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Un nouveau féminicide attise la colère en Algérie

dépêche de presse du 8 octobre 2020 - Agence mondiale d'information - AFP
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Le viol et l'assassinat d'une femme de 19 ans ont déclenché un vif émoi en Algérie, relançant le débat sur la peine capitale d'une part et sur l'urgence de la lutte contre les violences faites aux femmes de l'autre.

Le cadavre de Chaïma a été retrouvé début octobre, après sa disparition, au niveau d'une station essence désertée à Thénia, près de Boumerdès, à l'est d'Alger. La jeune fille a été battue et violée avant d'être brûlée vive, selon les médias locaux.

Le suspect, passé aux aveux, est poursuivi pour "viol et homicide volontaire avec préméditation et guet-apens en utilisant la torture".

Il s'agit, selon la mère de la victime, d'une ancienne connaissance de la famille, contre laquelle la jeune fille avait porté plainte pour viol en 2016.

La mort de Chaïma, dont le nom de famille n'est pas précisé, a déclenché une vague d'indignation sur les réseaux sociaux, où les internautes fustigent un crime "crapuleux" et réclament justice.

Afin de "briser le silence", plusieurs collectifs féministes avaient appelé à des rassemblements jeudi à Alger, Oran, Béjaïa, Tizi Ouzou ou encore Constantine.

- Culture de la violence -

"Ceux qui gardent le silence sont tout aussi responsables", ont accusé une centaine de manifestantes rassemblées devant la faculté centrale d'Alger avant d'être rapidement dispersées par la police.

"Nous rêvons d'un pays où les femmes qui parlent de viol sont plus écoutées que les hommes qui parlent de voile", pouvait-on lire sur une pancarte brandie avec les portraits de victimes de féminicides.

"Mobilisons-nous pour que ça ne se reproduise plus et que cette société commence à comprendre que le problème est dans la culture de la violence", a déclaré à l'AFP Amel Zen, une chanteuse connue.

A Oran (nord-ouest), la manifestation a été d'emblée empêchée par la police. Une vingtaine de personnes ont été interpellées puis relâchées un peu plus tard, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d'opinion.

Dans une vidéo poignante diffusée sur les réseaux sociaux et reprise par les télévisions locales, la mère de la victime, s'adressant directement au président algérien, Abdelmadjid Tebboune, réclame l'exécution du coupable.

Sur internet également, le débat sur la peine capitale est relancé.

"L'exécution doit être appliquée au tueur, pour être un exemple pour tous ceux qui pensent à la même action", "Il faut ouvrir le débat sur la peine de mort, le monstre qui l'a tuée n'a pas sa place dans la société ni en prison", exhortent des internautes sur Twitter.

- "Changer les mentalités" -

La remise en cause du moratoire sur les exécutions, appliqué en Algérie depuis 1993, divise la société.

"La peine de mort n'est pas dissuasive. Elle est discriminatoire et ne protège pas les personnes les plus vulnérables", explique à l'AFP Hassina Oussedik, directrice d'Amnesty International pour l'Algérie.

"Ce n'est pas en revendiquant la peine de mort qu'on va lui rendre justice. C'est plutôt les lois qui doivent être changées et appliquées", plaide Algérie Féminicides, un compte Facebook qui pallie l'absence de statistiques officielles en faisant un travail de veille sur la question.

Algérie Féminicides a recensé jusqu'ici 38 cas de meurtre de femmes pour la seule année 2020, une soixantaine en 2019. Un chiffre bien en dessous de la réalité, selon les deux initiatrices du projet.

Un communiqué de la Protection civile a fait état jeudi de la la découverte du corps calciné d'une autre femme, âgée d'une trentaine d'années, dans une forêt à El Eulma, dans la région de Sétif (est).

"Il faut faire bouger les mentalités et le système judiciaire pour la prise en charge psychologique et juridique des victimes. Lancer des campagnes nationales de sensibilisation, ouvrir des centres d'écoute et d'hébergement et former les différentes institutions", préconise Mme Oussedik.

Le président Tebboune a ordonné dimanche l'application des peines maximales, sans possibilité d'allègement ou de grâce, contre les auteurs de crimes d'enlèvement de personnes "quels qu'en soient les tenants et aboutissants".

En Tunisie voisine, le meurtre récent d'une jeune femme a également ranimé le débat sur la peine de mort. Le président Kais Saied s'est prononcé la semaine dernière en faveur de l'exécution du meurtrier présumé, remettant en cause le moratoire observé depuis trente ans.

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