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La condamnation à mort d'un Américain annulée après six procès, l'histoire continue

dépêche de presse du 21 juin 2019 - Agence mondiale d'information - AFP
peine de mort / Mississippi
Curtis Flowers
La Cour suprême des Etats-Unis a annulé vendredi la condamnation à mort d'un homme jugé six fois pour un crime dont il se dit innocent, sans mettre un terme à ce dossier qui illustre à l'excès les maux du système judiciaire américain.

Le temple du droit américain ne s'est pas prononcé sur la culpabilité de Curtis Flowers, un Afro-américain de 49 ans, dont 22 passés derrière des barreaux.

La haute juridiction a annulé le dernier verdict prononcé contre lui, au motif que les citoyens noirs avaient été volontairement écartés par l'accusation lors de la sélection des jurés, ce qui est illégal.

"Lors des six procès combinés, l'Etat a écarté 41 des 42 jurés noirs potentiels. Au sixième procès, il en a écarté cinq sur six", écrit la Cour suprême dans sa décision, prise à la majorité de sept juges sur neuf.

De plus, lors du dernier procès, l'accusation "a posé 145 questions aux cinq jurés noirs écartés, contre 12 aux onze jurés blancs sélectionnés", souligne la Cour, y voyant la preuve qu'elle "cherchait des prétextes" pour les tenir à l'écart.

Le juge conservateur Samuel Alito a ajouté dans un avis séparé que, dans un autre dossier, il aurait probablement pris une décision différente parce que les jurés avaient des liens avec l'accusé ou les victimes. "Mais ce dossier est très inhabituel. En fait, il est unique", a estimé le magistrat.

Cette affaire hors norme a commencé le 16 juillet 1996, quand quatre employés d'un magasin de meubles ont été abattus à Winona, une bourgade du Mississippi, dans le sud des Etats-Unis, marquée par l'esclavage et la ségrégation raciale.

Environ six mois plus tard, la police a arrêté Curtis Flowers, qui avait brièvement travaillé dans le magasin, après des témoignages le localisant près des lieux du crime. Iil a été jugé depuis à six reprises et a, à chaque fois, clamé son innocence.

- Vers un septième procès? -

Le droit américain interdit d'organiser un nouveau procès quand un accusé a été acquitté. Mais cela n'a jamais été le cas pour Curtis Flowers: ses trois premiers procès se sont conclus sur des reconnaissances de culpabilité, avant d'être annulés en appel pour des vices de procédure. Les deux suivants n'ont pas débouché sur un verdict, faute d'unanimité parmi les jurés.

En 2010, il avait été condamné à la peine capitale. C'est ce jugement que la Cour suprême vient d'invalider.

Le même procureur, le "district attorney" Doug Evans, a gardé la main sur l'ensemble de l'accusation. Elu par les habitants de son comté, il est inamovible, à moins de perdre un scrutin. Or, depuis 1991, il a été réélu sans discontinuer.

Les trois premiers procès ont pourtant été invalidés en raison de ses errements. "A la lumière de ce qui avait eu lieu auparavant, c'était risqué de laisser le même procureur en charge du dossier", a souligné dans son commentaire le juge Alito.

Pourtant, rien ne lui interdit de convoquer un nouveau procès.

"Un septième procès serait sans précédent et complètement injustifié", ont estimé dans un communiqué les défenseurs de Curtis Flowers, en demandant aux autorités du Mississippi de "désavouer Doug Evans" et de "libérer leur client".

Mais elles ne peuvent pas légalement retirer le dossier au procureur.

Or Doug Evans n'est pas du genre à renoncer, selon Ray Charles Carter, qui a défendu Curtis Flowers lors de ses quatre premiers procès. "Il pense qu'il doit gagner ce procès, qu'une défaite entamerait sa légitimité dans sa communauté", avait déclaré l'avocat en amont de l'audience en mars.

Au-delà de la question raciale, le dossier de Curtis Flowers illustre "l'absence de contrôle sur les procureurs" dans le système judiciaire américain, selon la journaliste Madeleine Baran, qui a fait connaître l'affaire au grand public dans le podcast "In the Dark".

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