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Le Comité des droits de l'enfant célèbre le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l'enfant

communiqué de presse du 16 septembre 2019 - Comité des droits de l'enfant - Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU
Est notamment présentée une version de la Convention adaptée aux enfants

Dans le cadre de la célébration du trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l'enfant, le Comité des droits de l'enfant a tenu, cet après-midi, au Palais des Nations à Genève, une séance portant sur le thème général « Trente ans de droits des enfants: où nous sommes et où nous voulons être ? ». Les débats ont notamment été marqués par les contributions de jeunes militantes des droits enfants originaires de plusieurs pays ainsi que par la présentation d'une version de la Convention adaptée aux enfants.

Des déclarations liminaires ont été faites par M. Luis Ernesto Pedernera Reyna, Président du Comité des droits de l'enfant, et Serena, jeune militante des droits des enfants membre du Réseau des droits humains de l'enfant au Royaume-Uni d'Amnesty International.

L'après-midi a ensuite été divisée en deux débats portant, respectivement, sur les moments clefs et les réalisations de la Convention, avec une contribution de M. Jean Zermatten, ancien Président du Comité; et sur la situation actuelle et la vision pour les droits de l'enfant. Ce deuxième débat a été consacré, plus particulièrement, à la participation de l'enfant; aux droits de l'enfant dans l'environnement numérique; à la justice pour enfants; et à la crise climatique.

Outre les interventions d'enfants, ces débats ont compté avec la participation de membres actuels et anciens du Comité, ainsi que du Chef de la Section des peuples autochtones et des minorités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme; du Directeur régional adjoint pour l'Europe et l'Asie centrale de l'UNICEF; et du Directeur exécutif de l'organisation non gouvernementale Child Rights Connect.

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité se réunira au Palais Wilson pour examiner le rapport de la Géorgie au titre du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés. L'après-midi, il examinera le rapport soumis par ce même pays au titre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Déclarations liminaires

M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, Président du Comité des droits de l'enfant, a souligné que la Convention relative aux droits de l'enfant était l'instrument le plus ratifié de tous les organes de traités des Nations Unies, ce qui témoigne d'un engagement positif des États en faveur des droits de l'enfant. Mais, trente ans après l'entrée en vigueur de la Convention, il reste encore des efforts à fournir pour que tous ses articles soient pleinement appliqués, a fait remarquer le Président du Comité, avant d'insister sur l'importance de la notion d'« utopie positive » dans ce contexte, autrement dit « le fait de toujours voir le soleil à l'horizon et de s'en rapprocher ». « Si les droits de l'enfant sont une utopie, il faut se mettre en marche pour s'en rapprocher », a conclu le Président.

La jeune SERENA, du Royaume-Uni – où elle est membre du Réseau des droits humains des enfants d'Amnesty International – a remercié les très nombreux États qui, conscients des lacunes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Dans le chaos actuel, marqué par la pauvreté et les crises, l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas toujours pris en compte, en particulier dans le cadre de la crise climatique actuelle, a-t-elle souligné. Serena a en outre regretté que les enfants n'aient pas leur mot à dire dans la gestion du monde qui sera le leur; elle a appelé tous les États à ratifier le troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui instaure une procédure de plainte devant le Comité.

Premier débat: « Trente ans de la Convention: moments clefs et réalisations »

Après une introduction par MME ANN SKELTON, membre du Comité, le premier débat a pris la forme d'une séance de questions et de réponses entre, d'une part, deux jeunes reporteurs, Sophia et Keren, et, d'autre part, M. Paulo David, ancien Secrétaire du Comité et Chef de la Section des peuples autochtones et des minorités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme; M. Philippe Cori, Directeur régional adjoint pour l'Europe et l'Asie centrale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); et M. Alex Conte, Directeur exécutif de Child Rights Connect.

Auparavant, M. JEAN ZERMATTEN, ancien Président du Comité et ancien juge pour mineurs, a dressé à grands traits l'histoire de la Convention, ses textes précurseurs et ses inspirateurs – citant à cet égard le pédagogue polonais Janusz Korczak, ainsi que, comme source de la Convention, la Déclaration universelle des droits de l'homme – même si ce dernier texte ne mentionne pas les enfants en dehors du contexte de la famille et de l'éducation.

La Convention est ratifiée par 196 États, un seul État s'étant abstenu de le faire, a rappelé M. Zermatten. En revanche, un effort reste à faire dans la ratification des trois Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, en particulier pour ce qui est du dernier en date (celui instaurant une procédure de plainte), qui n'est ratifié que par quarante pays. L'ancien Président a par ailleurs insisté sur le rôle important de la société civile – y compris des organisations d'enfants – dans l'établissement et l'examen des rapports que les États doivent remettre périodiquement au Comité.

Pendant la discussion animée par SOFIA et KEREN, jeunes reporteuses genevoises, il a été rappelé – notamment – que les enfants en conflit avec la loi ont été, pendant longtemps, considérés comme des dangers publics. Or, cette approche sécuritaire, accompagnée de placements en institutions voire de détention, a beaucoup évolué grâce à la Convention – même si l'on sait, comme l'a souligné M. Zermatten, que la répression persiste au détriment d'une approche éducative. M. Zermatten a déploré que la moitié seulement des États parties à la Convention aient créé des tribunaux pour mineurs et introduit pour les mineurs en conflit avec la loi des peines et procédures différentes de celles réservées aux adultes, sans compter que certains pays appliquent encore la peine de mort à des personnes mineures au moment d'avoir commis un crime, ce qui constitue une violation de la Convention.

M. CORI a fait état, pour sa part, de progrès réels réalisés depuis trente ans grâce à la Convention en ce qui concerne la situation de l'enfant sur les plans scolaire et sanitaire. Il a toutefois mis en garde contre des retours en arrière toujours possibles, comme on le voit avec l'opposition actuelle à la vaccination. M. Cori a aussi recommandé de faire prendre conscience non seulement aux systèmes éducatifs mais aussi aux familles que les châtiments corporels ne sont pas une bonne méthode d'éducation, compte tenu, en particulier, de leurs effets neurologiques. L'expert a aussi plaidé pour des programmes sociaux qui incitent les familles à scolariser et soigner leurs filles et leurs garçons dans les mêmes conditions.

M. DAVID a quant à lui regretté, vu les effets bénéfiques du sport, que les instances dirigeantes de ce secteur tiennent peu compte de la Convention, laissant se commettre des violences et agressions sexuelles dans le contexte des activités sportives. Il s'est également dit préoccupé par l'exploitation de jeunes athlètes dans le football. M. David a ensuite décrit le rôle joué par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans l'application de la Convention en partenariat avec les institutions spécialisées des Nations Unies. Il a rappelé que la Haute-Commissaire, Mme Michelle Bachelet, pédiatre de formation, est très concernée par le sort des enfants.

M. CONTE a ensuite rappelé que l'application de la Convention engageait, par essence, la participation des enfants. Il a relevé que les nouvelles technologies aident les enfants à constituer des réseaux utiles pour la défense de leurs droits; l'expert a cité à ce propos un réseau d'enfants autochtones. M. Conte a aussi fait savoir qu'un site internet avait été ouvert pour mieux faire connaître la procédure de plainte instauré par le troisième Protocole facultatif. L'expert a en outre recommandé de protéger les enfants contre les risques de la vie en ligne, notamment le harcèlement.

Présentation d'une version de la Convention adaptée aux enfants

M. JOSÉ ANGEL RODRIGUEZ REYES, membre du Comité, ZCYREL, jeune militante des droits de l'enfant originaire des Philippines, et MARIA, jeune militante des droits de l'enfant originaire du Mexique, ont présenté une nouvelle version de la Convention plus accessible aux enfants, préparée avec l'aide de l'UNICEF. Les deux jeunes militantes ont décrit le processus de consultation mis en place pour engager la participation de « conseillers enfants » dans la rédaction de cette version. Elles ont insisté sur le fait que cet outil aiderait d'autres enfants à faire valoir leurs droits, en particulier le droit à la vie et à l'épanouissement; le respect du point de vue des enfants; le droit d'exprimer leur pensée; et le droit de créer des groupes.

Débat: « La situation actuelle et la vision pour les droits de l'enfant »

Présenté par M. PHILIP JAFFÉ, membre du Comité des droits de l'enfant, le deuxième débat a compté avec la participation de HANNAH, jeune conseillère venue d'Écosse, ainsi que des membres suivants du Comité: MME MIKIKO OTANI, MME OLGA KHAZOVA, MME RENATE WINTER, MME HYND AYOUBI IDRISSI et M. CLARENCE NELSON. Le débat a été consacré plus particulièrement à la participation de l'enfant; aux droits de l'enfant dans l'environnement numérique; à la justice juvénile; et à la crise climatique.

S'agissant de la question de la participation des enfants, ZCYREL a indiqué avoir toujours été en mesure d'assumer ses responsabilités de représentante des enfants grâce à l'appui de sa famille. La participation des enfants dépend de l'attitude ouverte des adultes, a insisté la jeune Philippine. MME OTANI a ensuite fait observer que la participation des enfants était désormais mieux admise, de même que le fait que les enfants – titulaires de droits – doivent pouvoir agir non seulement pour faire valoir ces droits mais aussi pour défendre des causes plus larges qui les concernent de près, comme le sauvetage de l'environnement.

S'agissant des droits de l'enfant dans l'environnement numérique, MARIA a souligné que si Internet avait fait tomber nombre d'obstacles en termes d'accès aux connaissances et aux informations, il restait à régler des problèmes relatifs à la sécurité des enfants en ligne. MME KHAZOVA a déclaré que la Convention couvrait pleinement tous les points relatifs à ce phénomène Internet, qui pourtant n'existait pas il y a trente ans: droit à l'accès à l'information, liberté d'expression, droit de créer des groupes… tous ces enjeux actuels sont présents dans le texte de 1989, a souligné. Mme Khazova a indiqué que le Comité était en train de rédiger une observation générale sur les droits des enfants à l'ère numérique. Dans ses travaux, le Comité tient compte des témoignages qu'il a reçus d'enfants pour lesquels le fait de ne pas être sur Internet revient à ne pas exister, a précisé l'experte.

En matière de justice pour enfants, SOFIA plaidé pour une conception de l'enfant en conflit avec la loi comme d'une personne à aider. MME AYOUBI IDRISSI a précisé à ce propos que, dans les nouvelles conceptions, l'enfant n'est plus un objet de droit mais bien un sujet de droits – des droits qu'il peut demander à la justice de l'aider à faire valoir. Si la Convention n'a pas été le premier instrument dans ce domaine, c'est toutefois le premier ayant un caractère contraignant pour les États – en particulier pour ce qui est de créer un système de justice adapté aux enfants. La Convention a ainsi été à l'origine d'une importante activité législative incarnée dans la définition d'un âge de responsabilité pénale, dans la spécialisation des magistrats, dans la création de nouvelles réponses et dans le droit de l'enfant non seulement de s'exprimer mais aussi d'être entendu, a souligné l'experte.

Malgré cela, a regretté Mme Ayoubi Idrissi, il reste à régler les problèmes importants que sont la peine de mort, évoquée par M. Zermatten; la persistance de systèmes où l'enfant est déplacé de familles en structures, voire privé de liberté; et la non-séparation des enfants et des adultes dans les centres de détention.

MME WINTER a fait observer que certains États, considérant la justice comme le dernier bastion de leur pouvoir, rechignent pour cette raison à faire évoluer leur système judiciaire. Il est clair que des sanctions contre un mineur s'imposent parfois; mais rien n'interdit de prévoir, en outre, un accompagnement dans un établissement ouvert, a souligné Mme Winter, avant d'ajouter que la justice de réhabilitation (réparation du dommage causé en collaboration avec la victime) et les mesures de réinsertion ne sont pas si onéreuses.

Enfin, M. NELSON a insisté sur la réalité très concrète du changement climatique dans les îles du Pacifique et sur les effets délétères de la pollution des océans. Il a relevé que les enfants et les jeunes, à l'image de Greta Thunberg, sont particulièrement inquiets de ces problèmes et réclament des mesures de protection. L'expert a souligné la difficulté de faire prendre conscience à certains États qui passent devant le Comité du fait que les atteintes à l'environnement et le changement climatique empêchent aussi la jouissance de certains droits défendus par la Convention.

HANNAH a ensuite décrit certaines des actions entreprises par les enfants d'Ecosse pour faire entendre leurs préoccupations dans ce domaine et pour embellir leur environnement: campagnes d'affichage, plantation de fleurs en ville, mais aussi réunions annuelles avec les autorités locales. M. Nelson a alors fait observer que le Gouvernement écossais avait adopté une loi générale sur l'enfance.

Dans le cadre d'une discussion plus générale, a par ailleurs été posée la question de la possibilité ou non d'invoquer le troisième Protocole facultatif à la Convention pour se plaindre de violations des droits de l'enfant du fait d'atteintes à l'environnement. Mme Ayoubi Idrissi a expliqué que cette démarche était possible en vertu de l'obligation qu'ont les États de dégager les moyens nécessaires à garantir un droit reconnu à l'enfant par la Convention. Il a été rappelé que le Comité ne peut être saisi qu'après épuisement des recours juridiques internes; il a en outre été souligné que le Comité, déjà submergé de plaintes, manquait de moyens pour les traiter rapidement.

Le droit fondamental des enfants d'être consultés sur les décisions qui les concernent a été évoqué pendant le débat, de même que la possibilité d'accorder le droit de vote à tous les mineurs, éventuellement par le biais de leurs parents s'ils sont trop jeunes pour voter eux-mêmes. M. Jaffé s'est dit heureux de constater que les jeunes se posaient aujourd'hui comme capables et désireux d'influer sur le cours de nos sociétés.

De nombreuses questions ont ensuite de nouveau porté sur les objectifs de la justice pour enfants. Mme Winter a remarqué qu'en principe les enfants n'ont rien à faire en prison. L'importance des services sociaux en appui aux familles a été soulignée.

Conclusion

Pour conclure, AMY SPEARMAN, jeune militante des droits de l'enfant, membre du Conseil canadien des jeunes féministes et également influenceuse sur les réseaux sociaux, s'est dite très encouragée par la détermination qui s'est exprimée aujourd'hui en faveur des droits des enfants. Vu les difficultés qui restent à surmonter, comme a montré le débat, elle a cependant demandé à tous les titulaires d'obligations (à l'égard des enfants) d'assumer leurs responsabilités envers les enfants.

MME AMAL SALMAN ALDOSERI, Vice-présidente du Comité des droits de l'enfant, s'est félicitée de ce débat intéressant et interactif. Elle a indiqué que certains États avaient pris l'engagement facultatif de défendre avec vigueur certains droits couverts par la Convention, en particulier le droit des enfants de vivre à l'abri de la violence et de l'exploitation sexuelle. Quatre États parties ont pris de tels engagements par la voix d'enfants, a précisé Mme Aldoseri.
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