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Résolution du Parlement européen du 14 avril 2016 sur le Pakistan, en particulier sur l'attentat de Lahore

P8_TA-PROV(2016)0128 (2016/2644(RSP))
résolution du 14 avril 2016 - Union européenne
Pays :
peine de mort / Pakistan
Parlement européen
2014-2019
TEXTES ADOPTÉS - Édition provisoire
Pakistan, en particulier l'attentat perpétré à Lahore


Le Parlement européen,

- vu ses résolutions précédentes sur le Pakistan,

- vu la déclaration de la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, du 27 mars 2016 sur l'attentat de Lahore, au Pakistan,

- vu la déclaration de Stavros Lambrinidis, représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, du 29 octobre 2014,

- vu les déclarations du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, du 27 mars 2016 sur l'attentat au Pakistan, et du 21 janvier 2016 sur l'attentat contre l'université Bacha Khan;

- vu la déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU du 28 mars 2016 sur l'attentat terroriste perpétré à Lahore, au Pakistan,

- vu les rapports du rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté de religion ou de conviction,

- vu le rapport de la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les questions relatives aux minorités, Rita Izsák-Ndiaye, du 5 janvier 2015 sur les discours de haine et l'incitation à la haine à l'égard des minorités dans les médias,

- vu la déclaration de la lauréate du prix Sakharov et du prix Nobel de la paix, Malala Yousafzaï, du 27 mars 2016,

- vu le rapport de la rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, Gabriela Kaul, du 4 avril 2013, et le rapport du groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires du 26 février 2013 sur sa mission au Pakistan,

- vu l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

- vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

- vu les orientations de l'Union européenne concernant la peine de mort, révisées le 12 avril 2013,

- vu les conclusions du Conseil du 20 juillet 2015 sur le Pakistan,

- vu le plan quinquennal de coopération UE-Pakistan de mars 2012 – dont les priorités sont la bonne gouvernance et le dialogue en matière de droits de l'homme – ainsi que le deuxième dialogue stratégique UE-Pakistan du 25 mars 2014, qui lui est étroitement lié;

- vu les orientations de l'Union européenne relatives à la promotion et à la protection de la liberté de religion ou de conviction,

- vu sa résolution du 17 décembre 2015 sur le rapport annuel de 2014 sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l'Union européenne en la matière,

- vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A. considérant que le 27 mars 2016, un attentat a causé la mort de 73 personnes et fait plus de 300 blessés, dont de nombreuses femmes et de nombreux enfants, dans une aire de jeu du parc Gulshan-e-Iqbal à Lahore; que le groupe terroriste Jamaat al-ahrar a revendiqué la responsabilité de l'attentat et déclaré qu'il avait délibérément visé des chrétiens; qu'en fait, la plupart des blessés et des morts étaient musulmans et que tous étaient pakistanais;

B. considérant qu'au moment de l'attentat, Islamabad était le théâtre de violentes manifestations lors desquelles des partisans de Moumtaz Qadri, meurtrier reconnu coupable et condamné du gouverneur Salman Tassir, exigeaient l'exécution d'Assia Bibi, une femme accusée de blasphème et condamnée à mort qui avait été défendue par le gouverneur Tassir; que des dizaines de milliers de personnes assistaient aux funérailles de Qadri après sa pendaison et louaient son héroïsme, que des images circulaient sur les réseaux sociaux; que le juge qui a le premier condamné Qadri a dû fuir le pays après avoir reçu des menaces de mort;

C. considérant que certains groupes extrémistes sont autorisés à diffuser leur idéologie et à déployer leurs activités sans entraves, comme certains syndicats d'étudiants dans les universités et l'association d'avocats Khatm-e-Noubouwat, laquelle serait à l'origine de l'augmentation des poursuites pour blasphème dans les juridictions pakistanaises et qui s'oppose à toute tentative législative de réforme de la législation en la matière;

D. considérant que les chrétiens et d'autres minorités non seulement sont persécutés par des extrémistes mais sont victimes de discriminations, en particulier en application de la législation pakistanaise sur le blasphème, qui est discriminatoire et largement détournée à des fins personnelles et politiques; que des musulmans sont aussi inculpés en application de cette législation;

E. considérant que le terrorisme et l'extrémisme islamiste font des victimes dans la population pakistanaise depuis des années, en particulier au sein des minorités religieuses et parmi les femmes et les enfants; que depuis l'adoption de la dernière résolution du Parlement sur le Pakistan le 15 janvier 2015, plusieurs douzaines d'attentats terroristes et d'agressions violentes ont été perpétrés contre des minorités religieuses dans un contexte juridique discriminatoire et d'application déficiente du droit;

F. considérant que plusieurs groupes terroristes au Pakistan s'en prennent aux minorités religieuses comme les ahmadis, les chrétiens, les chiites et les hindous, ainsi qu'à des sunnites dont l'opinion diverge de la leur; que dans son rapport annuel de 2015, la commission des droits de l'homme du Pakistan a constaté que les auteurs de ces violences restaient impunis dans la plupart des cas;

G. considérant que des enfants kamikazes seraient toujours utilisés par des groupes extrémistes; que le gouvernement n'a pas adopté de dispositions législatives portant création de la commission nationale des droits de l'enfant, organe indépendant chargé de la protection et du respect des droits des enfants;

H. considérant qu'après le massacre perpétré dans une école par des rebelles talibans en décembre 2014, le gouvernement pakistanais a rétabli la peine de mort après un moratoire de six ans, d'abord uniquement pour les activités terroristes puis pour tous les crimes passibles de la peine capitale; que fin 2015, le Pakistan avait exécuté 326 personnes, un nombre sans précédent qui place le pays au troisième rang mondial dans ce domaine;

I. considérant que la lutte entre l'armée pakistanaise et les groupes armés non étatiques s'est traduite par le déplacement de plus d'un million de personnes à l'intérieur du pays;

J. considérant que des femmes issues de minorités religieuses pakistanaises sont enlevées, mariées de force et contraintes de se convertir à l'islam, que ce phénomène est largement ignoré par la police et les autorités civiles;

K. considérant que le Pakistan joue un rôle de premier plan dans la stabilité de l'Asie du Sud et qu'il devrait par conséquent montrer l'exemple en renforçant l'état de droit et en protégeant les droits de l'homme;

L. considérant que l'Union reste fermement déterminée à poursuivre son dialogue et sa coopération avec le Pakistan au titre du plan quinquennal;

1. est profondément choqué par l'attentat perpétré le 27 mars 2016 à Lahore et condamne fermement ces actes insensés de violence à l'encontre de tant d'innocents;

2. adresse ses plus sincères condoléances aux familles des victimes et exprime sa solidarité avec le peuple et le gouvernement pakistanais;

3. souligne qu'il est absolument impératif de traduire en justice les auteurs de l'attentat de Lahore; demande aux pouvoirs publics pakistanais, notamment les administrations locales et provinciales, de veiller à ce que ces actes donnent effectivement lieu à des enquêtes et des poursuites;

4. se déclare particulièrement inquiet par les violations endémiques et graves des libertés de religion et de conviction au Pakistan; souligne l'importance de respecter les droits fondamentaux de toutes les minorités religieuses et ethniques du Pakistan de sorte qu'elles puissent continuer à vivre dans la dignité, l'égalité et la sécurité, et pratiquer leur religion en totale liberté sans subir aucun acte de contrainte, de discrimination, d'intimidation ou de harcèlement, conformément aux principes fondateurs du Pakistan;

5. se félicite des initiatives de réformes prises par le gouvernement comme le projet de loi sur la criminalisation du mariage des enfants et la loi sur la protection des femmes contre la violence et le harcèlement, le déblocage de YouTube, la décision déclarant fériés les jours de fêtes de Holi, de Divali et de Pâques pour les minorités religieuses, ainsi que l'initiative personnelle du Premier ministre Nawaz Charif de se rendre à une manifestation religieuse hindoue; presse le gouvernement de redoubler d'efforts pour instaurer un climat social favorable aux minorités et à la diversité d'opinion; rappelle dans ce contexte le plan d'action national, les réformes urgentes et nécessaires des médersas qui ont été promises, en particulier l'action du gouvernement contre les discours de haine et la réforme restée en suspens de la police et de l'appareil judiciaire; fait observer qu'il conviendra de prendre des mesures plus ambitieuses, en particulier dans le domaine éducatif (l'élimination des a priori et des préjugés des programmes et des manuels) et en matière de poursuite des personnes qui incitent à la violence;

6. salue l'engagement pris le gouvernement pakistanais d'écarter les menaces que constitue l'extrémisme religieux; soutient le dialogue constant entre l'Union et ses États membres, d'une part, et le Pakistan, d'autre part, sur les moyens de garantir la protection et la défense des droits de l'homme, eu égard notamment aux mesures de lutte contre le terrorisme et par l'intermédiaire de lois sur la sécurité;

7. est convaincu que si l'opération militaire annoncée dans le Pendjab est essentielle dans la lutte contre le terrorisme, elle ne l'est pas moins que la victoire dans la guerre idéologique contre le terrorisme qui garantira un avenir de tolérance et de progrès au Pakistan;

8. demande aux pouvoirs publics pakistanais de s'attaquer au problème de l'exclusion sociale et économique, notamment de la grande majorité des chrétiens et des autres minorités religieuses, qui mènent une vie précaire;

9. juge préoccupant le recours permanent à des lois sur le blasphème au Pakistan et considère que cette tendance attise l'intolérance religieuse; demande par conséquent au gouvernement pakistanais de réexaminer ces lois et leur application; invite les pouvoirs publics à veiller à ce que les affaires pour blasphème soient diligemment traitées par la justice; relève notamment le cas d'Assia Bibi et encourage vivement la Cour suprême à se prononcer dans cette affaire;

10. demande aux pouvoirs publics pakistanais de garantir l'indépendance des juridictions, l'état de droit et les droits de la défense, conformément aux normes internationales en matière de procédures judiciaires; invite également les pouvoirs publics pakistanais à accorder une protection suffisante à toutes les personnes intervenant dans les affaires de blasphème, en particulier les gens de loi dans le pays, et à protéger les accusés, les témoins et leurs familles ainsi que leurs communautés des violences émeutières, notamment les personnes acquittées qui ne peuvent rentrer chez elles; demande au gouvernement pakistanais de veiller à ce que les victimes de violences et de persécutions ciblées bénéficient des voies de recours judiciaire appropriées et d'autres voies de recours applicables en vertu du droit international sur les droits de l'homme;

11. réaffirme qu'il reste opposé à la peine de mort dans toutes les circonstances; observe avec une vive inquiétude la hausse spectaculaire des condamnations à mort au Pakistan, notamment à l'encontre, très malheureusement, de délinquants mineurs, et réclame le rétablissement d'un moratoire sur la peine de mort dans la perspective d'une abolition de la peine capitale au Pakistan;

12. souligne qu'il est fondamental, dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme religieux, de s'attaquer aux causes profondes de ces phénomènes en prenant des mesures contre la pauvreté, en garantissant la tolérance religieuse et la liberté de conviction et en veillant à ce que les enfants, en particulier les filles, aient le droit d'aller à l'école et puissent le faire en sécurité;

13. demande au gouvernement pakistanais d'adresser une invitation permanente aux rapporteurs spéciaux de l'ONU, notamment le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, et de soutenir par tous les moyens les travaux de la commission nationale des droits de l'homme;

14. demande au gouvernement pakistanais de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les établissements éducatifs, les aires de loisirs et les lieux de rassemblement des communautés minoritaires dans les zones touchées par l'insécurité et les conflits soient suffisamment protégées, et pour réduire au maximum le risque que de telles violations des droits de l'homme et de telles violences ne se renouvellent;

15. encourage tous les acteurs régionaux à intensifier considérablement la coopération anti- terroriste; réaffirme l'importance d'un engagement international sans condition en faveur de la lutte contre le terrorisme, notamment le démantèlement de toutes les formes de soutien financier des réseaux terroristes, et contre l'endoctrinement idéologique qui est à l'origine de l'extrémisme et du terrorisme;

16. se félicite que le Pakistan ait ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et salue les mesures prises par les pouvoirs publics pakistanais en faveur des droits de l'enfant; invite le Pakistan à ratifier le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, et à instituer la commission nationale des droits de l'enfant;

17. invite la Commission, la vice-présidente et haute-représentante, Federica Mogherini, le Service européen pour l'action extérieure et le Conseil à coopérer pleinement avec le Pakistan dans la lutte contre la menace terroriste et à continuer d'aider le gouvernement et le peuple pakistanais à poursuivre leurs efforts d'éradication du terrorisme; demande à la vice-présidente et haute-représentante, Federica Mogherini, d'informer régulièrement le Parlement des progrès enregistrés dans le cadre de ces mesures bilatérales;

18. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au secrétaire général de l'ONU, au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à la présidence du Conseil de sécurité de l'ONU, au Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ainsi qu'au gouvernement et au Parlement du Pakistan.
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