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Japon: le plus ancien condamné à mort retourne en cour

dépêche de presse du 27 mars 2014 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Japon
Iwao Hakamada
(Agence France-Presse) TOKYO - Un Japonais considéré comme le plus ancien condamné à mort au monde a été libéré jeudi et va être rejugé après un demi-siècle dans l'antichambre de la mort, nouvel épisode de la tragique «affaire Hakamada» qui devrait faire réfléchir la population, espèrent les abolitionnistes.

Le tribunal de Shizuoka (sud-est du Japon) a décidé jeudi de rouvrir le procès d'Iwao Hakamada, aujourd'hui âgé de 78 ans, admettant des doutes sur sa culpabilité.

L'intéressé a été libéré de prison quelques heures plus tard, attendu par une meute de caméras qui ont furtivement filmé cet homme un peu vouté sortant d'un bâtiment, accompagné de sa soeur aînée, pour s'engouffrer dans une voiture.

Sur ces images, il avait l'air un peu surpris, mais avait bonne mine.

La cour «a suspendu la peine capitale à laquelle avait été condamné cet homme», a expliqué un officiel. La date du nouveau procès n'a toutefois pas été fixée.

Arrêté en 1966 et condamné à la pendaison deux ans plus tard, M. Hakamada se morfond dans le couloir de la mort en attendant son exécution depuis près d'un demi-siècle.

Cet ancien employé d'une usine de soja, un temps boxeur professionnel, avait été reconnu coupable d'avoir tué son patron, la femme de ce dernier et leurs deux enfants.

Mais ces dernières années, de nouveaux éléments, dont des tests ADN négatifs, sont apparus, qui plaident pour l'innocence de M. Hakamada.

Il a toujours clamé qu'il n'était pour rien dans ce quadruple meurtre, même s'il avait signé des aveux, selon lui sous l'insistance musclée des policiers. Il s'est rétracté ensuite, mais en vain.

Sa peine capitale avait été confirmée par la Cour suprême en 1980.

Un comité de soutien, ainsi que l'association du barreau japonais, exigeait depuis longtemps une révision du procès.

En attendant, sa soeur octogénaire, Hideko, a continué pendant près de 48 ans à se rendre tous les mois à la prison, même si son petit frère avait refusé de la voir depuis trois ans.

«Avant, quand je lui disais 'ça va?', au moins il me répondait. Juste 'oui', mais moi ça me suffisait. Je voulais juste entendre ce mot», déclarait-elle, désabusée, l'été dernier à l'AFP.

Jeudi matin, c'est une femme de nouveau souriante qui est apparue devant les caméras à la sortie du tribunal de Shizuoka pour remercier ceux qui l'ont aidée dans son long, très long combat.

«Merci, vraiment merci, tout le monde. C'est arrivé grâce à vous tous qui m'avez aidée. Je suis juste si heureuse», a-t-elle crié au micro devant une horde de journalistes et de personnes qui l'ont soutenue.

L'annonce de ce revirement dans la tristement célèbre «Hakamada jiken» (affaire Hakamaka) interpelle sur la qualité de la justice japonaise, surtout durant les années 1960, dans un pays où, aujourd'hui encore, 99% de ceux qui sont poursuivis devant les tribunaux sont jugés coupables.

Même l'un des juges qui avaient prononcé la peine capitale à l'encontre de M. Hakamada dit désormais qu'il n'avait jamais été convaincu de sa culpabilité, mais qu'il n'avait pu «retourner» le vote de ses collègues.

D'aucuns, à commencer par l'organisme Amnesty International, aimeraient que la réouverture du procès Hakamada conduise les Japonais à s'interroger sur le bien-fondé du maintien de la peine capitale, mais la vérité oblige à dire que cela n'a guère de chance d'aboutir à une abolition à court terme.

Dans les cas de meurtres, et plus particulièrement de ceux d'enfants, les Japonais sont majoritairement convaincus que l'exécution est la seule sanction qui vaille.

Pourtant, les associations internationales de défense des Droits de l'homme ne cessent de dénoncer la cruauté d'un système dans lequel les condamnés à mort attendent avec angoisse leur pendaison pendant parfois de nombreuses années, isolés dans leur cellule. Ils ne sont avertis de leur mise à mort que quelques heures avant d'être conduits à l'échafaud.

Après l'exécution de deux prisonniers en décembre dernier, il reste 129 condamnés à la peine capitale dans l'antichambre de la mort au Japon, selon le ministère de la Justice.

Le Japon et les États-Unis sont les seules démocraties industrialisées à appliquer cette sanction.
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