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Les lois Hudood: le droit des femmes contre l'inspiration islamique

dépêche de presse du 7 mai 2004 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Pakistan
Thème :
ISLAMABAD - Une poignée de Pakistanaises est partie en croisade contre la législation islamique incarnée par les lois Hudood qui depuis 1979 menace la femme adultère de lapidation, le voleur d'amputation ou encore la victime d'un viol, d'accusation d'adultère si elle ne peut pas prouver son agression.

"L'objet de toute loi doit être d'aider à rendre la justice, mais les lois Hudood ont pour seul résultat un total déni de justice", juge la parlementaire Sherry Rehman, fer de lance de la campagne pour l'abrogation de cette législation, fermement défendue par les islamistes.

Une première offensive de l'élue du Parti populaire du Pakistan (PPP), de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, a échoué en décembre faute de soutien de la part de ses collègues, disposés à amender la législation plus qu'à l'abroger, et surtout peu enclins à enflammer l'opposition islamiste.

"L'abrogation est la seule façon de s'y attaquer", affirme Sherry Rehman à l'AFP. "Ces lois sont tellement défectueuses, mal rédigées et mal appliquées qu'un amendement n'aurait aucun sens", juge-t-elle en dénonçant la discrimation systématique dont les femmes font l'objet dans ces lois.

Sa position est fermement soutenue par la Commission nationale sur le Statut des Femmes dont un rapport a préconisé en janvier l'abrogation des lois Hudood.

"Les injustices se poursuivent depuis l'adoption des lois et les critiques n'ont pas cessé depuis", affirme la président de la Commission, l'ex-juge Majida Razvi. Son rapport, dans lequel 12 des 15 membres de la Commission préconise l'abrogation des lois Hudood, a soulevé l'ire des parlementaires islamistes.

"Ces lois sont d'inspiration divine, elle nous sont données par le Coran et Allah n'a pas donné aux humains le droit de les modifier", assure Samia Raheel Qazi, une parlementaire du Jamaat-i-Islami, le plus vieux et le mieux implanté des partis islamistes pakistanais.

Quelque 80% des femmes emprisonnées au Pakistan le sont au titre de ces lois parce qu'elles n'ont pas pu par exemple prouver la réalité du viol dont elles ont été victimes et ont en conséquence été accuséEs d'adultère, selon le rapport de la Commission présidée par la juge Razvi.

Les lois ont été introduites en 1979 par le général Zia-ul Haq, qui venait deux ans plus tôt de renverser le régime civil de Zulfikar Ali Bhutto et voulait islamiser le pays et se concilier ainsi l'appui des religieux.

Une des dispositions les plus contestées des lois est l'obligation de présenter quatre témoins masculins - des "musulmans de bonne réputation" - pour prouver un adultère ou un viol, que même des spécialistes de l'islam récusent.

Anis Ahmad, qui enseigne depuis près de vingt ans la loi islamique et les religions comparées à l'Université islamique internationale d'Islamabad assure que le Coran n'impose pas le sexe des témoins d'un adultère et ne requiert aucun témoin pour un viol.

"C'est un des défauts qui doit être rectifié", explique-t-il à l'AFP: "Personne ne peut modifier les lois du Coran, mais toute loi créée par l'homme peut faire l'objet d'une amélioration par l'homme".

Certains religieux conservateurs opposés à l'abrogation des lois Hudood reconnaissent que des abus sont commis au nom des lois, qui ont déjà subi des amendements. En avril 1997, le parlement a ainsi adopté la peine de mort comme châtiment pour les auteurs de viol collectif qui n'était puni que d'une peine de prison et de fouet.

Leader régional de la coalition islamiste Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), qui regroupe six partis islamistes dont certains très conservateurs, Liaqat Baloch estime que les lois Hudood ne seront "jamais" abrogées dans la République islamique du Pakistan.

"S'il y a quelque chose à améliorer, alors cela sera étudié, mais abroger les lois Hudood, cela n'arrivera jamais", affirme-t-il.
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