffrant d'une incapacité ou d'une maladie mentale avaient été condamnées, et dans lesquels la peine de mort avait été imposée pour des infractions qui n'entraient pas dans la catégorie des «crimes les plus graves». La Rapporteuse spéciale a réaffirmé que l'application de la peine capitale à des délinquants mineurs était interdite en vertu du droit international et a rendu compte de son action dans des affaires dans lesquelles des délinquants mineurs étaient passibles de la peine de mort aux États-Unis, en Inde, dans la République démocratique du Congo et dans la République islamique d'Iran (16).

28. Dans sa résolution 2000/17, la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a condamné «catégoriquement l'imposition et l'application de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission du crime» et recommandé que la Commission adopte une décision confirmant que «le droit international établit clairement, en ce qui concerne l'imposition de la peine de mort dans le cas des mineurs, que l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans de la commission du crime constitue une violation du droit international coutumier». La Commission, dans sa résolution 2001/68, s'est félicitée de la résolution 2000/17 de la Sous-Commission; s'est déclarée «profondément préoccupée de constater que plusieurs pays appliquent la peine de mort sans tenir compte des limites établies dans le Pacte et dans la Convention relative aux droits de l'enfant»; et a prié instamment «tous les États qui maintiennent la peine de mort de s'acquitter pleinement des obligations qu'ils ont contractées en vertu du Pacte et de la Convention relative aux droits de l'enfant, en particulier l'obligation de ne pas prononcer la peine de mort … pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans…». En 2002, la Commission a entériné la résolution 2000/17 de la Sous-Commission sur le droit international et sur l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission du délit (17). À sa cinquante-huitième session, la Commission des droits de l'homme, dans trois résolutions complémentaires (18), a engagé tous les États à faire en sorte que la peine de mort ne soit pas imposée à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission du délit.

29. En 2001 et 2002, le Comité des droits de l'enfant (19) a traité la question de la peine de mort dans 10 de ses observations finales. Dans le cas de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de la Belgique et de la Côte d'Ivoire, le Comité s'est félicité de l'abolition de la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans ou, de manière plus générale, pour tous. Dans plusieurs cas, le Comité a exprimé sa profonde préoccupation quant au fait que la peine de mort était encore applicable aux personnes âgées de moins de 18 ans, en violation du paragraphe a) de l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il a recommandé que l'Arabie saoudite, le Burkina Faso, l'Éthiopie, la Gambie, le Qatar, la République démocratique du Congo et la Tanzanie modifient leur législation afin d'assurer qu'aucun mineur de moins de 18 ans ne soit condamné à mort.

30. Des renseignements supplémentaires sur l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans ont été communiqués par Amnesty International, qui a appelé l'attention sur son rapport «Les enfants et la peine de mort» (20). Amnesty International a signalé que trois exécutions de délinquants mineurs avaient eu lieu en 2001 dans trois pays différents.

VI. LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE _ RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 1ER DÉCEMBRE 2002 _

31. Le dernier rapport quinquennal et sa version révisée contiennent un certain nombre de tableaux illustrant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde. Quelques-uns de ces tableaux sont reproduits dans l'annexe I du présent rapport et mis à jour pour tenir compte des faits nouveaux survenus jusqu'au 1er décembre 2002. Le tableau suivant, établi à partir des renseignements figurant à l'annexe I, est un résumé de la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 1er décembre 2002:

La peine de mort dans le monde
_ Résumé de la situation au 1er décembre 2002 _
Pays favorables au maintien de la peine de mort 71
Pays abolitionnistes pour toutes les infractions 77
Pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun 15
Pays qui peuvent être considérés comme des pays abolitionnistes de fait 33

VII. CONCLUSIONS

32. La tendance favorable à l'abolition se poursuit, avec une augmentation du nombre des pays abolitionnistes pour toutes les infractions, qui passe de 76 à 77. Le nombre de pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun est passé de 11 à 15. Le nombre total de pays favorables au maintien de la peine de mort reste de 71. Le nombre des pays qui ont ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort est également en augmentation.






Notes

1 Voir la résolution 1984/50 du Conseil économique et social en date du 25 mai 1984.
Voir E/CN.15/2001/10.

2 Les garanties destinées à protéger le droit de personnes passibles de la peine de mort sont énoncées dans la résolution 1984/50 du Conseil économique et social, en date du 25 mai 1984. Le Conseil économique et social, dans sa résolution 1989/64 du 24 mai 1989 a recommandé des mesures en vue de leur application.

3 Amnesty International, «Les condamnations à mort et les exécutions en 2001» (ACT 51/001/2002), p. 1.

4 Communication no 869/1999, M. Alexander Padilla et M. Ricardo III Sunga (conseil) au nom de M. Dante Piandiong, M. Jesus Morallos et M. Archie Bulan (décédé) c. Les Philippines.

5 Communication no 839/1998, Anthony B. Mansaraj et al.; Communication no 840/1998, M. Gborie Tamba et al.; Communication no 841/1998, M. Abdul Karim Sesay et al. c. Sierra Leone.

6 Communication no 580/1994, Glenn Ashby c. Trinité et Tobago.

7 Communication no 806/1998, Eversley Thompson c. Saint Vincent et les Grenadines.

8 Voir également le jugement de la cour d'appel de Bélize dans l'affaire Patrick Reyes c. La Reine (conseil privé, appel no 64 de 2001), rendu le 11 mars. 2002.

9 Communication no 845/1999, Rawle Kennedy c. Trinité et Tobago.

10 Voir également la communication no 806/1998, Eversley Thompson c. Saint Vincent et les Grenadines, constatations adoptées le 18 octobre 2000.

11 Communication no 648/1996, R.S. c. Trinité et Tobago.

12 Voir document 9115, Rapport du Comité des affaires juridiques et des droits de l'homme. 13 Voir également l'ordonnance no 574 (2001) et la recommandation 1522 (2001).

14 Voir Monitor/Inf (2002) 1 Rev. du 23 avril 2002, appendice XI.

15 E/CN.4/2002/74, par. 149.

16 Voir le rapport intérimaire de la Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l'homme à l'Assemblée générale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (A/57/138, section IV.G). Voir également les rapports de la Rapporteuse spéciale à la Commission des droits de l'homme (E/CN.4//2002/74, section V.F et E/CN.4/2001/9, section V.F).

17 Résolution 2002/77 de la Commission, par. 2.

18 Voir les résolutions suivantes de la Commission: 2002/36 (Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires), par. 7; 2002/47 (Les droits de l'homme dans l'administration de la justice, en particulier la justice pour mineurs), par. 19; et 2002/92 (Droits de l'enfant), par. 3.

19 Au 1er décembre 2002, 191 États étaient parties à la Convention relative aux droits de l'enfant. L'article 37, paragraphe a), de la Convention, stipule que la peine capitale ne doit pas être prononcée pour des infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans.

20 ACT 50/007/2002.

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