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Observations finales du Comité des droits de l'homme sur le rapport initial du Pakistan (extrait)

CCPR/C/PAK/CO/1
observations du 23 août 2017 - Comité des droits de l'homme
Pays :
peine de mort / Pakistan
Thème :
Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
Comité des droits de l'homme

Observations finales concernant le rapport initial 
du Pakistan

1. Le Comité des droits de l'homme a examiné le rapport initial du Pakistan (CCPR/C/PAK/1) à ses 3386e, 3387e et 3388e séances (voir CCPR/C/SR.3386, 3387 et 3388), les 11 et 12 juillet 2017. À ses 3406e et 3407e séances, les 25 et 26 juillet 2017, il a adopté les observations finales ci-après.

[...]

Peine de mort

17. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie a levé son moratoire sur la peine de mort en décembre 2014 et qu'il compte depuis lors parmi les États affichant le taux le plus élevé d'exécutions. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la peine capitale est prononcée pour des crimes autres que « les crimes les plus graves » au sens du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte, par exemple pour trafic de drogues et pour blasphème, que des mineurs et des personnes présentant un handicap psychosocial ou mental auraient été condamnés à mort et exécutés, qu'une politique de rejet systématique des demandes de grâce serait appliquée et qu'aucune demande de grâce n'aurait été acceptée, et que la manière dont les personnes sont exécutées relèverait de la torture ou de peines cruelles, inhumaines ou dégradantes. Le Comité prend également note avec préoccupation du nombre élevé de travailleurs migrants pakistanais qui ont été condamnés à mort et exécutés à l'étranger et des informations faisant état de l'insuffisance des services consulaires et juridiques qui leur ont été offerts (art. 2, 6, 7, 9, 14 et 24).

18. L'État partie devrait rétablir le moratoire et envisager d'abolir la peine de mort et d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Si la peine de mort est maintenue, l'État partie devrait, à titre prioritaire, prendre toutes les mesures voulues :

a) Pour que la peine de mort ne soit prononcée que pour « les crimes les plus graves », commis avec l'intention de donner la mort, qu'elle ne soit en aucun cas obligatoire, que la grâce ou la commutation de peine puissent être accordées dans tous les cas, quelle que soit l'infraction commise, et que la peine de mort ne soit jamais imposée en violation des dispositions du Pacte, notamment en l'absence de procédure régulière, ni prononcée par des tribunaux militaires, en particulier à l'encontre de civils ;

b) Pour qu'aucune personne âgée de moins de 18 ans au moment de l'infraction ne soit condamnée à la peine de mort et que les personnes accusées d'une infraction passible de la peine capitale bénéficient d'une procédure de détermination de l'âge qui soit rigoureuse et indépendante et soient traitées comme des enfants dès lors que des doutes subsistent quant à leur âge au moment de l'infraction ;

c) Qu'aucune personne présentant un handicap psychosocial ou mental grave ne soit condamnée à mort ou exécutée, y compris en mettant en place un mécanisme indépendant chargé d'examiner tous les cas où il existe des raisons de croire que des détenus condamnés à mort sont atteints d'un tel handicap et de réexaminer l'état de santé mentale de tous les condamnés à mort ;

d) Pour que le protocole d'exécution soit conforme aux normes internationales des droits de l'homme et que les exécutions soient menées conformément au protocole établi ;

e) Pour que les travailleurs migrants pakistanais condamnés à mort à l'étranger bénéficient de services consulaires et juridiques suffisants tout au long de la procédure judiciaire.

[...]

Tribunaux militaires

23. Le Comité est préoccupé par l'élargissement de la compétence des tribunaux militaires aux affaires transmises par les tribunaux antiterroristes et aux personnes détenues au titre du règlement relatif au soutien au pouvoir civil. Il relève également avec préoccupation que les tribunaux militaires ont condamné au moins 274 civils − y compris, selon les informations disponibles, des enfants − lors de procédures secrètes, et condamné à mort 161 civils. Il note en outre avec préoccupation qu'environ 90 % des condamnations sont fondées sur des aveux, que les critères utilisés pour déterminer quelles affaires seront examinées par ces tribunaux ne sont pas clairs, que, dans la pratique, les défendeurs ne sont pas autorisés à désigner un avocat de leur choix, ni ne disposent effectivement d'un droit de recours auprès des juridictions civiles, et que les accusations portées contre les défendeurs, la nature des preuves et le texte écrit des jugements portant les motifs de la condamnation ne sont pas rendus publics. Le Comité relève aussi avec préoccupation que les tribunaux militaires auraient condamné au moins cinq « personnes disparues » qui faisaient l'objet d'une enquête de la Commission d'enquête sur les disparitions forcées (art. 2, 6, 7, 9, 14 et 15).

24. L'État partie devrait :

a) revoir la législation relative aux tribunaux militaires en vue d'abroger les dispositions relatives à leur compétence pour juger des civils et leur pouvoir d'imposer la peine de mort ;

b) réformer les tribunaux militaires pour rendre leurs procédures pleinement conformes aux articles 14 et 15 du Pacte, afin de garantir le droit à un procès équitable.

[...]

Liberté de religion, de conscience et de conviction

33. Le Comité est préoccupé par les dispositions législatives relatives au blasphème, en particulier les sections 295 et 298 du Code pénal du Pakistan, qui prévoient des peines sévères, notamment la peine capitale obligatoire (sect. 295 C)) et qui auraient un effet discriminatoire sur les Ahmadis en particulier (sect. 298 B) C)), par le très grand nombre d'affaires de blasphème reposant sur de fausses accusations et les violences dont sont victimes les personnes accusées de blasphème, comme le montre le cas de Mashal Khan, et par les nombreuses informations selon lesquelles les juges qui connaissent des affaires de blasphème font fréquemment l'objet de harcèlement, d'intimidation et de menaces. Le Comité prend note de l'arrêt rendu par la Cour suprême le 19 juin 2014, mais regrette l'absence d'information sur l'exécution de cet arrêt et reste préoccupé par les nombreuses informations faisant état de discours haineux et de crimes motivés par la haine visant des personnes appartenant à des minorités religieuses et leurs lieux de culte, ainsi que par les contenus des manuels et des programmes des écoles publiques et des madrasas qui véhiculent des préjugés religieux (art. 2, 14, 18 et 19).

34. L'État partie devrait :

a) Abroger toutes les dispositions législatives relatives au blasphème ou les modifier conformément aux prescriptions strictes du Pacte, y compris celles qui sont développées au paragraphe 48 de l'observation générale no 34 (2011) du Comité, sur la liberté d'opinion et la liberté d'expression ;

b) Faire en sorte que quiconque incite ou se livre à la violence contre autrui sur la base d'allégations de blasphème, ou porte de fausses accusations de blasphème soit traduit en justice et dûment sanctionné ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour offrir une protection adéquate à tous les juges, procureurs, avocats et témoins concernés par des affaires de blasphème ;

d) Faire en sorte que toutes les affaires de discours haineux et de crimes motivés par la haine donnent rapidement lieu à des enquêtes approfondies et que les auteurs des faits soient poursuivis et, s'ils sont reconnus coupables, sanctionnés ;

e) Réviser les manuels et les programmes scolaires afin d'en supprimer tous préjugés religieux et d'y intégrer l'éducation aux droits de l'homme, et continuer à réglementer les madrasas ;

f) Se conformer pleinement à l'arrêt rendu par la Cour suprême le 19 juin 2014.

[...]

D. Diffusion et suivi
[...]
50. Conformément au paragraphe 5 de l'article 71 du Règlement intérieur du Comité, l'État partie est invité à faire parvenir, dans un délai d'un an à compter de l'adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 18 (peine de mort), 20 (disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires) et 34 (liberté de religion, de conscience et de conviction).

[...]

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