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Rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires 1997 (extrait)

E/CN.4/1998/68
rapport du 23 décembre 1997 - Commission des droits de l'homme de l'ONU
Thème :
Conseil Economique et Social
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-quatrième session - Point 10 de l'ordre du jour provisoire



QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES, OU QU'ELLE SE PRODUISE DANS LE MONDE, EN PARTICULIER DANS LES PAYS ET TERRITOIRES COLONIAUX ET DEPENDANTS

Exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires

Rapport de M. Bacre Waly Ndiaye, rapporteur spécial,
présenté conformément à la résolution 1997/61 de la Commission des droits de l'homme



TABLE DES MATIERES
I. LE MANDAT
A. Fonctions du Rapporteur spécial
B.Violations du droit à la vie : mesures prises par le Rapporteur spécial
[...]
III. SITUATIONS COMPORTANT DES VIOLATIONS DU DROIT A LA VIE
A. Peine capitale
[...]
V. QUESTIONS PREOCCUPANT PARTICULIEREMENT LE RAPPORTEUR SPECIAL
A. Peine capitale
[...]
VI. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
1. Peine capitale


[...]


I. LE MANDAT

A. Fonctions du Rapporteur spécial

5. Dans la résolution 1997/61, la Commission des droits de l'homme a prié le Rapporteur spécial de continuer à examiner les cas d'exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires, de répondre efficacement aux informations qui lui parviennent et de renforcer son dialogue avec les gouvernements. La Commission l'a par ailleurs prié de continuer à surveiller l'application des normes internationales en vigueur relatives aux garanties et restrictions concernant l'imposition de la peine capitale, compte tenu des observations formulées par le Comité des droits de l'homme dans son interprétation de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que du deuxième Protocole facultatif s'y rapportant.



[...]

B. Violations du droit à la vie : mesures prises par le Rapporteur spécial

8. Au cours de la période considérée, le Rapporteur spécial a entrepris une action dans les cas suivants :

a) Violations du droit à la vie en relation avec l'application de la peine de mort. Le Rapporteur spécial intervient lorsqu'une sentence capitale est prononcée après un procès inéquitable ou lorsque le droit d'interjeter appel ou de se pourvoir en vue d'obtenir la grâce ou une commutation de peine n'est pas respecté. Il agit aussi lorsque la peine de mort est infligée pour des crimes qui ne peuvent être considérés comme relevant de la catégorie des "crimes les plus graves" mentionnée au paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il peut en outre prendre des mesures lorsque la personne condamnée est un mineur, un handicapé ou un aliéné mental, une femme enceinte ou une mère d'enfant en bas âge;


[...]


III. SITUATIONS COMPORTANT DES VIOLATIONS DU DROIT A LA VIE

A. Peine capitale

26. Dans sa résolution 1997/61, la Commission des droits de l'homme a prié le Rapporteur spécial de continuer à surveiller l'application des normes internationales en vigueur relatives aux garanties et restrictions concernant l'imposition de la peine capitale, compte tenu des observations formulées par le Comité des droits de l'homme dans son interprétation de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que du deuxième Protocole facultatif s'y rapportant.

27. Cela étant, le Rapporteur spécial a lancé trois appels urgents en faveur de 78 personnes nommément désignées et de groupes de personnes dont l'identité n'était pas précisée aux Gouvernements des pays suivants : Bahamas (1), Chine (1), Egypte (1), Emirats arabes unis (1), Etats-Unis d'Amérique (11), Gambie (1), Guatemala (1), Inde (1), Iran (République islamique d') (6), Iraq (1), Jamaïque (1), Jordanie (1), Kazakhstan (1), Malaisie (1), République démocratique du Congo (2), Rwanda (1), Singapour (1), Turkménistan (2), Ukraine (2), Vietnam (1) et Yémen (1). Le Rapporteur spécial a aussi adressé des appels urgents à l'Autorité palestinienne et au Chef du Conseil des Taliban (1).

28. Pour de plus amples informations au sujet de la peine capitale, on se reportera à la section A du chapitre V.


[...]


V. QUESTIONS PREOCCUPANT PARTICULIEREMENT LE RAPPORTEUR SPECIAL

A. Peine capitale

76. Le Rapporteur spécial note que la peine capitale déroge au droit fondamental à la vie et, comme toute dérogation, doit être interprétée dans un sens restrictif. La perte de la vie étant irréparable, l'application de la peine capitale doit respecter parfaitement toutes les restrictions prévues par les instruments internationaux pertinents. En outre, le respect de ces restrictions doit être assuré dans tous les cas, sans exception. Le Rapporteur spécial intervient lorsque les restrictions internationales, qui sont analysées dans les paragraphes suivants, ne sont pas respectées. En pareil cas, l'exécution de la peine capitale peut être assimilée à une forme d'exécution sommaire ou arbitraire.

77. Comme les années précédentes, lorsqu'il intervient suite à des plaintes pour violations du droit à la vie en rapport avec la peine capitale, le Rapporteur spécial continue d'être guidé par les trois grands principes suivants : l'opportunité de l'abolition de la peine de mort; la nécessité de veiller à ce que les juges présentent les plus hautes qualités d'indépendance, de compétence, d'objectivité et d'impartialité et que toutes les garanties d'un procès équitable soient pleinement respectées; le respect de toutes les restrictions spéciales concernant l'application de la peine de mort.

1. L'opportunité de l'abolition de la peine de mort

78. Bien que la peine capitale ne soit pas encore interdite en droit international, l'opportunité de son abolition a été fermement réaffirmée à différentes occasions par les organes et les organismes des Nations Unies s'occupant des droits de l'homme. Outre les exemples qu'il a cités dans son premier rapport (E/CN.4/1997/60, par. 75 a) à e)), le Rapporteur spécial note que la Commission des droits de l'homme a adopté la résolution 1997/12 du 3 avril 1997 sur la question de la peine de mort. Pour la première fois, la Commission a adopté une résolution sur la peine capitale par laquelle elle a engagé tous les Etats "qui n'ont pas encore aboli la peine de mort à limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine". Elle a également engagé les Etats à envisager de suspendre les exécutions en vue d'abolir définitivement la peine de mort.

79. Le Rapporteur spécial rappelle également qu'au niveau régional, les nouveaux membres du Conseil de l'Europe par exemple sont tenus de signer le Protocole No 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort dans l'année qui suit leur admission au Conseil, de le ratifier dans les trois années qui suivent et d'adopter immédiatement un moratoire sur les exécutions capitales.

80. Le Rapporteur spécial regrette que plusieurs pays qui n'avaient procédé à aucune exécution capitale depuis de nombreuses années bien que leur législation prévoit la peine de mort aient à nouveau appliqué cette peine en 1997. Il a appris par ailleurs qu'en février 1997 la Zambie avait renoué avec cette pratique interrompue depuis 1989. Selon les renseignements reçus, huit hommes auraient été secrètement exécutés à la prison de haute sécurité de Mukobeko. Le Burundi aurait également procédé à ses premières exécutions depuis 1981, six hommes seraient morts par pendaison dans l'enceinte de la prison de Bujumbura.

81. Etant donné que la perte de la vie est irréparable, le Rapporteur spécial appuie vigoureusement les conclusions adoptées par le Comité des droits de l'homme à propos de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (voir HRI/GEN/l/Rev.2 du 29 mars 1996) et souligne qu'il est hautement souhaitable d'abolir la peine de mort pour que le droit à la vie soit pleinement respecté. A cet égard, il se félicite que, le 3 juillet 1997, le Président de la Pologne ait adopté en tant que loi un nouveau code pénal abolissant la peine de mort pour tous les crimes.

2. Procès équitable

82. S'agissant du contrôle de l'application des normes existantes relatives à la peine capitale, comme le lui demande la Commission des droits de l'homme depuis 1993, le Rapporteur spécial a examiné avec une attention particulière les procédures judiciaires aboutissant à l'imposition de cette peine. Toutes les protections et garanties prévues dans ce domaine par les instruments internationaux pertinents doivent être pleinement respectées dans chaque cas à tous les stades, aussi bien avant que pendant les procès.

83. Le Rapporteur spécial tient à rappeler que, dans les procédures judiciaires susceptibles d'aboutir à l'imposition de la peine capitale, il faut appliquer les normes les plus strictes en matière d'indépendance, de compétence, d'objectivité et d'impartialité des juges et des jurys, comme le stipulent les instruments juridiques internationaux pertinents. Tous les accusés qui risquent la peine capitale doivent bénéficier des services d'un défenseur compétent à tous les stades de la procédure. Les accusés doivent être présumés innocents tant que leur culpabilité n'a pas été établie de manière incontestable, dans le respect rigoureux des normes les plus strictes en matière de collecte et d'évaluation des preuves. De plus, il doit être tenu compte de toutes les circonstances atténuantes. Cela étant, le Rapporteur spécial est très préoccupé par le fait qu'il existe des lois, en particulier des lois réprimant le trafic de drogue, dans des pays comme la Malaisie et Singapour, qui ne garantissent pas pleinement le respect de la présomption d'innocence du fait que la charge de la preuve incombe partiellement à l'accusé. De plus, ces lois sont formulées en termes si catégoriques qu'elles ne laissent aux juges aucune latitude pour individualiser la peine ou tenir compte des circonstances atténuantes, si bien qu'ils n'ont pas d'autre choix que de prononcer la peine de mort dès lors qu'il a été établi que l'accusé est coupable.

84. Le Rapporteur spécial pense, comme le Comité des droits de l'homme, qu'imposer la peine de mort à l'issue d'un procès au cours duquel les normes fondamentales relatives à l'équité des procès énumérées à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'ont pas été respectées, constitue une violation du droit à la vie si elle est exécutée.

85. Pendant la période considérée, des condamnations à mort auraient été prononcées en Egypte, aux Etats-Unis d'Amérique, en Inde, en Iraq, en Iran (République islamique d'), en Jordanie, au Kazakhstan, au Rwanda, en Ukraine, au Yémen et sur le territoire de l'Autorité palestinienne, à l'issue de procédures durant lesquelles les accusés n'ont pas pleinement bénéficié des droits et des garanties à un procès équitable énoncés dans les instruments internationaux pertinents. Le Rapporteur spécial estime que, même lorsque la loi en vigueur dans un pays est conforme à ces normes, il faut s'assurer que celles-ci sont respectées dans chaque cas où la peine de mort est prononcée. Des informations particulièrement préoccupantes ont été reçues au sujet de l'imposition et de l'exécution de la peine de mort dans cette partie de l'Afghanistan qui est sous le contrôle de facto des Taliban. Selon les informations qui lui sont parvenues, des personnes auraient été condamnées à mort par des tribunaux islamiques créés par les autorités taliban et formés de juges dont beaucoup n'auraient pratiquement aucune formation juridique. Il ne serait pas rare que ces tribunaux se prononcent dans la même journée sur un grand nombre d'affaires examinées en quelques minutes. Il a en outre était signalé que la peine de mort était parfois prononcée et exécutée sur l'ordre de commandants de Taliban ou de gardiens de prison qui étaient des Taliban.

86. En outre, la procédure doit garantir à l'accusé la possibilité de porter l'affaire devant une juridiction supérieure, composée de magistrats autres que ceux qui ont statué en première instance, pour qu'elle en réexamine les points de fait et de droit. Le droit de tout condamné à mort de former un recours en grâce doit aussi être garanti. A cet égard, le Rapporteur spécial a été informé qu'en Géorgie, plusieurs personnes, entre autres Irakli Dokvadze, Petre Gelbakhiani et Badri Zarandia, ont été condamnées à mort par la Cour suprême statuant en première instance, le verdict ainsi rendu ayant apparemment était présenté comme final et non susceptible d'appel. De plus, le Rapporteur spécial est intervenu en faveur de personnes attendant d'être exécutées et dont le droit de faire appel ou de former un recours en grâce ou en commutation de leur peine n'a pas été respecté aux Bahamas, en République démocratique du Congo et au Turkménistan.

87. Un fait préoccupant qui continue d'être porté à l'attention du Rapporteur spécial est le suivant : la décision de certains condamnés à mort de ne pas faire appel devant une juridiction supérieure ou de ne pas former un recours en grâce et d'accepter la condamnation à mort. A cet égard, le Rapporteur spécial s'associe pleinement à la position exprimée par le Conseil économique et social dans sa résolution 1989/64 du 24 mai 1989 intitulée "Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort", dans laquelle celui-ci a recommandé aux Etats Membres d'instituer une procédure obligatoire d'appel ou de réexamen prévoyant un appel à la clémence ou un recours en grâce dans toutes les affaires où l'accusé risque la peine capitale. Le Rapporteur spécial a envoyé un appel urgent en faveur d'une personne aux Etats-Unis qui avait décidé de renoncer à faire appel.

88. Le Rapporteur spécial demeure aussi préoccupé par l'imposition de la peine de mort par des juridictions d'exception. Celles-ci sont souvent établies pour connaître des actes de violence commis par des groupes d'opposition armés ou en période de troubles, en vue d'accélérer la procédure aboutissant à la peine de mort. Elles manquent souvent d'indépendance, soit parce que les juges qui y siègent sont comptables de leurs décisions devant l'exécutif, soit parce que ce sont des militaires en service actif. Les délais qui sont parfois fixés pour les diverses étapes des procès se déroulant devant ces juridictions portent gravement atteinte au droit des accusés à être bien défendus. Les restrictions apportées au droit d'appel dans ces procédures sont aussi préoccupantes. Le Rapporteur spécial a également été informé qu'au Pakistan, les condamnations à mort prononcées par les juridictions d'exception créées pour lutter contre le terrorisme ne respecteraient pas les normes internationales relatives à l'équité des procès dans la mesure où l'accusé n'est pas présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable.

89. Le Rapporteur spécial est également préoccupé par la situation des étrangers condamnés à mort. Il a appris qu'aux Etats-Unis d'Amérique plus de 60 ressortissants étrangers ont été condamnés à mort sans avoir été informés de leur droit, en application de la Convention de Vienne, de se faire aider de leur consulat. Il a également été informé qu'en 1997, plus de 70 ressortissants étrangers avaient été exécutés en Arabie saoudite.

90. Le Rapporteur spécial rappelle que, dans de précédents rapports à la Commission des droits de l'homme et à l'Assemblée générale, il a fait référence à la décision rendue en 1993 par le Conseil privé du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, instance judiciaire suprême pour les Etats membres du Commonwealth, dans laquelle celui-ci déclarait que le fait pour un condamné à mort d'attendre cinq ans l'exécution de sa peine une fois celle-ci prononcée constituait en soi un châtiment cruel et inhumain. Peu de temps avant de terminer le présent rapport, le Rapporteur spécial a été informé qu'en octobre 1996 le Conseil privé avait statué que l'exécution, aux Bahamas, d'un prisonnier qui avait passé plus de trois ans et demi dans le quartier des condamnés à mort pouvait être considérée comme un traitement cruel ou inhumain. Selon les informations reçues, le Conseil privé estimait que la règle des cinq ans ne devait pas être considérée comme fixe, applicable dans tous les cas, mais comme une norme dont on pouvait s'écarter si les circonstances l'exigeaient. A cet égard, le Rapporteur spécial a, à plusieurs reprises, exprimé la crainte que cela n'incite certains gouvernements à accélérer l'exécution des sentences de mort, ce qui, à son tour, pourrait avoir une incidence négative sur les droits des condamnés à épuiser tous les recours. Il tient donc à réaffirmer que la décision précitée doit être interprétée dans le sens qu'il est souhaitable d'abolir la peine de mort. Résoudre le problème que pose l'angoisse de l'attente de l'exécution dans le quartier des condamnés à mort en hâtant l'exécution est simplement inadmissible.

3. Restrictions concernant l'application de la peine capitale

91. Comme l'a dit le Rapporteur spécial dans son précédent rapport (E/CN.4/1997/60, par. 88), le droit international interdit d'appliquer la peine capitale à des délinquants mineurs. En 1997, le Rapporteur spécial a envoyé un appel urgent en faveur d'un jeune Sud-Africain qui encourrait la peine de mort aux Etats-Unis d'Amérique. Il a par la suite été informé par le Gouvernement que le mineur n'était plus passible de cette peine. Il est aussi intervenu en faveur de deux autres mineurs condamnés à mort en République islamique d'Iran. Il a également été informé qu'un mineur de 17 ans, apparemment âgé de 15 ans au moment des faits, aurait été exécuté à Owerri, dans l'Etat d'Imo, dans le sud-est du Nigéria, en juillet 1997.

92. Le Rapporteur spécial tient à exprimer la très vive inquiétude que lui inspirent les informations selon lesquelles depuis 1990, l'Arabie saoudite, les Etats-Unis d'Amérique, le Nigéria, le Pakistan, la République islamique d'Iran et le Yémen auraient exécuté des prisonniers qui n'avaient pas encore 18 ans au moment où ils avaient commis leur crime. Il a appris à ce sujet que le Pakistan adopterait un projet de loi relatif aux mineurs délinquants en vertu duquel la peine de mort serait maintenue pour les mineurs âgés de 16 ans et plus.

93. Le Rapporteur spécial est également intervenu en faveur de deux arriérés mentaux condamnés à mort aux Etats-Unis. Les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort stipulent que la sentence de mort ne sera pas exécutée dans le cas de personnes frappées d'aliénation mentale. En outre, au paragraphe 1 d) de sa résolution 1989/64, le Conseil économique et social a recommandé que les Etats renforcent encore la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort en supprimant cette peine, tant au stade de la condamnation qu'à celui de l'exécution, pour les handicapés mentaux ou les personnes dont les capacités mentales sont extrêmement limitées.

94. Il convient de souligner à nouveau qu'au paragraphe 2 de son article 6, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que "dans les pays où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves" et que dans ses observations sur cet article, le Comité des droits de l'homme a précisé que l'expression "les crimes les plus graves" devait s'entendre d'une manière restrictive et signifiait que la peine de mort devait être une mesure tout à fait exceptionnelle. De même, il est dit, au paragraphe 1 des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, que la peine de mort ne doit s'appliquer qu'aux crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou d'autres conséquences extrêmement graves. Le Rapporteur spécial en conclut que la peine capitale doit être supprimée pour des crimes tels que les crimes économiques et les crimes liés à la drogue. A cet égard, il tient à faire part des inquiétudes que lui inspirent certaines informations selon lesquelles la Chine, la Malaisie, la République démocratique du Congo, la République islamique d'Iran, Singapour et le Viet Nam prononceraient la peine capitale pour des crimes économiques ou liés à la drogue. Son attention a également été appelée sur des informations concernant la situation au Yémen où nombre de délits passibles de la peine capitale seraient définis en des termes si vagues qu'il serait facile d'en donner une interprétation abusive de façon à condamner des personnes dont les activités ne seraient rien de plus que l'expression pacifique de convictions dictées par leur conscience, notamment leurs opinions politiques.



[...]


VI. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

1. Peine capitale

117. Les Etats qui n'ont pas encore ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et en particulier le deuxième Protocole facultatif s'y rapportant, sont encouragés à le faire. Tous les Etats devraient mettre leur législation nationale en conformité avec les normes internationales. Ceux qui appliquent la peine capitale devraient respecter toutes les normes garantissant des procès équitables qui figurent dans les instruments juridiques internationaux pertinents, en particulier dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En outre, les gouvernements qui continuent d'appliquer cette peine aux mineurs et aux malades mentaux sont particulièrement invités à aligner leur droit interne sur les normes juridiques internationales. Il faudrait que les Etats envisagent d'adopter des lois spéciales pour protéger les arriérés mentaux et y incorporent les normes internationales en vigueur.

118. Les Etats devraient prévoir dans leur législation nationale un délai de six mois au moins pour laisser suffisamment de temps pour interjeter appel devant les juridictions supérieures et former un recours en grâce avant l'exécution d'une condamnation à mort. Une telle mesure empêcherait des exécutions précipitées tout en permettant à la personne condamnée d'exercer tous ses droits. Les personnes chargées d'appliquer un ordre d'exécution devraient être pleinement informées du point où en sont les pourvois ou le recours en grâce du prisonnier et ne devraient pas procéder à l'exécution tant qu'une procédure de recours est pendante. Les recours en grâce devraient offrir une chance réelle de sauver des vies.

119. Les gouvernements des pays où la peine capitale existe encore sont invités à ne ménager aucun effort afin d'en restreindre l'application dans la perspective de son abolition, jugée souhaitable et à maintes reprises préconisée par l'Assemblée générale ainsi que par la Commission des droits de l'homme dans sa résolution 1997/12. En application de cette dernière, les gouvernements devraient envisager d'imposer un moratoire sur les exécutions.

[...]
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