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Jugé six fois pour le même crime, un homme retrouve enfin la liberté

dépêche de presse du 16 décembre 2019 - Agence mondiale d'information - AFP
peine de mort / Mississippi
Curtis Flowers
(Washington) Un Afro-Américain jugé six fois pour un quadruple meurtre qu'il nie avoir commis pourra goûter de nouveau à la liberté en attendant un possible septième procès, a décidé un juge du Mississippi.

Curtis Flowers, 49 ans, a passé près de 23 ans derrière les barreaux dans un dossier qui illustre jusqu'à l'absurde les maux du système judiciaire américain.

La Cour suprême des États-Unis avait annulé en juin le dernier verdict prononcé contre lui, au motif que les citoyens noirs avaient volontairement été écartés par l'accusation lors de la sélection des jurés.

La haute cour ne s'était toutefois pas prononcée sur sa culpabilité et sa décision laisse la possibilité d'un septième procès. En attendant que les autorités locales se prononcent à ce sujet, son avocat a introduit une demande de remise en liberté surveillée.

Un juge a accepté lundi sa requête, à condition que Curtis Flowers porte un bracelet électronique et verse une caution de 250 000 dollars.

Cette affaire hors normes a commencé le 16 juillet 1996, quand quatre employés d'un magasin de meubles ont été abattus à Winona, une bourgade du Mississippi, État du sud marqué par l'esclavage et la ségrégation raciale.

Environ six mois plus tard, la police a arrêté Curtis Flowers, qui avait brièvement travaillé dans le magasin, après des témoignages le localisant près des lieux du crime. Il a ensuite été jugé à six reprises et a toujours clamé son innocence.

Le droit américain interdit d'organiser un nouveau procès quand un accusé a été acquitté. Mais cela n'a jamais été le cas pour Curtis Flowers : ses trois premiers procès se sont conclus sur des reconnaissances de culpabilité, avant d'être annulés en appel pour des vices de procédure.

Les deux suivants n'ont pas débouché sur un verdict, faute d'unanimité parmi les jurés. En 2010, il avait été condamné à la peine capitale. C'est ce jugement que la Cour suprême a invalidé.

Le même procureur, Doug Evans, a gardé la main sur l'ensemble de l'accusation. Élu par les habitants de son comté, il est inamovible, à moins de perdre un scrutin. Or, depuis 1991, il a été réélu sans discontinuer.

Lors de l'audience devant la Cour suprême, une des magistrates avait dénoncé sa «passion».

Au-delà de la question raciale, le dossier de Curtis Flowers illustre «l'absence de contrôle sur les procureurs» dans le système judiciaire américain, selon la journaliste Madeleine Baran, qui a fait connaître l'affaire au grand public dans le podcast In the Dark.
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