Plan du site

Taïwan réticent à abolir la peine capitale, malgré les erreurs judiciaires

dépêche de presse du 13 avril 2011 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Taiwan
Thèmes :
Chiang Kuo-ching
TAIPEI - Après un moratoire officieux de quatre ans, Taïwan a repris en 2010 les exécutions de condamnés à mort, mais le cas récent d'un innocent injustement mis à mort relance le débat, dans ce pays largement favorable à la peine capitale.

Depuis la reprise des exécutions il y a un an, neuf condamnés ont été abattus par balle dans le coeur, ou dans la nuque si le prisonnier veut donner ses organes.

Le pays a connu un moratoire non officiel pendant plus de quatre ans en raison de l'opposition à la peine de mort de la ministre de la Justice de l'époque. Elle a été poussée à la démission et les exécutions ont repris, même si leur nombre a diminué en dix ans. Dix-sept condamnés avaient été mis à mort en 2000.

Beaucoup de pays en Asie pratiquent la peine capitale: le Japon, la Malaisie, la Corée du Nord, Singapour et le Vietnam ont tous procédé à des exécutions en 2010, selon l'ONG Amnesty International.

A Taïwan, deux tiers de la population se dit favorable à cette sentence selon les sondages, et estime que cela a un effet dissuasif.

"C'est lié à notre culture traditionnelle et à nos croyances. Les gens croient dans le karma, ce qui part d'un côté revient de l'autre", déclare le nouveau ministre de la Justice, nommé au printemps 2010, un mois avant la reprise des exécutions.

"Le fait est que si les gens qui commettent des crimes graves ne sont pas punis sévèrement, la population ne se sentira pas en sécurité", ajoute Tseng Yung-Fu.

Mais le débat a été relancé récemment lorsque le gouvernement s'est excusé, début 2011, auprès de la famille de Chiang Kuo-Ching, exécuté en 1997 pour le viol et le meurtre d'une fillette de cinq ans.

Le jeune homme avait toujours affirmé avoir avoué le crime sous l'effet des tortures infligées par la police. Un délinquant sexuel, arrêté il y a quelques mois, a confessé être le véritable auteur de ce crime.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton avait rappelé l'an dernier à Taïwan qu'une erreur, inévitable dans tout système judiciaire, prenait un caractère irréversible avec la peine de mort.

Des parlementaires européens avaient menacé de revenir sur l'autorisation accordée aux Taïwanais d'entrer en Europe sans visa.

Taipei répond en assurant que le nombre de vérifications sur les cas de condamnés à mort sera renforcé.

"L'abolition est le but ultime", assure le ministre de la Justice à l'AFP. Un comité a été établi pour étudier la question et sonder l'opinion publique, ajoute-t-il.

"Cela fait dix ans qu'ils parlent de réformes et d'abolition, mais je ne vois pas vraiment d'effort en ce sens", soupire Lin Hsin-yi, directrice de l'Association de Taïwan pour l'abolition de la peine de mort.

Elle doute de la pertinence des sondages sur une question aussi complexe, où l'on demande aux gens de répondre simplement par "oui" ou par "non".

Et elle rejette l'idée d'une culture favorable à la peine capitale.

"Tous les pays ont une histoire de lois draconiennes (pour punir le crime), dont la peine de mort. Mais avec le temps, on réalise que cela n'empêche pas les gens de tuer et que la société n'en tire aucun bénéfice", déclare Lin Hsin-yi.

"On ne peut pas utiliser la culture et la tradition comme excuses. Si l'on pense que les droits de l'Homme sont importants, alors il faut vraiment s'efforcer" de se passer de la peine capitale.

Taïwan compte actuellement 40 détenus dans le couloir de la mort.
Partager…