Plan du site

Question de la peine de mort : Rapport annuel du Secrétaire général (juin 2009-juillet 2010)

A/HRC/15/19
rapport du 16 juillet 2010 - Secrétaire général des Nations Unies
Nations Unies
Assemblée générale
Conseil des droits de l'homme
Quinzième session Points 2 et 3 de l'ordre du jour
Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général
Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement

Questions de la peine de mort
Rapport du Secrétaire général*

* Présentation tardive.

Distr. générale 16 juillet 2010

Résumé
Les renseignements figurant dans le présent rapport sur la question de la peine de mort portent sur la période allant de juin 2009 à juillet 2010. L'attention est attirée sur plusieurs phénomènes, notamment la poursuite de la tendance à l'abolition de la peine de mort et les difficultés qui empêchent encore d'obtenir des renseignements dignes de foi sur les exécutions.

Table des matières

I. Introduction
II. Évolution et pratiques
A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions
B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun
C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou restreint son utilisation
D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort ni restreint son utilisation
E. Pays observant un moratoire sur les exécutions
F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions
III. Application de la peine de mort
IV. Faits nouveaux survenus au plan international
V. Conclusion

I. Introduction

1. Avant 2006, le Secrétaire général présentait tous les ans à la Commission des droits de l'homme un rapport sur la question de la peine mort complétant dans les années intercalaires les rapports qu'il soumettait tous les cinq ans au Conseil économique et social sur le même sujet et sur les garanties protégeant les droits des condamnés à mort. Comme elle en avait décidé dans sa résolution 2005/59, un rapport a été présenté à la Commission à sa soixante-deuxième session (E/CN.4/2006/83). Le Conseil des droits de l'homme a, dans sa décision 2/102, prié le Secrétaire général de poursuivre ses activités, selon les décisions antérieures de la Commission, et d'actualiser ses études et ses rapports. C'est dans ce schéma que s'inscrit le rapport qui suit, qui met donc à jour les rapports précédents sur la question, à savoir le plus récent des rapports quinquennaux (E/2010/10) et les rapports présentés précédemment à la Commission et au Conseil (A/HRC/4/78, A/HRC/8/11 et A/HRC/12/45). Il y est rendu compte de l'évolution de la question de la peine de mort entre le 1er juin 2009 et le 1er juillet 2010. On rappellera d'autre part le rapport que le Secrétaire général a présenté à l'Assemblée générale sous la cote A/63/293 et Corr.1 ainsi que celui qu'il lui présentera sur les moratoires sur l'application de la peine de mort.

II. Évolution et pratiques

2. Les changements d'ordre législatif peuvent prendre la forme d'une nouvelle législation qui abolit ou rétablit la peine de mort, ou en limite ou en élargit le champ d'application. Sur le plan pratique, l'évolution peut se marquer par des mesures non législatives où s'exprime un net changement d'attitude à l'égard de la peine de mort; certains pays peuvent par exemple maintenir celle-ci, mais en suspendre l'application.

A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions

3. En janvier 2010, le Parlement angolais a approuvé une nouvelle Constitution, promulguée le 5 février 2010, contenant une disposition interdisant explicitement la peine de mort. Elle interdit également l'extradition des étrangers passibles de la peine de mort dans le pays requérant.

B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun

4. Pendant la période à l'examen, aucun pays n'a aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun.

C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou restreint son utilisation

5. Pendant la période à l'examen, aucun pays n'a limité le champ d'application de la peine de mort ni restreint son utilisation.

D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine mort

6. Sont actuellement en vigueur un instrument international et trois instruments régionaux engageant les États à abolir la peine de mort: le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, les Protocoles no 6 et no 12 additionnels à la Convention européenne des droits de l'homme, et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort. Le Protocole no 6 additionnel à la Convention européenne ne concerne que la peine de mort en temps de paix. Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme visent l'abolition totale de la peine de mort mais autorisent les États qui le souhaitent à la maintenir en temps de guerre s'ils font une réserve en ce sens au moment de leur ratification. Le Protocole no 13 vise l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris pour les actes commis en temps de guerre et en cas de menace de guerre imminente.

7. Le 15 décembre 2009, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a célébré le vingtième anniversaire du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle a appelé à cette occasion à abolir la peine capitale dans le monde entier et invité instamment tous les États à ratifier cet instrument [1]. Elle a rappelé les raisons pour lesquelles elle s'opposait à la peine de mort en toutes circonstances, dont la nature essentielle du droit à la vie, le risque d'exécuter un innocent par erreur, l'incertitude de la dissuasion ainsi exercée et le caractère vindicatif inacceptable de la condamnation. Elle a fait observer que 140 États ne procédaient plus à des exécutions et que les 72 États parties au Protocole étaient tenus de ne plus exécuter personne, de prendre toutes les mesures nécessaires pour abolir définitivement la peine de mort et de ne pas extrader un individu vers un pays où il serait passible de la peine de mort. Elle a invité tous les États qui recourent encore à la peine de mort à prononcer formellement un moratoire afin de ratifier un jour le Protocole facultatif et d'abolir pour de bon la peine capitale.

8. Pendant la période à l'examen, le Brésil a adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 25 septembre 2009, en faisant une réserve quant à l'article 2. En février 2010, le Parlement du Kirghizistan a pris une loi portant adhésion au deuxième Protocole facultatif, mais cet acte n'a pas pris officiellement effet pendant la période examinée ici.

9. On n'a constaté aucun acte de ratification ou d'adhésion concernant le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort pendant la période à l'examen.

10. On n'a constaté pendant la période à l'examen aucun acte de ratification ou d'adhésion concernant le Protocole no 6 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. L'Espagne a ratifié le Protocole no 13 relatif à la même Convention, avec entrée en vigueur le 1er avril 2010 et déclaration concernant Gibraltar.

E. Pays observant un moratoire sur les exécutions

11. Pendant la période à l'examen, plusieurs pays, qui conservent pourtant la peine capitale, ont prononcé un nouveau moratoire sur l'application de la peine de mort; plusieurs moratoires déjà en place dans plusieurs autres ont été maintenus. On trouvera des renseignements complets sur cet aspect de la question dans le prochain rapport que le Secrétaire général présentera à la 65e session de l'Assemblée générale.

12. Il a été rapporté en janvier 2010 que le Président de la Mongolie avait annoncé un moratoire sur les exécutions, en déclarant qu'il commuerait en une peine de 30 années de prison la condamnation des personnes en attente d'exécution. En novembre 2009, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a décidé de proroger indéfiniment le moratoire prononcé il y a un certain temps, dans une démarche qualifiée de "processus irréversible tendant à l'abolition de la peine de mort" correspondant aux tendances du droit international. En mars 2009, le Burkina Faso a déclaré qu'il s'engageait à abolir la peine de mort et a annoncé au mois de mai 2009 qu'il ratifierait le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À l'occasion de l'Examen périodique universel mené en février 2010, Madagascar a rappelé qu'il avait longtemps auparavant prononcé un moratoire et fait observer que la peine capitale était systématiquement commuée en prison à vie. À cette occasion, il a été recommandé à ce pays de ratifier le deuxième Protocole facultatif, afin d'abolir formellement la peine de mort (A/HRC/74/13).

13. Selon des rapports en provenance d'Algérie, plus de 100 personnes ont été condamnées à mort en 2009; le moratoire de fait en place depuis un certain temps est cependant maintenu [2]. Bien qu'en République démocratique du Congo un moratoire soit de fait en vigueur, plusieurs peines de mort ont été prononcées par les tribunaux militaires pendant la période à l'examen, qui visaient notamment deux Norvégiens condamnés à mort pour meurtre en juin 2010. Au Ghana, sept personnes ont été condamnées à mort en 2009 et 14 peines capitales ont été commuées en prison à vie; il n'y a pas eu d'exécution pendant la période à l'examen. Au Liban, alors que le moratoire de fait reste en vigueur, 7 personnes ont été condamnées à mort en octobre 2009 pour des attaques menées contre l'armée libanaise; 4 ont été condamnées à mort par un tribunal militaire pour collaboration avec Israël en 2009 et 16 (dont 3 jugées in absentia) ont été condamnées à mort entre janvier et avril 2010 pour faits de terrorisme.

14. Au Kenya, le Président a commué en peine de prison à vie la condamnation à mort d'au moins 4 000 détenus et a demandé une expertise officielle des effets de la peine de mort sur le niveau de la criminalité. Au Maroc, la peine de mort à laquelle 32 prisonniers avaient été condamnés a été commuée en peine de prison à vie en juillet 2009 à l'occasion du 10e anniversaire de l'accession au trône du Roi [3].

F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions

15. En Gambie, le Président a annoncé en septembre 2009 la reprise des exécutions; le Directeur des poursuites aurait déclaré en octobre que tous les condamnés à mort seraient exécutés par pendaison dans les plus brefs délais. Selon les informations reçues, une personne a été condamnée à mort et au moins 12 autres auraient été en attente d'exécution à la fin de l'année [4].

16. À la Jamaïque, le Premier ministre a annoncé en juillet 2009 que le Gouvernement mettrait en œuvre la décision déjà prise par le Parlement en 2008 de maintenir la peine de mort et de reprendre les exécutions dès que les recours offerts aux prisonniers en attente d'exécution auraient été épuisés.

17. Aux Émirats arabes unis, le Président a pris en octobre 2009 un décret concernant la sécurité nationale dont une disposition prévoit la peine de mort en cas de divulgation criminelle d'informations "préjudiciables à l'État". Bien qu'aucune exécution n'ait été signalée pendant la période à l'examen, le nombre de condamnations à mort aurait augmenté ces derniers mois selon la World Coalition against the Death Penalty.

III. Application de la peine de mort

18. Comme le Secrétaire général l'a déjà fait observer dans ses rapports précédents, il est difficile d'obtenir des chiffres précis et récents sur l'application de la peine de mort dans le monde. Cela tient au manque de transparence de nombreux gouvernements quant au nombre et à la qualité des personnes exécutées. Dans certains pays, ce genre de renseignement est classé secret d'État. Selon les organisations non gouvernementales, le nombre d'exécutions réalisées dans le monde en 2009 atteindrait 714, encore que le chiffre réel soit sans doute nettement plus élevé. On n'a pas pu obtenir le nombre exact d'exécutions réalisées dans plusieurs pays, dont la Chine, la République populaire démocratique de Corée, l'Égypte, la République islamique d'Iran, la Mongolie et le Vietnam [5].

19. En Égypte, 5 personnes au moins ont été exécutées en 2009; en mars 2010, 2 personnes ont été exécutées. En République islamique d'Iran, au moins 388 personnes ont été exécutées en 2009, dont un homme qui a été lapidé et au moins 5 jeunes gens condamnés pour des crimes commis alors qu'ils n'avaient pas 18 ans. En Irak, au moins 366 personnes ont été condamnées à mort en 2009, ce qui porte à 1 100 au moins le nombre de personnes dans cette situation. Au moins 120 exécutions ont été réalisées en 2009. En Jamahiriya arabe libyenne, le Gouvernement a prononcé une amnistie en septembre 2009 à l'occasion du 40e anniversaire de la Révolution Fateh, et commué en prison à vie toute les peines de mort visant les personnes condamnées pour faits criminels avant le 1er septembre; cependant, 4 hommes au moins auraient été exécutés en 2009 et 18 autres, dont beaucoup d'étrangers, fusillés en juin 2010 [6]. En Arabie saoudite, le recours à la peine de mort reste général et au moins 69 personnes ont été exécutées en 2009 dont 2 femmes, 2 jeunes et 19 étrangers5. En République arabe syrienne, au moins 7 hommes convaincus de meurtre ont été condamnés à mort; 8 prisonniers au moins ont été exécutés en 2009. En 2009 également 53 personnes au moins ont été condamnées à mort au Yémen, et au moins 30 prisonniers exécutés.

20. Au Bangladesh, au moins 64 personnes ont été condamnées à mort en 2009 et 3 exécutées5. Les condamnations à mort des 5 hommes coupables du meurtre de l'ex- Président Sheikh Mujibar Rahman en 1975 ont été confirmées par la Cour suprême en 2009 et ces personnes ont été pendues le 28 janvier 2010. En Chine, les exécutions sont restées très nombreuses bien qu'on en ignore le nombre exact, considéré comme secret d'État. Au Japon, 7 hommes ont été exécutés en 2009 et 106 prisonniers risquent l'exécution, notamment plusieurs malades mentaux. Le Gouvernement de la République démocratique populaire de Corée a continué à pratiquer les exécutions par pendaison ou par peloton d'exécution, et 7 cas au moins ont été rapportés par les médias étrangers. En Thaïlande, 2 personnes condamnées à mort pour trafic de drogue ont été exécutées au mois d'août 2009, premiers cas d'exécution depuis 2003. Dans la Province chinoise de Taïwan, 4 hommes condamnés à mort ont été exécutés en avril 2010, premier cas d'exécution depuis 2005; en mai 2010, la Cour constitutionnelle a rejeté l'appel interjeté pour interrompre la procédure d'exécution des 40 condamnés restants. Au Viet Nam, 59 personnes ont été condamnées à mort en 2009 et 9 exécutées. En 2009, au moins 6 condamnations à mort ont été prononcées à Singapour et il y a eu 1 exécution.

21. Aux États-Unis d'Amérique, 52 personnes ont été exécutées en 2009; 9 hommes qui avaient été condamnés à mort ont été innocentés et libérés [7]. Au total, 29 personnes ont été exécutées entre le 1er janvier et le 18 juin 2010, dont 1 homme fusillé le 18 juin dans le Utah.

22. Bien qu'au Bélarus la Chambre des représentants ait créé en juin 2009 un groupe de travail parlementaire chargé de rédiger un projet de loi portant moratoire, des condamnations à mort y ont encore été prononcées pendant la période de l'examen. Selon les informations obtenues, 2 prisonniers condamnés à mort pour meurtre ont été exécutés en mars 2010; c'étaient les deux seules exécutions constatées en Europe pendant la période à l'examen.

23. Une personne aurait été exécutée au Botswana en décembre 2009. Au Soudan, 6 personnes ont été exécutées en janvier 2010 pour le rôle qu'elles avaient joué dans les affrontements violents avec la police et avec les occupants de camps de déplacés. En mars 2010, 2 hommes ont été exécutés pour meurtre et pillage.

IV. Faits nouveaux survenus au plan international

24. Le 18 décembre 2008, l'Assemblée générale a adopté sa résolution 63/168 intitulée "Moratoire sur l'application de la peine de mort", dans laquelle elle se félicitait du nombre d'États appliquant un moratoire et de la tendance mondiale à l'abolition de la peine de mort. Elle y accueillait avec satisfaction le rapport du Secrétaire général et les conclusions et recommandations qui y figuraient. Elle a alors prié le Secrétaire général de lui présenter à sa soixante-cinquième session un rapport sur l'application de la résolution en question. Dans une note verbale adressée au Secrétaire général le 12 février 2009 (A/63/716), 53 États membres ont déclaré "qu'[ils] continu[ai]ent de s'opposer à toute tentative visant à imposer un moratoire sur la peine de mort ou son abolition en violation des dispositions du droit international".

25. Le huitième rapport quinquennal du Secrétaire général sur la peine capitale et l'application des garanties pour la protection des personnes passibles de la peine de mort (E/2010/10) a été présenté à la session de fond de 2010 du Conseil économique et social comme celui-ci en avait décidé dans ses résolutions 1745 (LIV) et 1990/51, et dans sa décision 2005/247. Il a aussi été présenté à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa dix-neuvième session et au Conseil des droits de l'homme, conformément à la décision 2/102 de ce dernier. Il expose en détail le phénomène et la tendance du recours à la peine capitale entre 2004 et 2008, sous l'angle notamment des garanties judiciaires, et il fait apparaître une tendance très marquée à l'abolition ou à la restriction de l'application dans la plupart des pays. Il cite les travaux récents faisant autorité pour conclure que la peine de mort viole le droit à la vie (par. 137) en attirant l'attention sur plusieurs problèmes graves qui se posent là où la peine de mort reste en usage en termes de normes et de règles internationales, notamment sous l'angle de son application aux seuls crimes très graves, de l'exclusion des criminels juvéniles et des garanties de procédure.

26. La question de la peine de mort a également été abordée par le Conseil des droits de l'homme au cours de son examen périodique universel. Les États membres se sont inquiétés du cas du Nigéria lorsqu'ils ont examiné le rapport de ce pays en février 2009. Dans sa réponse, le Gouvernement nigérian a fait observer que même si la peine de mort était "un élément valable du droit nigérian", il avait décidé de charger une commission nationale de reconsidérer la législation. Les États membres lui ont recommandé de prononcer formellement un moratoire sur les exécutions, en vue d'abolir la peine de mort (A/HRC/11/26). Des recommandations tendant à l'imposition d'un moratoire et à l'abolition officielle de la peine de mort ont également été adressées à l'Arménie, à l'Égypte, à El Salvador, au Kazakhstan et à Madagascar.

27. Les organes des Nations Unies chargés de contrôler l'application des traités relatifs aux droits de l'homme ont continué de s'intéresser à la question de la peine de mort, qu'ils ont abordée dans les conclusions adoptées à l'issue de l'examen des rapports des États parties et des communications individuelles. Dans deux affaires récentes [8], le Comité des droits de l'homme a rappelé qu'une condamnation à mort dans un procès ne répondant pas aux exigences d'équité des procédures était une violation de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans une affaire où la peine de mort était d'application systématique pour meurtre et tentative de meurtre [9], le Comité a rappelé sa jurisprudence selon laquelle l'imposition automatique et obligatoire de la peine de mort était un acte arbitraire de privation de la vie qui faisait infraction au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte dès lors que la peine de mort était imposée sans que la situation personnelle de l'accusé et les circonstances particulière du crime puissent être prises en considération [10]. Le Comité a considéré que l'imposition de la peine de mort était en elle- même, dans les circonstances de l'espèce, une violation des droits reconnus à l'auteur au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

28. Dans un autre dossier, le Comité des droits de l'homme a examiné un cas de déportation comportant pour l'intéressé le risque d'être condamné à mort [11] et a rappelé sa jurisprudence, au regard de laquelle l'État partie, qui avait lui-même aboli la peine de mort, violerait le droit à la vie que le paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte reconnaissait à cette personne si celle-ci devait être envoyée dans un pays où elle risquait d'être mise à mort [12]. Il a reconnu que ni lui-même ni l'État partie n'avaient les moyens de conclure à la culpabilité ou à l'innocence de l'intéressé, ni d'évaluer la probabilité qu'une condamnation à mort − non obligatoire − serait imposée si l'intéressé était condamné dans le pays requérant, mais il a fait observer que ce dernier risque ne pourrait être définitivement calculé que lorsqu'il serait trop tard pour que l'État partie requis protège le droit à la vie garanti par l'article 6 du Pacte. Il n'a pas accueilli l'argumentation de ce dernier État qui présumait apparemment que l'intéressé devait d'abord être condamné à mort pour que soit prouvée la "réalité du risque" de violation du droit à la vie. Il a également noté que la personne en question se trouverait plongée dans l'angoisse et la détresse si elle était confrontée au risque d'être condamnée à mort. Il a jugé en conclusion que le renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine sans assurances suffisantes constituerait pour l'État d'envoi, qui avait lui-même, aboli la peine de mort, une violation des droits consacrés aux articles 6 (droit à la vie) et 7 (protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) du Pacte.

29. Dans ses observations finales sur le rapport de la République-Unie de Tanzanie (CCPR/C/TZA/CO/4), le Comité s'est dit une nouvelle foi préoccupé par le fait que les tribunaux du pays continuaient à prononcer des condamnations à mort en dépit du moratoire de fait, appliqué depuis 1994, et par le grand nombre de personnes détenues dans le quartier des condamnés à mort. Il a regretté également de ne pas avoir d'informations suffisantes sur la durée des séjours dans ce quartier, sur le traitement des condamnés à mort, ni sur les procédures de commutation des condamnations à la peine capitale alors qu'un moratoire était en place. Il a recommandé à l'État partie d'envisager sérieusement d'abolir la peine de mort, de devenir partie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte et d'envisager aussi la commutation prochaine des peines des personnes déjà condamnées à mort.

30. Dans ses observations finales sur le rapport du Tchad (CCPR/C/TCD/CO/1), le Comité a pris note avec intérêt du fait que l'État partie envisageait de prendre des mesures pour abolir la peine de mort, mais il s'est déclaré préoccupé par les informations faisant état d'exécutions extrajudiciaires. Il a regretté que l'État partie ait mis fin au moratoire de fait et a pris note avec préoccupation des informations selon lesquelles plusieurs personnes auraient été exécutées en novembre 2003, à l'issue d'un procès conduit selon des procédures sommaires, avant même que le tribunal se soit prononcé sur leur recours en cassation. Le Comité a recommandé à l'État partie d'envisager d'abolir la peine de mort ou, à défaut, de mettre à nouveau en vigueur le moratoire la concernant. Il lui a également recommandé de veiller à ce que la peine de mort, si elle était appliquée, ne le soit que pour les crimes les plus graves et que, chaque fois qu'elle était imposée, les exigences des articles 6 (droit à la vie) et 14 (régularité des procédures) soient pleinement satisfaites. Enfin, l'État partie devait envisager de commuer toutes les peines capitales et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte visant à abolir la peine de mort.

31. Lors de son examen du rapport de la Fédération de Russie (CCPR/C/RUS/CO/6), le Comité a constaté avec préoccupation que la peine de mort n'avait pas encore été abolie en droit dans ce pays alors qu'un moratoire y était opportunément en vigueur depuis 1996. Saisi du rapport de la République de Moldova (CCPR/C/MDA/CO/2), le Comité s'est félicité de la disparition de la Constitution de ce pays d'une disposition qui autorisait l'imposition de la peine de mort "pour les actes commis en temps de guerre ou en cas de menace de guerre" (loi no 185-XVI de juin 2006).

32. Le Comité contre la torture a lui aussi abordé la question de la peine de mort, sous l'angle de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans ses observations finales sur les rapports des États parties à cet instrument. Pour ce qui est de celui du Yémen (CAT/C/YEM/CO/C/Rev.1), il s'est dit préoccupé par les informations faisant état de condamnations à mort d'enfants de 15 à 18 ans et par l'insuffisance des renseignements donnés dans le rapport sur le nombre de personnes exécutées pendant la période qu'il couvrait et par l'absence d'indications des seuls crimes dont il s'agissait et sur le nombre de personnes séjournant dans les quartiers des condamnés à mort, toutes informations qui auraient dû être détaillées par sexe, âge, origine ethnique et qualification des infractions. Il a recommandé à l'État partie d'envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à l'abolition de la peine capitale. En attendant, l'État partie aurait à revoir sa politique en matière de condamnation à la peine de mort et à prendre des mesures pour que cette peine ne soit pas imposée à des enfants; sa législation devait rendre possible la commutation des condamnations à mort, en particulier lorsqu'il s'était écoulé de longues années après le prononcé de la sentence.

33. Dans ses observations finales sur le rapport d'El Salvador (CAT/C/SLV/CO/2), le Comité a pris note avec satisfaction de l'abolition de la peine de mort visant certains crimes, mais n'a pas moins recommandé à l'État partie de l'abolir aussi pour les crimes militaires prévus dans sa législation applicable en temps de guerre. Examinant le rapport de la République de Moldova (CAT/C/MDA/CO/2), il s'est dit satisfait de la ratification par cet État du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Pour ce qui est de la Colombie (CAT/C/COL/CO/4), il s'est félicité que ce pays ne connaisse pas la peine de mort.

34. Les mandataires des procédures spéciales des Nations Unies relatives aux droits de l'homme ont eux aussi abordé la question de la peine de mort dans l'exercice de leur mandat. Dans un rapport présenté au Conseil des droits de l'homme (A/HRC/10/44 et Corr.1), le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants l'a analysée au regard de l'interdiction de toute peine ou traitement cruel, inhumain et dégradant. Il a demandé que des études plus poussées soient entreprises sur la question. Dans son travail sur le phénomène de la torture et des peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, qui comporte l'analyse des conditions de détention (A/HRC/13/39/Add.5), il a constaté la généralisation des preuves obtenues par la torture, notamment dans les cas où les suspects avaient été condamnés à mort; dans la prison de haute sécurité de Pasir Putih, en Indonésie, par exemple, la grande majorité des détenus du quartier des condamnés à mort lui avaient raconté avec des détails convaincants comment on les avait torturés, menacés de mort, frappés à coups de marteau ou longuement battus jusqu'à ce qu'ils signent des aveux qui allaient ensuite être présentés au tribunal. En Mongolie, le Rapporteur spécial s'est vu systématiquement refuser tout accès aux condamnés à mort, dont le traitement (ils étaient menottés et enchaînés dans des cellules sans lumière, sans nourriture suffisante, et n'avaient droit qu'à une seule visite d'un de leur proche avant leur exécution), selon des sources dignes de foi, représentait des actes de torture. Le Rapporteur spécial a également constaté que l'impossibilité de fait d'obtenir un réel examen rapide et indépendant des allégations des détenus privait d'une grande part de leur efficacité les organes de recours. On trouve d'autres questions liées à la peine de mort dans le rapport que le Rapporteur spécial a établi sur la suite donnée aux recommandations présentées à l'occasion de ses séjours dans divers pays (A/HRC/13/39/Add.6) et à la suite de communications individuelles (A/HRC/13/39/Add.1).

35. Dans le dernier rapport qu'il a présenté au Conseil des droits de l'homme (A/HRC/14/24), le Rapporteur spécial chargé des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a rappelé ses rapports précédents sur la question de la peine de mort, et fait observer en particulier que si le droit international ne l'interdit pas, le droit à la vie est par nature essentiel et les circonstances dans lesquelles on peut être condamné à mort sont strictement définies; les exécutions auxquelles il est procédé au-delà des limites ainsi fixées sont des exécutions illégales. Il a rappelé à propos des limites juridiques du champ d'application de la peine de mort: a) que celle-ci n'est légitime que si elle est imposée à l'issue d'un procès conduit dans les règles de l'équité; lorsque la justice d'un État ne peut faire respecter la régularité des procédures, son gouvernement doit imposer un moratoire sur les exécutions; b) que les États qui imposent la peine de mort doivent assurer la transparence des procédures et des démarches détaillées qui aboutissent à une telle condamnation; les États qui conservent la peine de mort doivent se demander périodiquement s'ils respectent les normes internationales et faire connaître leurs conclusions au Conseil; c) que le droit international interdit de condamner des mineurs à mort et de rendre la condamnation à mort systématique; d) que le droit international n'autorise la peine de mort que face aux "crimes les plus graves"; et e) qu'une personne condamnée à mort a le droit de demander grâce ou de faire commuer sa peine. Le Rapporteur spécial s'est également référé à ses rapports précédents dans lesquels il analysait les articulations entre les obligations de droit international et la charia et le droit pénal islamique appliqués dans certains pays. Il a indiqué que le recours à la peine de mort par les groupes armés non étatiques était un domaine futur de recherche.

36. Dans son rapport sur les communications individuelles (A/HRC/14/24/Add.1), le Rapporteur spécial s'est dit inquiet des condamnations à mort pour des crimes qui n'étaient pas les plus graves, et du manque de transparence des exécutions et des condamnations à mort frappant des mineurs.

37. Parmi les faits nouveaux constatés sur le plan international au cours de la période à l'examen, il faut citer la tenue du quatrième Congrès mondial contre la peine de mort tenu à Genève du 24 au 26 février 2010. Les participants ont adopté une déclaration prenant notamment acte d'évolution positive, illustrée par exemple par la multiplication des ratifications du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques [13]. Ils ont demandé: a) que les États ayant prononcé une abolition de fait légiférant pour en faire une abolition de droit; b) que les États abolitionnistes intègrent la question de l'abolition universelle de la peine de mort dans leurs relations internationales et en fassent un axe majeur de leur politique de promotion des droits de l'homme dans le monde; c) que les organisations internationales et régionales favorisent l'abolition universelle de la peine de mort, notamment en adoptant des résolutions appelant à instituer un moratoire sur les exécutions, en soutenant l'action éducative et en renforçant la coopération avec les organisations non gouvernementales abolitionnistes agissant sur place; et d) que les associations et les militants abolitionnistes des pays qui maintiennent la peine de mort unissent leurs forces et concertent leurs volontés pour fonder et faire croître des alliances nationales et régionales capables de promouvoir localement l'abolition universelle de la peine capitale.

38. Parmi les autres conférences touchant la question de la peine de mort, on peut citer le cinquième Congrès international tenu sur le thème de la justice et de la vie à Rome le 17 mai 2010, avec la participation de magistrats et d'associations civiles originaires de 30 pays. Au niveau régional, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a organisé en septembre 2009 une conférence à Kigali pour débattre de l'abolition de la peine de mort en Afrique centrale, orientale et australe. Les représentants de la Commission se sont de nouveau engagés à abolir la peine de mort et ont proposé de rédiger un protocole additionnel à la Charte africaine qui conduirait à l'abolition de la peine capitale en Afrique. Une deuxième conférence régionale axée sur les pays d'Afrique du Nord et de l'Ouest, s'est tenue à Cotonou du 12 au 15 avril 2010 pour favoriser l'élaboration de stratégies politiques et juridiques d'abolition de la peine de mort, par exemple en rédigeant un protocole additionnel à la Charte africaine qui concernerait la peine de mort. À la Conférence de la Coalition mondiale contre la peine de mort et la peine capitale dans la région du Moyen- Orient et de l'Afrique du Nord, tenue Madrid en juillet 2009, les représentants de la société civile et les spécialistes nationaux des pays arabes ont analysé les initiatives tendant à instaurer un moratoire sur les exécutions dans les pays participants. La déclaration de Madrid [14] invite les gouvernements des pays arabes à se conformer aux résolutions de l'Assemblée générale et à imposer un moratoire sur les exécutions.

V. Conclusions

39. L'évolution de la question de la peine de mort montre que la tendance à l'abolition se poursuit, et que certains États ouvrent des débats nationaux et régionaux sur la levée éventuelle des moratoires existants ou l'abolition totale de la peine de mort; d'autres restreignent progressivement l'application de cette peine. Le respect du droit international dans les pays où elle est encore imposée reste cependant problématique, notamment parce qu'elle n'est pas limitée aux crimes les plus graves, parce que les mineurs n'en sont pas exclus et parce que l'équité des procédures n'est pas garantie. Enfin, analyser l'application de la peine de mort reste un travail difficile en raison du manque de transparence des États à qui l'on demande des informations sur les condamnés à mort et les exécutions.




1 "UN human rights chief call for universal abolition of the death penalty", Centre de nouvelles de l'Organisation des Nations Unies, 15 décembre 2009.

2 Amnesty International, La peine de mort dans le monde en 2009; Hands off Cain, Rapport 2009 sur la peine de mort dans le monde; World Coalition against the Death Penalty, Towards a Universal Moratorium on the Use of the Death Penalty, février 2010.

3 World Coalition against the Death Penalty, op. cit.

4 Amnesty International, op.cit.

5 Amnesty International, op. cit.; World Coalition against the Death Penalty, Facts and figures about the death penalty 2010; Hand off Cain, op.cit.

6 Amnesty International.

7 World Coalition against the Death Penalty, Towards a Universal Moratorium on the Use of the Death Penalty, février 2010. Amnesty International, op. cit.

8 Communication no 1280/2004: Tolipkhuzhaev c. Ouzbékistan, constatations adoptées le 22 juillet 2009; communication no 1520/2006: Mwamba c. Zambie, constatations adoptées le 10 mars 2010.

9 Communication no 1520/2006, op. cit., note 8.

10 Voir par exemple la communication no 806/1998, Thompson c. Saint-Vincent-et-les Grenadines, constatations adoptées le 18 octobre 2000; communication no 845/1998, Kennedy c. Trinité-et- Tobago, constatations adoptées le 26 mars 2002; communication no 1077/2002, Carpo c. Philippines, constatations adoptées le 28 mars 2003.

11 Communication no 1442/2005, Kwok c. Australie, constatations adoptées le 23 octobre 2009.

12 Communication no 829/1998, Judge c. Canada, constatations adoptées le 5 août 2003.

13 Voir la déclaration finale à l'adresse www.worldcoalition.org/modules/wfdownloads/singlefile.php?cid=28&lid=306.

14 À consulter à l'adresse www.fidh.org/Final-statement-of-the-conference-of-the-World.
Partager…