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Question de la peine de mort : Rapport du Secrétaire général

E/CN.4/2004/86
rapport du 23 janvier 2004 - Secrétaire général des Nations Unies
Conseil économique et social

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Soixantième session
Point 17 a) de l'ordre du jour provisoire

ÉTAT DES PACTES INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME
Question de la peine de mort*

Rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution 2003/67


Résumé
Dans sa résolution 2003/67, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixantième session, en consultation avec les gouvernements, les institutions spécialisées et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment de l'infraction. Le présent rapport, qui contient des renseignements portant sur la période allant de janvier 2003 à décembre 2003 indique que la tendance à l'abolition de la peine de mort se poursuit, comme le montre, notamment, l'accroissement du nombre de ratifications des instruments internationaux qui en prévoient l'abolition.

TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
I.CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE
A.Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions
B.Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun
C.Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation
D.Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort
E.Pays ayant instauré un moratoire sur les exécutions
F.Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions
II.APPLICATION DE LA PEINE DE MORT
III.FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL
IV.APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'AGE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT
V.LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE _ RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 2003
VI.CONCLUSIONS

Annexes
I. Tableaux indiquant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 31 décembre 2003
II. Résumé des observations reçues des États membres



INTRODUCTION

1. Au paragraphe 8 de sa résolution 2003/67, la Commission des droits de l'homme a prié le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixantième session, en consultation avec les gouvernements, les institutions spécialisées et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, un supplément annuel à son rapport quinquennal sur la peine de mort et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort rendant compte des changements survenus dans le monde entier en ce qui concerne la législation et la pratique en la matière, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment de l'infraction. À ce jour, six rapports quinquennaux ont été présentés, le plus récent en 2000 (E/2000/3), pour la période allant de 1994 à 1998. Une version révisée et mise à jour du dernier rapport a également été présentée à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa dixième session en 2001 (E/CN.15/2001/10), pour la période allant de 1994 à la fin de 2000. Le rapport supplémentaire suivant présenté à la Commission des droits de l'homme à sa cinquante-neuvième session (E/CN.4/2003/106) a porté sur la période allant de janvier 2001 à décembre 2002, afin de combler les lacunes éventuelles depuis la dernière version du rapport quinquennal. Le présent rapport supplémentaire contient des informations couvrant la période allant de janvier 2003 à décembre 2003.

2. Les rapports quinquennaux ont été établis par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à Vienne, à partir d'un questionnaire détaillé envoyé aux États. Les rapports utilisent également d'autres sources disponibles, y compris les recherches criminologiques, et des informations émanant d'institutions spécialisées et d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Le dernier rapport quinquennal donne des précisions sur l'évolution de la situation en ce qui concerne la peine de mort et son application, le respect des garanties destinées à protéger les droits des personnes passibles de la peine de mort, et les faits nouveaux survenus sur le plan international dans ce domaine.

3. En vue du présent rapport établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et en application de la résolution 2003/67 de la Commission des droits de l'homme, tous les États qui sont encore favorables au maintien de la peine de mort ont été priés de communiquer des informations concernant l'application de la peine capitale et l'observation des garanties. En outre, le secrétariat a demandé à tous les États et aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales des informations sur les changements survenus dans la législation et la pratique concernant la peine de mort, ainsi que l'application des garanties, en accordant une attention particulière à l'application de la peine de mort à des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans au moment du délit. Suite à cette demande, des renseignements ont été reçus des États suivants: Costa Rica, Colombie, Haïti, Italie, Luxembourg, Maroc, Maurice, Mexique, Paraguay, République tchèque, Roumanie et Turquie. Ces informations sont résumées dans l'annexe II du présent rapport et peuvent en outre être consultées au secrétariat. De plus, les organisations suivantes ont envoyé leurs publications et autres documents sur la question traitée dans le rapport: la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Amnesty International, le Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'homme, Human Rights in China, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Ensemble contre la peine de mort et l'Organisation mondiale contre la torture.

4. Dans le présent rapport, conformément à la pratique adoptée dans les rapports quinquennaux, les États sont classés en pays abolitionnistes, pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun, pays abolitionnistes de fait ou pays favorables au maintien de la peine de mort. Sont considérés comme abolitionnistes les pays qui excluent la peine de mort pour toutes les infractions, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre. Les pays considérés comme abolitionnistes pour les infractions de droit commun sont ceux qui ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions de droit commun commises en temps de paix. Dans ces pays, la peine de mort n'est maintenue que pour des circonstances exceptionnelles, celles par exemple qui peuvent prévaloir en temps de guerre pour des infractions militaires, ou pour des infractions contre l'État, telles que la trahison ou l'insurrection armée. Sont considérés comme abolitionnistes de fait les pays dont la législation prévoit la peine de mort pour les infractions de droit commun mais où aucune exécution n'a eu lieu depuis au moins 10 ans. Tous les autres pays sont considérés comme favorables au maintien de la peine de mort, c'est-à-dire que cette peine y est en vigueur et que des exécutions y ont effectivement lieu, même si elles sont relativement rares dans beaucoup d'entre eux.


I. CHANGEMENTS SURVENUS DANS LA LÉGISLATION ET DANS LA PRATIQUE

5. Les changements d'ordre législatif peuvent porter sur l'adoption d'une nouvelle législation abolissant ou rétablissant la peine de mort, ou qui en limite ou en élargit le champ d'application, ainsi que sur la ratification d'instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort. Sur le plan de la pratique, les changements peuvent concerner des mesures autres que les mesures législatives qui traduisent une transformation importante dans la façon de concevoir le recours à la peine de mort; des pays peuvent, par exemple, tout en maintenant la peine de mort, annoncer un moratoire sur son application. Il peut s'agir également de mesures visant à commuer les condamnations à la peine capitale. D'après les renseignements reçus ou recueillis auprès des sources disponibles, les changements survenus dans la législation et la pratique depuis le 1er janvier 2003 sont indiqués ci-après.

A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions

6. Au cours de la période à l'examen, aucun pays n'a aboli la peine de mort pour toutes les infractions.

B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun

7. L'Arménie a ratifié le Protocole no 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme, du Conseil de l'Europe) concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix, le 29 septembre 2003.

C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou son utilisation

8. Bien que le Tadjikistan continue d'imposer et d'appliquer la peine de mort, depuis juillet 2003, celle-ci n'est plus prévue par le Code pénal pour 10 infractions. En revanche, elle demeure en vigueur pour les cinq infractions suivantes: meurtre avec circonstances aggravantes, viol avec circonstances aggravantes, terrorisme, biocide et génocide.

D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux prévoyant
l'abolition de la peine de mort

9. Il y a un instrument international et trois instruments régionaux en vigueur qui engagent les États parties à abolir la peine de mort, à savoir: le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Protocole no 6 et le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l'homme et le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort. Le Protocole no 6 à la Convention du Conseil de l'Europe concerne l'abolition de la peine de mort en temps de paix. Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l'homme prévoient l'abolition totale de la peine de mort mais autorisent les États qui le souhaitent à maintenir la peine de mort en temps de guerre, s'ils formulent une réserve à cet effet au moment de la ratification. Le Protocole no 13 est relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre.

10. Au cours de la période à l'examen, trois États ont adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à savoir Djibouti le 5 février 2003, le Paraguay le 18 août 2003 et le Timor-Leste le 18 septembre 2003. L'Arménie et la Turquie ont ratifié le Protocole no 6 à la Convention du Conseil de l'Europe le 29 septembre 2003 et le 12 novembre 2003, respectivement. Le 3 avril 2003, la
Serbie-Monténégro a signé le Protocole no 6.

11. Le 1er juillet 2003, le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l'homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances est entré en vigueur lorsque 10 ratifications ont été obtenues. Au 31 décembre 2003, les 20 États membres suivants avaient ratifié le Protocole no 13: Andorre, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Géorgie, Hongrie, Irlande, Liechtenstein, Malte, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Saint-Marin, Slovénie, Suède, Suisse et Ukraine.

E. Pays ayant instauré un moratoire sur les exécutions

12. Au Kirghizistan, le décret présidentiel du 1er janvier 2003 a prolongé le moratoire officiel jusqu'à la fin de 2003. Dans la Fédération de Russie, le moratoire de fait qui est en place depuis août 1996 continuait d'être observé.

13. Le Gouvernement kenyan a libéré 28 prisonniers condamnés à mort et commué la condamnation à mort de 195 autres en février 2003. Le Gouverneur sortant de l'Illinois (États-Unis d'Amérique) a commué la condamnation à mort de 167 prisonniers et en a gracié quatre autres le 13 janvier 2003.

F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi
son champ d'application ou repris les exécutions

14. Plusieurs exécutions ont eu lieu au Tchad en novembre 2003, ce qui ne s'était pas produit depuis plus d'une décennie.


II. APPLICATION DE LA PEINE DE MORT

15. Les seuls chiffres dont on dispose indiquent qu'au moins 3 248 personnes ont été condamnées à mort dans 67 pays, et que 1 526 personnes au moins ont été exécutées dans 31 pays en 2002 .


III. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU NIVEAU INTERNATIONAL

16. La question continue de figurer à l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme. Dans sa résolution 2003/67, la Commission a engagé tous les États qui n'ont pas encore aboli la peine de mort à limiter progressivement le nombre d'infractions qui emportent cette peine et, pour le moins, à ne pas en étendre l'application aux crimes auxquels elle ne s'applique pas aujourd'hui; à abolir définitivement la peine de mort et, en attendant, instituer un moratoire sur les exécutions; et à rendre publics les renseignements concernant l'application de la peine de mort et toute exécution prévue. La résolution prie instamment les États d'"exempter de la peine capitale les mères ayant des enfants en bas âge" et de veiller à ce que la peine capitale ne soit pas "exécutée en public ni de toute autre manière dégradante, et à ce qu'il soit mis immédiatement fin aux modes d'exécution particulièrement cruels ou inhumains, comme la lapidation".

17. La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme (ci-après la Sous-Commission) et son groupe de travail de session sur l'administration de la justice ont examiné les questions relatives à la privation du droit à la vie, eu égard en particulier à l'application de la peine de mort (voir E/CN.4/Sub.2/2003/6). Dans sa résolution 2003/11, la Sous-Commission a prié instamment tous les États "de ne pas transférer de personnes dans les États qui continuent d'imposer la peine de mort sauf s'il leur est garanti que la peine capitale ne sera ni demandée ni exécutée en l'espèce" (par. 3 a)).

18. Le Comité des droits de l'homme a continué d'examiner des affaires concernant la peine capitale au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans les constatations qu'il a adoptées le 5 août 2003 , le Comité a, pour la première fois, révisé sa jurisprudence antérieure relative à l'interprétation de l'article 6 du Pacte, au sujet d'un État partie qui, ayant lui-même aboli la peine de mort , voulait expulser une personne vers un pays où l'on pouvait raisonnablement prévoir que la peine capitale lui serait appliquée. Dans le cas d'espèce, le Comité a décidé d'étudier la question de l'application de l'article 6 à la lumière de la nature fondamentale du droit en question, de l'évolution notable en fait et en droit ainsi que dans l'opinion internationale à ce sujet, et de la modification apportée par l'État partie, à savoir le Canada, à son droit interne de façon à garantir la protection des personnes qu'il extrade. Le Comité a conclu que les pays qui ont aboli la peine de mort sont tenus de ne pas exposer un individu au risque réel de son application. Le Comité a donc considéré que le Canada avait commis une violation du droit à la vie garanti au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en expulsant l'auteur vers les États-Unis alors que celui-ci était sous le coup d'une condamnation à mort, sans demander l'assurance qu'il ne serait pas exécuté. En outre, le Comité a estimé qu'une violation distincte de l'article 6, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, avait été commise dans la mesure où l'État partie avait expulsé l'auteur sans lui donner la possibilité d'introduire un recours devant la cour d'appel.

19. Dans les constatations qu'il a adoptées le 28 octobre 2002 , le Comité a estimé que le paragraphe 3 de l'article 9 et les paragraphes 3 c), d) et e) de l'article 14 du Pacte avaient été violés en raison de la durée de la détention avant jugement et parce que les garanties procédurales n'avaient pas été respectées au cours du procès. Rappelant sa jurisprudence constante, le Comité a également constaté une violation du droit à la vie, consacré à l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au motif que la peine de mort avait été prononcée alors que le droit de l'auteur à un procès équitable n'avait pas été garanti. Dans ses constatations adoptées le 28 mars 2003 , le Comité, renvoyant à sa jurisprudence sur la condamnation obligatoire à la peine de mort, a observé que les auteurs avaient été automatiquement condamnés à mort parce qu'ils avaient commis deux infractions (notamment un meurtre) qui constituaient un acte unique. Les circonstances particulières de l'affaire ou la situation personnelle des accusés n'ayant pas été prise en considération, la condamnation à mort a donc été considérée arbitraire et contraire au paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte. Le Comité a également estimé, dans les constatations qu'il a adoptées le 3 avril 2003 , que le fait d'avoir appliqué la peine de mort secrètement a eu pour effet d'intimider ou de punir les familles des auteurs en les laissant délibérément dans un état d'incertitude et de souffrance psychologique. Le Comité a conclu que le fait que les autorités aient tout d'abord omis de notifier aux auteurs les dates prévues pour les exécutions, puis aient persisté à ne pas leur indiquer l'emplacement des tombes de leur fils, constitue un traitement inhumain à l'égard des auteurs, qui viole l'article 7 du Pacte.

20. Le 24 juillet 2003, le Comité a publié un communiqué de presse dans lequel il déplorait l'exécution en Ouzbékistan de six personnes dont les affaires étaient en cours d'examen devant le Comité, alors même que des demandes de mesures conservatoires avaient été faites . Le Comité a rappelé à l'État partie sa position selon laquelle l'exécution d'une personne dont la communication est en cours d'examen devant le Comité, en particulier lorsqu'une demande de mesures conservatoires a été faite en application de l'article 86 du Règlement intérieur du Comité, constitue une violation grave du Protocole facultatif. En outre, le Comité a de nouveau demandé que des mesures conservatoires, au titre de l'article 86, soient prises dans toutes les autres affaires dont est saisi le Comité au sujet de l'Ouzbékistan.

21. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a continué de suivre la situation en ce qui concerne la peine capitale afin d'assurer le respect des engagements acceptés par tous les États membres du Conseil. La question est examinée tous les six mois lors des réunions des Ministres délégués, qui se tiendront jusqu'à ce que l'Europe devienne une zone libre de jure de la peine de mort. En mai 2003, le Comité des Ministres a de nouveau exhorté les États membres concernés à accélérer le processus devant aboutir à l'abolition de la peine de mort en ratifiant rapidement le Protocole no 6 à la Convention européenne des droits de l'homme, tout en respectant strictement, entre temps, le moratoire sur les exécutions.

22. En 2001, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la résolution 1253 (2001) dans laquelle l'Assemblée a réclamé de la part du Japon et des États-Unis qu'ils instituent sans délai un moratoire relatif aux exécutions et prennent les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort, et qu'ils améliorent immédiatement les conditions régnant dans le couloir de la mort. L'Assemblée a décidé de mettre en question le maintien du statut d'observateur de ces deux États auprès de l'Organisation si aucun progrès notoire n'était constaté quant à l'application de la résolution avant le 1er janvier 2003. En 2002 et 2003, le Comité des affaires juridiques et des droits de l'homme a organisé des séminaires sur la question à Tokyo, à Springfield (Illinois, États-Unis d'Amérique) et à Washington, D.C. Ultérieurement, dans sa résolution 1349 (2003) , l'Assemblée a décidé de "renforcer le dialogue avec les Parlementaires japonais en vue de favoriser une avancée rapide vers l'institution d'un moratoire relatif aux exécutions et vers l'abolition de la peine de mort et de poursuivre ses efforts pour instaurer un dialogue avec les parlementaires des États-Unis (tant au niveau fédéral qu'au niveau des États) en vue de les soutenir dans leurs efforts pour instituer un moratoire relatif aux exécutions et pour abolir la peine de mort". L'Assemblée a décidé de débattre de l'abolition de la peine de mort dans les États membres et les États observateurs du Conseil de l'Europe dans un prochain avenir.

23. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a continué de publier des rapports sur la peine de mort dans la zone de l'OSCE, rapports qui ont servi de documents de base pour les réunions sur la mise en œuvre des engagements concernant la dimension humaine, organisées à Varsovie en octobre 2003.

24. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a rappelé sa résolution, adoptée en novembre 1999 à Kigali, dans laquelle elle avait exhorté les États à envisager d'imposer un moratoire sur la peine de mort.

25. Des informations complémentaires sur la peine de mort dans les États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) figuraient dans un rapport d'Amnesty International intitulé "Afrique de l'Ouest: il est temps d'abolir la peine de mort" .

26. Le 10 octobre 2003, la Coalition mondiale contre la peine de mort a organisé la première Journée mondiale contre la peine de mort. La Coalition appuie également l'initiative "Villes pour la vie – Villes contre la peine de mort", organisée tous les ans par la Communauté de Sant'Egidio et Ensemble contre la peine de mort pour commémorer la première abolition de la peine de mort, par le duché de Toscane, le 30 novembre 1786.

27. Amnesty International a fait une déclaration sur "Le rôle des règles et normes des Nations Unies dans la lutte en faveur des droits de l'homme" à l'occasion de la réunion d'experts sur l'application des règles et normes des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale, organisée en février 2003 par l'Office contre la drogue et le crime. Le rapport de la réunion a été publié en 2003 par l'Office contre la drogue et le crime et est disponible sur Internet .


IV. APPLICATION DES GARANTIES POUR LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT, UNE ATTENTION SPÉCIALE ÉTANT ACCORDÉE À L'IMPOSITION DE LA PEINE DE MORT À DES PERSONNES N'AYANT PAS ATTEINT L'GE DE 18 ANS AU MOMENT DU DÉLIT

28. Les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort sont notamment les suivantes: a) une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves; b) le droit de bénéficier d'une peine moins grave si, après que le crime a été commis, une disposition à cet effet est adoptée sous forme de loi; c) les personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis ne devraient pas être condamnées à mort, et la sentence de mort ne devrait pas être exécutée dans le cas d'une femme enceinte, de la mère d'un jeune enfant ou de personnes frappées d'aliénation mentale; d) la peine capitale ne peut être exécutée que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant aucune place à aucune autre interprétation des faits; e) la peine capitale ne peut être exécutée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent après une procédure juridique offrant toutes les garanties possibles pour assurer un procès équitable, y compris le droit de l'accusé de bénéficier d'une assistance judiciaire appropriée; f) le droit de faire appel de la condamnation à la peine de mort devant une juridiction supérieure; g) le droit de se pourvoir en grâce ou de présenter une pétition en commutation de peine; h) la peine capitale ne sera pas exécutée lorsqu'une procédure d'appel ou toute autre procédure de recours est pendante; et i) lorsque la peine capitale est appliquée, elle est exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possibles.

29. Les États membres qui maintiennent la peine de mort n'ont pas fourni d'informations sur l'application des garanties. Le Maroc, considéré comme un pays abolitionniste de fait, a fait des observations sur les garanties (voir l'annexe II ci-dessous, dans laquelle figure le résumé des observations reçues des États membres).

30. Comme par le passé, la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a continué de surveiller la mise en œuvre des normes internationales en vigueur relatives aux garanties et restrictions concernant l'application de la peine capitale. Au cours de la période à l'examen, la Rapporteuse spéciale est intervenue dans des affaires mettant en jeu la peine de mort lorsqu'il y avait lieu de penser que les restrictions internationales n'étaient pas respectées, et lorsque l'application de la peine capitale pouvait constituer une violation du droit à la vie.

31. La Rapporteuse spéciale est intervenue, notamment, dans des affaires dans lesquelles les accusés, selon les renseignements communiqués, avaient été condamnés à mort en raison de l'application de lois ou de procédures, notamment au stade préparatoire au procès, qui étaient loin de satisfaire aux normes internationales. Elle est également intervenue dans des affaires dans lesquelles des personnes souffrant d'une incapacité ou d'une maladie mentale, ou dont les capacités mentales étaient extrêmement limitées, encouraient la peine de mort, et dans lesquelles la peine de mort avait été imposée pour des infractions qui n'entraient pas dans la catégorie des "crimes les plus graves". La Rapporteuse spéciale est particulièrement préoccupée par la question de l'interdiction de l'application de la peine capitale à des délinquants mineurs. À cet égard, elle a reçu plusieurs allégations qu'elle a portées à l'attention des États-Unis d'Amérique concernant divers recours urgents .

32. La Rapporteuse spéciale a en outre observé que dans des pays où les garanties et les restrictions relatives à l'application de la peine capitale ne sont pas réellement observées, il est souhaitable d'abolir la peine irréversible ou du moins de décréter un moratoire sur son application. Enfin, la Rapporteuse spéciale est particulièrement préoccupée par les affaires dans lesquelles la peine de mort a été prononcée par des juridictions d'exception et en vertu d'une législation spéciale qui ne garantit pas un procès équitable.

33. En 2003, la Commission, dans sa résolution 2003/67, a prié instamment tous les États qui maintiennent la peine de mort "de ne pas la prononcer dans le cas de personnes âgées de moins de 18 ans…" (par. 4 a)). Dans la même résolution, la Commission a également réaffirmé la résolution 2000/17 de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme relative au droit international et à l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission du délit (par. 2). Dans deux résolutions supplémentaires, adoptées en 2003 , la Commission a engagé tous les États qui n'avaient pas encore aboli la peine de mort à respecter les obligations qu'ils avaient contractées en vertu des dispositions pertinentes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à savoir notamment les articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant et les articles 6 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ayant présentes à l'esprit les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.

34. En 2003, le Comité des droits de l'enfant a traité la question de la peine de mort dans deux de ses observations finales. Dans le cas du Bangladesh et du Pakistan, le Comité a exprimé sa profonde préoccupation quant au fait que la peine de mort soit encore applicable aux personnes âgées de moins de 18 ans, en violation du paragraphe a) de l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il a recommandé que ces États parties prennent des mesures immédiates pour s'assurer que l'interdiction de la peine de mort s'applique à tous les enfants de moins de 18 ans (voir CRC/C/15/Add.221 et CRC/C/15/Add.217).

35. Des renseignements supplémentaires sur l'imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans ont été communiqués par Amnesty International, qui a appelé l'attention sur son rapport "Les enfants et la peine de mort" . Amnesty International a signalé que trois délinquants mineurs avaient été exécutés en 2002 dans le même pays.

V. LA PEINE DE MORT DANS LE MONDE – RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 2003

36. Le dernier rapport quinquennal et sa version révisée contiennent un certain nombre de tableaux illustrant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde. Quelques-uns de ces tableaux sont reproduits dans l'annexe I du présent rapport et mis à jour pour tenir compte des faits nouveaux survenus jusqu'au 31 décembre 2003. Le tableau ci-dessous, établi à partir des renseignements figurant à l'annexe I, est un résumé de la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 31 décembre 2003:

La peine de mort dans le monde – Résumé de la situation au 31 décembre 2003

Pays favorables au maintien de la peine de mort 66
Pays abolitionnistes pour toutes les infractions 77
Pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun 15
Pays qui peuvent être considérés comme des pays abolitionnistes de fait 37


VI. CONCLUSIONS

37. La tendance en faveur de l'abolition se poursuit. Le nombre de pays qui peuvent être considérés comme abolitionnistes de fait est passé de 33 à 37. Le nombre total de pays favorables au maintien de la peine de mort a baissé de 71 à 66. Le nombre de pays qui ont ratifié des instruments internationaux prévoyant l'abolition de la peine de mort est également en nette augmentation.


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Notes

1 - The Safeguards guaranteeing protection of the rights of those facing the death penalty are contained in Economic and Social Council resolution 1984/50. Council resolution 1989/64 recommended steps for their implementation.

2 - Amnesty Iinternational. "Facts and figures on the death penalty" (ACT 50/005/2003), p. 1.

3 - Communication No 829/1998, Judge v. Canada.

4 - Previously, in the case of Kindler v. Canada, Communication No. 470/1991, Views adopted on 30 July 1993 , the Committee considered that as the State party had not itself imposed the death penalty but had extradited the author to the United States to face capital punishment, a State which had not abolished the death penalty, the extradition itself would not amount to a violation by the State party unless there was a real risk that the author's rights under the Covenant would be violated in the United States.

5 - Communication No. 838/1998, Oral Hendricks v. Guyana.
6 - Communication No 1077/2002, Carpo v. The Philippines.

7 - Communication No 886/1999, Bondarenko v. Belarus; communication No 887/1999, Lyashkevich v. Belarus.

8 - Communication 1170/200, Muzaffar Mirzaev; Communication 1166/2003, Shukrat Andasbaev; Communication 1165/2003, Uligbek Eshov; Communication 1162/2003, Ilkhon Badadzhanov and Maksud Ismailov; and Communication 1150/2003, Azamat Uteev.

9 - See Report of the Committee on Legal Affairs and Human Rights (doc. 9115). See also related order No 574 (2001) and recommendation 1522 (2001).

10 - See ibid. (doc. 9908). See also related recommendation 1627 (2003).

11 - AFR 05/003/2003.

12 - United Nations Office on Drugs and Crimes, The Application of the United Nations Standards and norms in Crime Prevention and Criminal Justice, report of an expert group meeting held at the Peace Centre, Stadtschlaining, Austria 10-12 February 2003, Ministry of Justice, Vienna, 2003, pp. 231-232. Available online at www.unodc.org/pdf/crime/publications/standards%20&%20norms.pdf.

13 - See report of the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions (E/CN.4/2003/3/Add.1), paras. 511, 513, 514, 519, 521, 522 and 527.

14 - In paragraphs 1 and 6, the Sub-Commission condemned "unequivocally the imposition and execution of the death penalty on those aged under 18 at the time of the commission of the offence" and recommended that the Commission adopt a decision confirming that "international law concerning the imposition of the death penalty in relation to juveniles clearly establishes that the imposition of the penalty on persons aged under 18 years at the time of the offence is in contravention of customary international law".

15 - See Commission resolutions 2002/53 (Extrajudicial, summary or arbitrary executions), paragraph 6, and 2003/86 (Rights of the child), paragraph 35 (a).

16 - As of 31 December 2003, 191 States were parties to the Convention on the Rights of the Child. Article 37, subparagraph (a) of the Convention stipulates that capital punishment shall not be imposed for offences committed by persons below 18 years of age.

17 - Act 50/004/2003.


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Annexes [non reproduites]
I. Tableaux indiquant la situation en ce qui concerne la peine de mort dans le monde au 31 décembre 2003
II. Résumé des observations reçues des États membres
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