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La Cour de Strasbourg juge inéquitable la condamnation d'Öcalan

dépêche de presse du 12 mars 2003 - Reuters
Pays :
peine de mort / Turquie
STRASBOURG (Reuters) - La Cour européenne des droits de l'homme a donné partiellement gain de cause mercredi à Abdullah Öcalan en condamnant la Turquie pour le caractère inéquitable du procès du leader indépendantiste kurde.

L'ancien chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), âgé de 54 ans, avait été condamné à mort pour trahison le 29 juin 1999 par la Cour de sûreté d'Ankara, après avoir été reconnu responsable de la mort de 30.000 personnes en 16 ans de lutte indépendantiste dans le sud-est de la Turquie.

La peine capitale a toutefois été commuée en détention à perpétuité en octobre après l'abolition de la peine de mort en Turquie.

La juridiction du Conseil de l'Europe estime par six voix contre une (celle du juge turc) que le procès d'Abdullah Öcalan devant la Cour de sûreté de l'Etat n'a pas été équitable en raison de la présence d'un juge militaire, celui-ci n'ayant été remplacé par un juge civil que dans les derniers jours d'audience.

Les juges concluent en outre, à l'unanimité, au caractère inéquitable du procès en raison des restrictions apportées aux droits de la défense, l'accusé n'ayant pas pu s'entretenir librement avec ses avocats pendant la majeure partie de la procédure.

La Cour européenne rejette le grief d'atteinte au droit à la vie, la peine capitale n'étant plus applicable, mais elle estime qu'Abdullah Öcalan a été victime de "traitements inhumains ou dégradants" en ce qu'il a vécu trois ans sous la menace de cette sanction "prononcée à l'issue d'un procès inéquitable".

ARRESTATION ET DETENTION CONFORMES

Reconnaissant que la Turquie n'avait pas, en 1999, ratifié l'article de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit la peine de mort, les juges estiment qu'il est néanmoins "interdit d'infliger la mort de façon arbitraire en vertu de la peine capitale".

La Cour européenne estime encore que la Turquie a violé la Convention en ce qu'Abdullah Öcalan a dû attendre sept jours, après son arrestation, avant d'être traduit devant un juge.

Elle juge en revanche conforme aux règles du droit les conditions de son arrestation. Abdullah Öcalan avait été enlevé par un commando turc le 15 février 1999 à Nairobi, au Kenya, où il s'était réfugié, et transféré en Turquie.

"Il n'est pas établi, au-delà de tout doute raisonnable, que l'opération menée en partie par les agents turcs et en partie par les agents kenyans aurait constitué une violation par la Turquie de la souveraineté du Kenya et, par conséquent, du droit international", estiment les juges.

De même jugent-ils conformes aux droits de l'homme les conditions de détention d'Abdullah Öcalan, seul détenu sur l'île prison d'Imrali, en mer de Marmara. La Cour "admet d'emblée que la détention du requérant pose d'extraordinaires difficultés aux autorités turques", en raison de sa dangerosité mais aussi des menaces qui pèsent sur lui.

La Cour estime que son arrêt constitue en soi une "satisfaction équitable" pour le requérant, auquel elle alloue 100.000 euros pour frais et dépens.

La Turquie ayant été condamnée pour procès inéquitable, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, chargé de veiller à l'exécution des arrêts, devrait maintenant faire pression sur Ankara pour qu'Abdullah Öcalan bénéficie d'un nouveau jugement.

Ankara a déjà été sommé, dans d'autres affaires, de réviser des procès jugés inéquitables par la Cour.

Le 3 mai 2002, le comité des ministres des "44" avait ainsi invité la Turquie à rouvrir la procédure ayant abouti à la condamnation à 15 années de prison de quatre anciens députés kurdes, dont Leïla Zana. Leur procès rouvrira le 28 mars prochain à Ankara.

L'arrêt concernant Abdullah Öcalan, qui a été rendu par une chambre de sept juges, est toutefois susceptible d'appel devant la grande chambre de 17 juges, repoussant dès lors au moins d'une année le rendu d'un arrêt définitif.
(Par Gilbert Reilhac)

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