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#N'exécutez_pas: en Iran, une campagne d'ampleur contre les pendaisons de manifestants

dépêche de presse du 14 août 2020 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Iran
«#N'exécutez_pas»: une campagne d'une rare ampleur rassemblant militants et personnalités derrière ce mot-clic exhorte l'Iran à renoncer à la pendaison de trois jeunes prisonniers arrêtés lors de manifestations contre les autorités de Téhéran, un lobbying dont le succès reste incertain.

La campagne contre les exécutions (#Edam_Nakon en persan) a pris une ampleur inédite après la décision le 14 juillet de la Cour suprême iranienne de confirmer la peine de mort pour Amir Hossein Moradi, Saeed Tamjidi et Mohammad Rajabi, trois jeunes hommes accusés de vandalisme et de pyromanie pendant les manifestations de novembre 2019.

Selon l'un des avocats de la défense, les trois accusés sont des amis: M. Moradi, 26 ans, est vendeur de téléphones portables, M. Tamdjidi, 28 ans, chauffeur de taxi et M. Radjabi, 26 ans, au chômage.

La viralité du mouvement a permis d'obtenir un premier succès, avec l'annonce, le 19 juillet par l'Iran, de la suspension de l'exécution des trois jeunes.

Un répit de courte durée puisque Mostafa Salehi, un autre manifestant, arrêté, lui, à l'hiver 2017-2018 dans la province d'Ispahan (centre) a été pendu, début août.

L'Iran a été secoué par plusieurs vagues de manifestations ces dernières années, en particulier en novembre 2019 et janvier 2020, notamment contre la hausse du prix du carburant. Une contestation durement réprimée par les autorités.

Les militants prodroits de l'Homme s'inquiètent d'une recrudescence de l'usage de la peine de mort pour dissuader toute nouvelle manifestation.

«Message fort»

Selon Amnesty International, seule la Chine a davantage recours à la peine de mort que l'Iran dans le monde: en 2019, au moins 251 prisonniers iraniens ont été exécutés.

Pour tenter d'interrompre ce cycle d'exécutions, une partie de l'Iran s'est mobilisée sur les réseaux sociaux.

Le mouvement #Edam_Nakon rassemble des militants des droits de l'Homme à l'extérieur du pays, mais aussi des personnalités importantes de la société civile et de la scène publique iraniennes, comme la célèbre actrice Taraneh Alidoosti.

Cette dernière a ainsi posté une photo des trois prisonniers accompagnée du slogan «N'exécutez pas» à ses 6,6 millions d'abonnés sur Instagram.

Selon Tara Sepehri Far, chercheuse à Human Rights Watch (HRW), cette campagne est «une rare alliance d'acteurs de la société civile et de personnalités publiques», unies derrière «un message fort et concis».

«Les autorités ont perdu une grande part de la confiance de l'opinion publique depuis l'année dernière, mais elles ne peuvent pas totalement occulter une contestation si vaste née à l'intérieur du pays», dit-elle.

Les conditions de l'arrestation des trois prisonniers au cœur du combat de cette campagne font particulièrement polémiques.

Lorsque le premier d'entre eux, M. Moradi, avait été arrêté à Téhéran, MM. Tamjidi et Rajabi avaient fui en Turquie.

Selon Ibrahim Kaboglu, député d'opposition turc, les deux hommes avaient fui leur pays «craignant pour leur vie» et déposé une demande d'asile auprès d'Ankara.

Mais c'était sans compter sur la coopération des autorités turques avec Téhéran qui les ont renvoyés dans leur pays, selon l'ONG Center for Human Rights in Iran.

«La Turquie a remis ces jeunes gens aux forces de sécurités iraniennes, contrevenant ainsi à ses obligations internationales», déplore M. Kaboglu.

«Réponse percutante»

Le 16 juillet, des experts du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU ont exhorté l'Iran à ne pas procéder à l'exécution des trois hommes et à leur garantir un procès équitable. Ces experts estiment que les aveux ont été obtenus «sous la torture» avec «passages à tabac, chocs électriques et pendaisons par les pieds».

Après la décision de suspension de la Cour suprême, les militants des droits de l'Homme ont peur que le répit ne soit que de courte durée pour les trois jeunes prisonniers.

«Une partie de l'appareil sécuritaire pousse pour une réponse percutante aux manifestations, car ils craignent, peut-être à raison, qu'elles ne se propagent dans le pays», pointe Mme Sepehri Far.

Selon Mizan Online, le site officiel de l'Autorité judiciaire, l'Iran a ainsi procédé, le 5 août, à l'exécution de Mostafa Salehi, qui avait été reconnu coupable du meurtre d'un membre des forces de sécurité iraniennes.

Si «l'intensité» de la campagne de protestation a permis de donner un sursis aux trois jeunes hommes, les autorités «ont choisi une cible plus faible» en exécutant Salehi, explique Amin Riahi, de l'ONG United for Iran, basée aux États-Unis.

Les militants du mouvement «#Edam_Nakon» ne relâchent pas la pression et craignent d'autres exécutions.

Rouhollah Zam, un opposant autrefois exilé en France et accusé d'avoir joué un rôle actif dans les mêmes manifestations, a ainsi été condamné à mort, fin juin, pour «corruption sur terre», l'une des charges les plus graves prévues par le Code pénal iranien.

«La République islamique d'Iran n'aime pas faire marche arrière. Ils ne veulent pas se soumettre à l'opinion publique», relève Amin Riahi.
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